La Pape n’a pas toujours été élu. Il a été, avant cela, désigné par ses prédécesseurs
au début du christianisme puis par les fidèles de Rome en tant qu’évêque de la ville.
Les empereurs byzantins puis les rois barbares à la chute de l’empire romain ont également
désigné le successeur de Pierre au gré des vicissitudes de l’Histoire et de la prédominance
du pouvoir temporel sur le pouvoir spirituel. Ces ingérences sont de plus en plus
mal vécues par l’Eglise qui impose à l’élu d’être un prêtre ou un diacre par le Concile
de Latran en 769. C’est un premier pas vers un début d’indépendance mais cela n’est
pas suffisant
Le tournant du XIème siècle
Le Pape Nicolas II
impose une réforme substantielle en 1059 en promulguant la bulle In nomine Domini.
C’est la première mesure qui donnera naissance au conclave tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Le souverain pontife sera désormais élu par les seuls cardinaux-évêques. Un siècle
plus tard en 1179 le troisième Concile de Latran stipule que l’élection est du seul
ressort des cardinaux et instaure la majorité des deux tiers des voix.
La
naissance du conclave
Le XIIIème siècle est un siècle de profonds bouleversements
dans l’Occident médiéval et n’épargne par la Chrétienté. Le Pape Grégoire X promulgue
la bulle Ubi periculum en 1274 et peut ainsi être considéré comme l’ « inventeur
» du conclave. Sa décision est motivée par son élection pour le moins rocambolesque.
Elle avait été entérinée à l’issue de trois ans de discussions acerbes dans la ville
de Viterbe. Pour accélérer la décision des cardinaux, les autorités romaines s’étaient
résolues à emmurer les prélats et ôter le toit de leur salle de réunion. De quoi les
pousser à prendre une résolution et à Grégoire X de rationaliser le choix du souverain
pontife. Son expérience personnelle l’inspire puisqu’il garde le principe de l’enfermement
et en cas de blocage au bout de cinq jours, impose aux cardinaux un régime de pain,
de vin et d’eau et l’obligation de vivre en commun. Il faudra attendre l’élection
d’Innocent V en 1276 pour que le terme conclave soit pour la première fois employé.
Un gage d’indépendance longtemps battu en brèche
Cet isolement
pour le choix du successeur de Pierre n’a pas empêché les puissances temporelles de
vouloir peser sur son élection. Jusqu’à la constitution apostolique Commissum Nobis
promulgué en 1904 par Pie X, les puissances européennes catholiques avaient un
droit de veto qu’elles ne se privaient pas d’employer en faisant savoir les candidats
qui leur déplaisaient ou les favoris qu’elles souhaitaient voir élus. La norme des
deux tiers des voix reste l’élément intangible tout au long du XXème siècle. De Pie
XI à Benoît XVI, chaque Souverain Pontife a supprimé puis réintroduit la particularité
d’ajouter une voix à cette fatidique majorité. C’est donc le cas de Joseph Ratzinger
qui a rajouté cette obligation d’une voix en plus de la majorité requise modifiant
la constitution apostolique Universi Dominici Gregis promulguée par son prédécesseur
en 1996 et qui rassemble tous les décrets relatifs à l’élection du Pape. Un Pape qui
a le pouvoir absolu de modifier à sa guise le règlement et ce jusqu’à la dernière
seconde de son pontificat. Qui sait si le conclave tel qu’on l’a connu jusqu’à présent
ne subira pas d’ultérieurs ajustements !