Chrétiens et musulmans, unissez-vous : c’est l’un des leitmotiv du pontificat de Benoît
XVI. Le dialogue interreligieux, et en particulier le rapport avec les musulmans fait
en effet partie des grands dossiers traités avec beaucoup de détermination par le
Pape. Cheminant sur les pas de ses prédécesseurs et riche de leur héritage - déclaration
Nostra ætate du concile Vatican II de Paul VI en 1965, création d'une Commission pour
les rapports religieux avec les musulmans en 1974, voyages très symboliques de Jean-Paul
II au Maroc en 1985 puis en Syrie en 2001, mais aussi Assise et son esprit – Benoît
XVI n’a eu de cesse d’encourager à un véritable dialogue.
Certes ses relations
avec les musulmans n’ont pas débutées sous les meilleurs auspices avec le discours
très contesté de Ratisbonne, prononcé peu de temps après son élection, mais n’est-ce
pas après ce fameux exposé, traitant du rapport entre foi et raison, qu’un tournant
a été marqué et un nouveau cap franchi dans le dialogue islamo-chrétien ?
Des
gestes décisifs et un dialogue de raison
Il y a eu la création du Forum
catholique-musulman suite à une lettre écrite en octobre 2007 par 138 personalités
musulmanes, qui a réuni à deux reprise, à Rome puis en Jordanie de hauts représentants
catholiques et musulmans pour une réflexion commune sur des thèmes tels que « Raison,
foi et personne humaine ». Et puis le voyage en Turquie en 2006 et ce moment de méditation
du Pape, déchaussé, dans la Mosquée bleue au côté du Grand mufti d’Istanbul : une
image qui a fait le tour du monde.
Au geste, Benoît XVI a associé la parole
en invitant à plusieurs reprises chrétiens et musulmans à collaborer pour faire face
au relativisme. « Dans un monde marqué par le relativisme et excluant trop souvent
la transcendance de l’universalité de la raison, nous avons impérativement besoin
d’un dialogue authentique entre les religions et entre les cultures, capable de nous
aider à surmonter ensemble toutes les tensions, dans un esprit de collaboration fructueuse
» (Discours de Benoît XVI aux ambassadeurs de 21 pays à majorité musulmane près
le Saint-Siège et à quelques représentants des communautés musulmanes - 25 septembre
2006).
Chrétiens et musulmans appelés à s’unir pour dénoncer la violence
La voix de Benoît XVI s’est également élevé pour exhorter chrétiens et
musulmans à œuvrer main dans la main en faveur de la paix . « Il est temps que musulmans
et chrétiens s’unissent pour mettre fin à la violence et aux guerres » Des paroles
prononcée depuis le Liban, en septembre dernier, où le Pape a signé et remis son exhortation
apostolique post-synodale « Ecclesia in Medio Oriente », qui a fait suite à l’assemblée
spéciale pour le Moyen-Orient du synode des évêques, qui s’est réuni au Vatican du
10 au 24 octobre 2010.
Avant même de fouler le sol libanais, dans l’avion
qui le menait à Beyrouth, Benoît XVI avait dénoncé le fondamentalisme qui « est toujours
une falsification de la religion ». « La tâche de l’Église et des religions est «
d’illuminer et de purifier les consciences (…) le message fondamental de la religion
doit être contre la violence qui en est une falsification – comme le fondamentalisme
– et doit être l’éducation, l’illumination et la purification des consciences pour
les rendre capables au dialogue, à la réconciliation et à la paix ». (Conférence
de presse dans l'avion pour le Liban - 14 septembre 2012)
Alors que
le dialogue islamo-chrétien apparait encore pour beaucoup comme une illusion, Benoît
XVI s’est montré convaincu du contraire. Plus encore, semble-t-il que ses prédécesseurs
il a fait de ce vaste chantier une priorité. Beaucoup reste encore à construire, comme
en témoignent les incompréhensions et violences quasi quotidiennes dans de nombreux
pays. Mais les fondations ont été renforcées, et des fenêtres ont été ouvertes, par
un Pape qui se retire sur la pointe des pieds en laissant des traces indélébiles. (Hélène
Destombes)
Entretien. Benoît XVI, le Pape qui a souhaité instaurer
un dialogue de raison avec les musulmans. Vincent Aucante, ancien diplomate à Rome,
à l’ambassade de France près le Saint-Siège, en est convaincu. Pour l’auteur de «
Benoît XVI et l'Islam » (Parole et silence, 2008) la particularité de ce Pape a été
« véritablement de promouvoir un dialogue, un échange de raison, avec comme objectif
d’arriver à des positions qui soient réellement communes entre des représentants de
l’Islam et l’Eglise catholique ».
« Benoît XVI a voulu aller plus loin, que
Jean-Paul II, plus loin qu’une rencontre qui a été nécessaire, qui a été une étape.
Il a souhaité instaurer un dialogue de raison ». Le discours de Ratisbonne a été «
une maladresse » affirme Vincent Aucante mais cet exposé très contesté qui traitait
du rapport entre foi et raison, a ensuite permis de franchir un nouveau cap.
La
tâche du futur Pape sera de « continuer cette œuvre initiée par Benoît XVI ». Il va
s’agir notamment de « lancer le troisième Forum catholique-musulman, d’élargir le
dialogue avec d’autres composantes du monde musulman et de poursuivre la mission de
paix au Proche-Orient ».
Écoutez Vincent Aucante interrogé par Hélène Destombes
(Photo
: portait du Pape aux abords de la mosquée Mohammed Al-Amin à Beyrouth)