Laurent Gbagbo, ancien président de la Côte d’Ivoire, comparait ce mardi devant la
Cour Pénale Internationale (CPI) à La Haye. Premier ex-chef d’Etat à être traduit
devant la justice internationale, il est soupçonné d’être le « co-auteur indirect
» de quatre chefs de crimes contre l’humanité : meurtres, viols, persécutions et autres
actes inhumains, autant d’actes commis pendant la crise qui a suivi la présidentielle
d 28 novembre 2010. Laurent Gbagbo avait refusé de reconnaître sa défaite alors que
les résultats, validés par les observateurs de l’ONU, donnaient Alassane Ouattara
vainqueur. La crise politique avait connu son pic lors de combats entre le 16 décembre
2010 et le 12 avril 2011. Trois mille personnes ont péri dans ces affrontements.
Les
Ivoiriens divisés
La presse ivoirienne, comme l’ensemble de la société,
est partagée. Pour les journaux proche de l’ancien pouvoir, la CPI a perdu toute crédibilité.
Pour les journaux pro-gouvernementaux, Laurent Gbgabo va « répondre de ses crimes
» comme le titre « le Nouvel Eveil ». Sur place à La Haye, Laurent Gbagbo peut compter
sur le soutien moral de ses partisans. Des centaines de personnes étaient réunis mardi
matin aux cris de « Libérez notre président » comme l’a constaté un journaliste de
l’AFP présent au tribunal.
Les juges de la Cour vont écouter et évaluer si
les éléments récoltés par le procureur de la Cour, Luis-Moreno Ocampo sont suffisants
pour tenir plus tard un procès. Pour Michel Galy, chercheur au centre d’études sur
les conflits à Paris, « il semble que le procureur ait surtout instruit à charge,
or il aurait dû instruire à charge et à décharge ». « Il a systématisé un certain
nombre de témoignages et de documents pour montrer que Laurent Gbagbo a une politique,
avec un grand P, de persécution du camp adverse » explique le chercheur. Cette enquête
« à sens unique » a négligé par ailleurs, de s’intéresser aux adversaires de l’ancien
président, à savoir l’actuel chef de l’Etat, Alassane Puattara, et Guillaume Soro,
l’ancien Premier ministre et actuel président de l’Assemblée nationale.
Transition
ivoirienne à risque
Ce qui se passera à La Haye est évidemment suivi avec
grande attention en Côte d’Ivoire. Le pays connaît toujours des tensions liées à la
crise de 2010-2011 et l’heure de la réconciliation entre Ivoiriens n’a pas encore
sonné véritablement. Michel Galy s’inquiète ainsi des répercussions que le cas personnel
de Laurent Gbagbo pourrait avoir sur ce processus mais il pointe un autre problème
tout aussi préoccupant selon lui : « la question primordiale des prisonniers politiques
qui sont au nombre de cent cinquante ». De plus, il y a environ « 1500 militaires
avec des statuts très divers » précise-t-il. « Une amnistie m’apparait comme un préalable
à l’organisation d’élections multipartites » conclut-il. Mais pour l’heure, à Abidjan,
rien de cela n’est prévu.
Michel Galy, chercheur au centre d’études sur
les conflits à Paris interrogé par Xavier Sartre