Les Jordaniens attendent toujours les résultats officiels des élections législatives
qui se sont déroulées mercredi dernier. Ils devraient être publiés la semaine prochaine
après leur examen par la Commission électorale. Selon les résultats provisoires, le
vainqueur sera le groupe des candidats loyalistes, autrement dit les dirigeants issus
des tribus, les personnalités pro-régime et les hommes d’affaires indépendants.
La
participation a atteint 56,6 % malgré le boycott du principal parti du parti, celui
des Frères musulmans. Ces derniers, ainsi que d’autres partis de l’opposition ont
dénoncé des fraudes. Le centre national jordanien pour les droits de l’Homme a, quant
à lui, évoqué des achats de voix à Amman, la capitale, et dans le gouvernorat de Balqaa.
Trois candidats élus ont été accusés par les autorités d’avoir acheté des
voix. En cas de condamnation par la justice, ils pourraient être emprisonnés et perdront
leur siège. Au-delà des doutes sur la régularité de certains votes, ces élections
ont été la cause de plusieurs échauffourées entre tribus rivales. Ces violences ont
eu lieu à Irbid (70 km au nord d’Amman), à Salt (30 km à l’ouest de la capitale) et
à Karak (120 km au sud d’Amman).
La monarchie jordanienne n'a pas compris
l'ampleur de la révolution arabe
Il s’agit des premières élections depuis
la vague de réformes lancées il y a deux ans par le roi Abdallah II, mais surtout
depuis le début du mouvement de protestation dans le monde arabe. En 2010, le roi
avait déjà convoqué des élections législatives. Une réponse adaptée du roi il y a
deux ans, explique Joseph Bahout, professeur à Sciences Po Paris, mais qui ne l’est
plus du tout aujourd’hui. « Dans le cycle de révolution dans les pays arabes, la
monarchie jordanienne n’a pas bien compris l’ampleur du mouvement et l’urgence d’y
répondre avec des démarches ou des réformes beaucoup plus audacieuses » affirme
l'enseignant de Sciences Po Paris.
Le roi Abdallah II dans une situation
critique
Abdallah Nsour chef du gouvernement actuel a assuré mercredi que
ces élections étaient « un pas vers les réformes et non pas la fin des réformes
». Cependant la Jordanie traverse toujours une période économique difficile, avec
un déficit budgétaire de 3,6 milliards d'euros en 2012 et un taux de chômage officiel
de 14%, mais qui serait selon d'autres sources de 30%. Les réformes dont parle le
premier ministre n’ont semble-t-il pas convaincu la population. « Aujourd’hui le
roi Abdallah II est dans une situation critique » explique Joseph Bahout. «
Dans un premier temps lorsque les révolutions arabes ont commencé et que la scène
jordanienne a commencé à frémir, sa réponse avait été assez intelligente, il avait
préempté le mouvement en proposant des ouvertures mais qui sont restée au final trop
timides. Elles sont aujourd’hui dépassées ou trop minimales ». Entretien intégral
avec Joseph Bahout, professeur à Sciences Po Paris