« La paix est possible. Toutes les parties en présence doivent revenir à la table
des négociations avec l’aide, si nécessaire, de médiateurs neutres. » Tel est le message
que les dirigeants des Eglises chrétiennes ont publié le 17 janvier à l’issue d’une
rencontre de trois jours ayant réuni les responsables de l’Eglise catholique et ceux
du Conseil des Eglises protestantes du Myanmar. La rencontre des Eglises chrétiennes
était prévue de longue date. Elle est toutefois intervenue dans un contexte marqué
par l’intensification, ces dernières semaines, du conflit qui oppose l’armée gouvernementale
aux troupes de la KIA (Kachin Independence Army) dans l’Etat Kachin.
Ces derniers
jours ont notamment vu l’entrée en action d’hélicoptères de combat et d’avions de
chasse de l’armée gouvernementale, laquelle a très nettement resserré son étau autour
de Laiza, localité située sur la frontière avec la Chine où se trouve le quartier
général de la KIA. Le 14 janvier, des tirs de l’artillerie gouvernementale ont tué
trois civils à Laiza, dont un diacre catholique. Le 18 janvier, un prêtre catholique,
le P. Joseph Nbwi Naw, cité par The Democratic Voice of Burma, faisait état de combats
terrestres engagés entre l’armée gouvernementale et la KIA à 6,5 km seulement de Laiza.
Dans
ce contexte, la prise de position des responsables chrétiens prend un certain relief
dans la mesure où les Eglises très minoritaires dans le pays mais fortement implantées
dans l’Etat Kachin, ont rarement pris la parole publiquement au sujet des nombreux
conflits qui ont opposés et opposent encore les minorités ethniques au pouvoir central
birman. Avant les changements impulsés il y a maintenant deux ans par le régime en
place, les responsables chrétiens étaient cantonnés par la junte militaire au pouvoir
dans un silence contraint.
Le communiqué publié le17 janvier est co-signé par
Mgr John Hsane Hgyi, évêque de Pathein (Bassein), président de la Conférence des évêques
catholiques du Myanmar, et par le Rév. Yin Yin Maw, président du Conseil des Eglises
du Myanmar. A l’évidence, il est le fruit d’un compromis entre les responsables chrétiens,
certains d’entre eux ne cachant pas qu’ils auraient souhaité une prise de position
plus rapide. « Nous aurions dû faire entendre notre voix plus tôt, en publiant des
lettres ouvertes par exemple », a notamment commenté Mgr Sumlut Gam, évêque catholique
de Bhamo, diocèse situé dans la partie sud de l’Etat Kachin et qui accueille actuellement
un grand nombre de personnes déplacées par les combats. « A dire vrai, notre réponse
arrive bien tardivement », a-t-il ajouté.
Selon le Rév. Shwe Lin, secrétaire
général du MCC, en s’exprimant aujourd’hui seulement, les Eglises chrétiennes veulent
être certaines d’être entendues. « Certains considéreront qu’il est trop tard pour
s’exprimer ainsi, mais, de notre point de vue de responsables religieux, nous agissons
au bon moment », a-t-il précisé.
Début janvier 2013, dans une interview accordée
à l’Aide à l’Eglise en Détresse, l’archevêque catholique de Rangoun, Mgr Charles Bo,
exprimait l’idée que le rôle des Eglises chrétiennes en Birmanie était aujourd’hui
de favoriser « la construction de la nation ». A propos de la place des responsables
religieux dans la société, il déclarait : « Les dirigeants civils sont de plus en
plus conscients de la part que les religions prennent dans la construction de la nation.
L’actuel gouvernement ainsi que la leader de l’opposition Aung San Suu Kyi ont bien
conscience de l’influence que les responsables religieux ont dans ce pays. Quant à
nous, catholiques comme protestants, nous sommes conscients de la situation actuelle.
Nous prenons notre part des discussions qui sont menées actuellement sur la manière
dont nous pouvons aider à la construction de la nation autour de valeurs telles que
la réconciliation, le pardon et l’honnêteté ».(Eglises d'Asie)
(Photo: militant
pacifiste, lors du début d'une marche de 1.300 km de Rangoon jusque Laiza, la capitale
de l'état Kachin)