On connaissait la piraterie dans le golfe d’Aden et sur les côtes somaliennes. Alors
que ce phénomène y diminue sous l’œil vigilant d’une flotte internationale, il se
développe dans un autre golfe, celui de Guinée, en Afrique de l’Ouest. Or cette région
est vitale pour l’économie internationale puisqu’elle fournit 40% du pétrole européen
et 29% du pétrole américain. Les enjeux, au-delà de la sécurité, sont donc financiers
et stratégiques.
L’International Crisis Group (ICG)a publié un rapport en
cette fin d’année sur les efforts des organisations régionales et les acteurs internationaux
pour lutter contre la criminalité en mer. Depuis trois-quatre ans, l’insécurité maritime,
plus que la piraterie dont la définition juridique est plus restrictive, est en nette
augmentation. Rien que cette année, quarante-deux attaques ont été menées et quatre
personnes y ont perdu la vie.
Qui sont ces nouveaux pirates?
Après
avoir longtemps négligé ce problèmes, les Etats de la région commencent à prendre
conscience des enjeux et ont entrepris de prendre des mesures concrètes pour y répondre.
Mais qui sont ces nouveaux pirates ? « Il s’agit de gangs qui sont très bien organisés
puisque cela nécessite une logistique très importante et des compétences maritimes
ainsi que des informations précises sur les mouvements des navires », explique Thierry
Vircoulon, directeur du projet Afrique centrale de l’International Crisis Group. «
Il est évident que les gangs ont des complicités bien placées dans les industries
de la mer et dans les forces de sécurité » poursuit-il.
« Ces gangs sont le
produit de la criminalisation de l’économie dans la région et plus particulièrement
au Nigéria qui a pris une ampleur extrêmement importante et c’est la contrebande de
pétrole qui constitue la part la plus conséquente », précise-t-il.
Des
racines d'ordre économiques et sociales
Face à ce danger, les Etats comme
le Nigéria, le Gabon, le Bénin ou le Togo, commencent à s’équiper. « Pour lutter contre
cette insécurité il faut des moyens maritimes et cela coûte cher. Les pays du golfe
de Guinée ont pris conscience du problème il y a quelques années et commencent à développer
leurs capacités. Mais bâtir une marine, former des garde-côtes, cela demande du temps
et coûte cher » explique Thierry Vircoulon.
Mais cette approche sécuritaire
et répressive ne peut pas tout résoudre car les racines de ce phénomène sont bien
plus profondes et sont essentiellement d’ordre économiques et sociales. « La réponse
sécuritaire a été la première donnée mais maintenant les Etats de la région coopèrent
de plus en plus et l’industrie a pris de son côté des mesures défensives. Mais il
ne s’agit que d’une réponse à court terme. Il faut réguler davantage les activités
économiques en mer et notamment lutter contre la contrebande de pétrole. Il faut aussi
développer l’emploi dans le golfe. Cette lutte implique une réforme de la gouvernance
économique et un développement économique, et cela ne peut fonctionner que sur le
long terme » conclut-il.
Thierry Vircoulon, directeur du projet Afrique
centrale de l’International Crisis Group répond aux questions de Xavier Sartre :