Ce lundi soir, plusieurs milliers de fidèles ont assisté à la veillée, puis à la messe
de Noël qui ont été célébrées dans la Basilique Saint-Pierre. Benoît XVI a présidé
la célébration eucharistique qui débuta à 22 heures. Dans son homélie, le Pape a invité
les hommes à accorder plus de place à Dieu pour devenir des hommes à Son image, des
hommes de paix, « objet de bienveillance », car a-t-il insisté, « si la lumière de
Dieu s’éteint, la dignité divine de l’homme s’éteint aussi», rejetant ainsi « les
courants de pensée répandus » selon lesquels « le monothéisme serait la cause de la
violence et des guerres ».
Accorder du temps à Dieu
L’Evangile
de Jean raconte que Marie et Joseph se sont installés dans l’étable, car il n’y avait
plus de place pour eux dans la salle commune. Dans son homélie, le Pape se pose cette
question à lui-même : « si Marie et Joseph frappaient à ma porte ? Y aurait-il de
la place pour eux ? » « Ainsi, poursuit Benoît XVI, la grande question morale de savoir
comment se passent les choses chez nous, concernant les personnes déplacées, les refugiés
et les immigrés, devient encore plus fondamentale (…). N’est-ce pas peut-être Dieu
lui-même que nous refoulons ? »
Benoît XVI remarque que dans la société d’aujourd’hui,
« plus nous pouvons nous déplacer rapidement, plus les moyens qui nous font gagner
du temps deviennent efficace, moins nous avons de temps à disposition » et dans ce
contexte, la question de Dieu ne semble jamais urgente. Pire explique-t-il, « la pensée,
pour être considérée comme sérieuse, doit être construite de façon à rendre superflue
l’hypothèse Dieu ». En outre, le temps à notre disposition est « totalement remplis
de nous-mêmes ». Nous voulons les choses tangibles, le bonheur expérimentable, la
réussite de nos projets personnels et de nos intentions. Il n’y a donc pas de place
pour dieu et par conséquent pour les enfants les pauvres et les vulnérables.
Le
Pape appelle ainsi les fidèles à une conversion « jusqu’aux profondeurs de notre rapport
avec la réalité ». Benoît XVI demande son aide au Seigneur : « aide-nous à devenir
des hommes à ton image, des hommes de paix, "objets de bienveillance" ».
Le
Christ est notre paix
Dans son homélie, le pape rejette « les courants
de pensée répandus » selon lesquels « le monothéisme serait la cause de la violence
et des guerres ». Il est vrai que dans l’histoire, il a servi de « prétexte à l’intolérance
et la violence ». Il est vrai qu’une religion peut devenir malade et s’opposer à sa
nature la plus profonde. On le voit « quand l’homme fait de Dieu sa propriété privée
» et quand il pense devoir prendre lui-même en main la cause de Dieu. Seigneur, «
éclaire les personnes qui croient devoir exercer la violence en ton nom, afin qu’elles
apprennent à comprendre l’absurdité de la violence et à reconnaître ton vrai visage
».
Benoît XVI appelle donc à la « vigilance face à ces travestissements du
sacré », mais souligne et insiste sur le fait que « le non à Dieu rétablirait la paix
». Au contraire, affirme le Pape dans son homélie, « si la lumière de Dieu s’éteint,
la dignité divine de l’homme s’éteint aussi ». « Quels types de violence arrogante
apparaissent alors et comment l’homme déprécie et écrase l’homme, nous l’avons vu
dans sa toute cruauté au cours du siècle dernier ». Pour Benoît XVI, seulement si
la lumière de Dieu brille sur l’homme et dans l’homme, seulement si chaque être humain
est voulu, connu et aimé par Dieu, seulement alors, quelle que soit sa situation de
misère, sa dignité est inviolable. Dans l’obscurité du péché et de la violence, la
foi en Dieu a introduit un rayon lumineux de paix et de bonté qui continue à briller.
Prière
pour la paix au Moyen-Orient
Benoît XVI a enfin appelé à prier en cette
nuit de Noël pour les personnes qui vivent et souffrent à Bethléem, lieu de naissance
du Christ, incarnation de Dieu. « Prions afin qu’Israéliens et Palestiniens puissent
mener leur vie dans la paix du Dieu unique et dans la liberté. Prions aussi pour les
pays environnants, pour le Liban, pour la Syrie, pour l’Iraq et ainsi de suite : afin
que la paix s’y renforce ». Le Pape espère que les fidèles qui vivent dans ces pays
où la foi chrétienne a trouvé son origine, puissent maintenir leur demeure ; que les
chrétiens et les musulmans construisent ensemble leurs pays dans la paix de Dieu.
(Photo
: le Pape lors de la messe de Noël, en la Basilique Saint-Pierre à Rome, le 24 décembre)
Ci-dessous,
l’homélie de Benoît XVI dans son intégralité
Chers frères et sœurs,
La beauté de cet évangile touche toujours à nouveau notre cœur – une beauté qui est
splendeur de la vérité. Le fait que Dieu se fasse petit enfant, afin que nous puissions
l’aimer, afin que nous osions l’aimer, et que, comme un petit enfant, il se mette
avec confiance entre nos mains, nous émeut toujours de nouveau. Il dit presque : je
sais que ma splendeur t’effraie, que devant ma grandeur tu cherches à t’affirmer toi-même.
Eh bien, je viens donc à toi comme un petit enfant, pour que tu puisses m’accueillir
et m’aimer. La parole de l’évangéliste, dite presqu’en passant, affirmant que
pour eux il n’y avait pas de place dans la salle commune, me touche aussi toujours
de nouveau. Inévitablement surgit la question de savoir comment se passeraient les
choses, si Marie et Joseph frappaient à ma porte ? Y-aurait-il de la place pour eux
? Et ensuite, nous vient à l’esprit que cette nouvelle, apparemment fortuite, du manque
de place dans la salle commune qui pousse la Sainte Famille dans l’étable, l’évangéliste
Jean l’a approfondie et l’a ramenée à l’essentiel quand il écrit : « Il est venu chez
les siens, et les siens ne l’ont pas reçu » (Jn 1, 11). Ainsi, la grande question
morale de savoir comment chez nous se passent les choses concernant les personnes
déplacées, les refugiés et les immigrés, devient encore plus fondamentale : avons-nous
vraiment de la place pour Dieu, quand il cherche à entrer chez nous ? Avons-nous du
temps et de l’espace pour lui ? N’est-ce pas peut-être Dieu lui-même que nous refoulons
? Cela commence par le fait que nous n’avons pas du temps pour lui. Plus nous pouvons
nous déplacer rapidement, plus les moyens qui nous font gagner du temps deviennent
efficaces, moins nous avons du temps à disposition. Et Dieu ? La question le concernant
ne semble jamais urgente. Notre temps est déjà totalement rempli. Mais les choses
vont encore plus en profondeur. Dieu a-t-il vraiment une place dans notre pensée ?
Les méthodes de notre pensée sont organisées de manière qu’au fond, il ne doit pas
exister. Même s’il semble frapper à la porte de notre pensée, il doit être éloigné
par quelque raisonnement. La pensée, pour être considérée comme sérieuse, doit être
construite de façon à rendre superflue l’“hypothèse Dieu”. Il n’y a pas de place pour
lui. Même dans notre sentiment et dans notre vouloir, il n’y a pas de place pour lui.
Nous nous voulons nous-mêmes. Nous voulons les choses tangibles, le bonheur expérimentable,
la réussite de nos projets personnels et de nos intentions. Nous sommes totalement
« remplis » de nous-mêmes, si bien qu’il ne reste aucun espace pour Dieu. Et c’est
pourquoi, il n’y a pas d’espace non plus pour les autres, pour les enfants, pour les
pauvres, pour les étrangers. En partant de la simple parole sur le manque de place
dans la salle commune, nous pouvons nous rendre compte combien nous est nécessaire
l’exhortation de Saint Paul : « Transformez-vous en renouvelant votre façon de penser
» (Rm 12, 2). Paul parle du renouvellement, de l’ouverture de notre intellect (nous)
; il parle en général de la façon dont nous voyons le monde et nous-mêmes. La conversion
dont nous avons besoin doit atteindre vraiment jusqu’aux profondeurs de notre rapport
avec la réalité. Prions le Seigneur afin que nous devenions vigilants envers sa présence,
afin que nous entendions comment il frappe de manière discrète mais insistante à la
porte de notre être et de notre vouloir. Prions-le afin qu’il se crée au fond de nous-mêmes
un espace pour lui et afin qu’ainsi nous puissions aussi le reconnaître en ceux par
qui il s’adresse à nous : dans les enfants, dans les personnes qui souffrent et dans
celles qui sont abandonnées, dans les personnes marginalisées et dans les pauvres
de ce monde. Il y a encore une deuxième parole dans le récit de Noël sur laquelle
je voudrais réfléchir avec vous : l’hymne de louange que les anges entonnent après
le message concernant le Sauveur nouveau-né : « Gloire à Dieu au plus haut des cieux,
et paix sur la terre aux hommes objets de sa bienveillance ». Dieu est glorieux. Dieu
est pure lumière, splendeur de la vérité et de l’amour. Il est bon. Il est le véritable
bien, le bien par excellence. Les anges qui l’entourent transmettent simplement d’abord
la joie pour la perception de la gloire de Dieu. Leur chant est une irradiation de
la joie dont ils sont remplis. Dans leurs paroles, nous entendons, pour ainsi dire,
quelque chose des sons mélodieux du ciel. Là aucune question sur l’objectif n’est
sous-entendue, il y a simplement le fait d’être comblés du bonheur venant de la perception
de la pure splendeur de la vérité et de l’amour de Dieu. Nous voulons nous laisser
toucher par cette joie : la vérité existe. La pure bonté existe. La pure lumière existe.
Dieu est bon et il est la puissance suprême, au-dessus de toutes les puissances. De
cela nous devrions nous réjouir simplement en cette nuit, avec les anges et les bergers. La
paix sur la terre entre les hommes est en relation avec la gloire de Dieu au plus
haut des cieux. Là où on ne rend pas gloire à Dieu, là où Dieu est oublié ou même
renié, il n’y pas non plus de paix. Aujourd’hui, pourtant, des courants de pensée
répandus soutiennent le contraire : les religions, en particulier le monothéisme,
seraient la cause de la violence et des guerres dans le monde ; il conviendrait avant
tout de libérer l’humanité des religions, afin qu’il se crée ensuite la paix ; le
monothéisme, la foi dans le Dieu unique, serait tyrannie, cause d’intolérance, car,
en fonction de sa nature, il voudrait s’imposer à tous avec la prétention de l’unique
vérité. Il est vrai que, dans l’histoire, le monothéisme a servi de prétexte à l’intolérance
et à la violence. Il est vrai qu’une religion peut devenir malade et arriver ainsi
à s’opposer à sa nature la plus profonde, quand l’homme pense devoir prendre lui-même
en main la cause de Dieu, faisant ainsi de Dieu sa propriété privée. Nous devons être
vigilants face à ces travestissements du sacré. Si dans l’histoire un certain usage
inapproprié de la religion est incontestable, il n’est pourtant pas vrai que le «
non » à Dieu rétablirait la paix. Si la lumière de Dieu s’éteint, la dignité divine
de l’homme s’éteint aussi. Alors, il n’est plus l’image de Dieu, que nous devons honorer
en chacun, dans le faible, dans l’étranger, dans le pauvre. Alors, nous ne sommes
plus tous frères et sœurs, enfants de l’unique Père qui, à partir du Père, sont en
relation mutuelle. Quels types de violence arrogante apparaissent alors et comment
l’homme déprécie et écrase l’homme, nous l’avons vu dans sa toute cruauté au cours
du siècle dernier. Seulement si la lumière de Dieu brille sur l’homme et dans l’homme,
seulement si chaque être humain est voulu, connu et aimé par Dieu, seulement alors,
quelle que soit sa situation de misère, sa dignité est inviolable. Dans la Sainte
Nuit, Dieu lui-même s’est fait homme, comme le prophète Isaïe avait annoncé : l’enfant
né ici est “Emmanuel”, Dieu avec nous (cf. Is 7, 14). Et au cours de tous ces siècles,
vraiment, il n’y a pas eu seulement des cas d’usage inapproprié de la religion, mais
des forces de réconciliation et de bonté sont toujours venues de nouveau de la foi
en ce Dieu qui s’est fait homme. Dans l’obscurité du péché et de la violence, cette
foi a introduit un rayon lumineux de paix et de bonté qui continue à briller. Ainsi,
le Christ est notre paix et il a annoncé la paix à ceux qui sont loin et à ceux qui
sont proches (cf. Ep 2, 14.17). Comment ne devrions-nous pas le prier en cette heure
: Oui, Seigneur, annonce-nous aussi aujourd’hui la paix, à ceux qui sont loin et à
ceux qui sont proches. Fais qu’aujourd’hui encore les épées soient transformées en
socs (cf. Is 2, 4), qu’à la place des armements pour la guerre succède de l’aide pour
ceux qui souffrent. Éclaire les personnes qui croient devoir exercer la violence en
ton nom, afin qu’elles apprennent à comprendre l’absurdité de la violence et à reconnaître
ton vrai visage. Aide-nous à devenir des hommes « objets de ta bienveillance » – des
hommes à ton image et ainsi des hommes de paix. À peine les anges se furent-ils
éloignés que les bergers se disaient entre eux : Allons jusque là-bas, à Bethléem
et voyons cette parole qui s’est réalisée pour nous (cf. Lc 2, 15). Les bergers partirent
donc en hâte vers Bethléem, nous dit l’évangéliste (cf. 2, 16). Une sainte curiosité
les poussait à voir dans une mangeoire ce petit enfant, dont l’ange avait dit qu’il
était le Sauveur, le Christ, le Seigneur. La grande joie, dont l’ange avait aussi
parlé, avait touché leur cœur et leur donnait des ailes. Allons là-bas, à Bethléem,
nous dit aujourd’hui la liturgie de l’Église. Trans-eamus traduit la Bible latine
: “traverser”, aller là-bas, oser le pas qui va au-delà, la “traversée”, par laquelle
nous sortons de nos habitudes de pensée et de vie et dépassons le monde purement matériel
pour arriver à l’essentiel, au-delà, vers ce Dieu qui, pour sa part, est venu ici,
vers nous. Nous voulons prier le Seigneur, afin qu’il nous donne la capacité de dépasser
nos limites, notre monde; afin qu’il nous aide à le rencontrer, particulièrement au
moment où lui-même, dans la Sainte Eucharistie, se pose dans nos mains et dans notre
cœur. Allons là-bas, à Bethléem : avec ces paroles que, en union avec les bergers,
nous nous disons les uns aux autres, nous ne devons pas penser seulement à la grande
traversée vers le Dieu vivant, mais aussi à la ville concrète de Bethléem, à tous
les lieux où le Seigneur a vécu, agi et souffert. Prions en ce moment pour les personnes
qui aujourd’hui y vivent et y souffrent. Prions pour qu’il y ait la paix. Prions afin
qu’Israéliens et Palestiniens puissent mener leur vie dans la paix du Dieu unique
et dans la liberté. Prions aussi pour les pays environnants, pour le Liban, pour la
Syrie, pour l’Iraq et ainsi de suite : afin que la paix s’y renforce. Que les chrétiens
dans ces pays où notre foi a trouvé son origine, puissent maintenir leur demeure;
que les chrétiens et les musulmans construisent ensemble leurs pays dans la paix de
Dieu. Les bergers sont partis en hâte. Une sainte curiosité et une sainte joie
les poussaient. Parmi nous, il arrive peut-être très rarement que nous nous hâtions
pour les choses de Dieu. Aujourd’hui, Dieu ne fait pas partie des réalités urgentes.
Les choses de Dieu, ainsi pensons-nous et disons-nous, peuvent attendre. Pourtant,
il est la réalité la plus importante, l’Unique qui, en dernière analyse, est vraiment
important. Pourquoi ne devrions-nous pas être pris, nous aussi, par la curiosité de
voir de plus près et de connaître ce que Dieu nous a dit ? Prions-le afin que la sainte
curiosité et la sainte joie des bergers nous touchent nous aussi en ce moment, et
allons donc avec joie là-bas, à Bethléem – vers le Seigneur qui, aujourd’hui aussi,
vient de nouveau vers nous. Amen.