Le Mali replonge dans la crise politique. Dans la nuit de lundi à mardi, le Premier
ministre Cheik Modibo Diarra a annoncé sa démission et celle de son gouvernement après
avoir été arrêté chez lui sur ordre du capitaine Amadou Haya Sanogo, le militaire
qui renversa le président Amadou Toumani Touré en mars dernier. Le chef du gouvernement
n’a donné aucune explication à ces derniers événements. On sait juste qu’il devait
se rendre à Paris lundi soir pour y passer des examens médicaux.
La France,
"préoccupée par la situation à Bamako", a condamné mardi les "circonstances" de la
démission du Premier ministre malien Cheick Modibo Diarra. « L'ancienne junte doit
cesser ses interventions dans les affaires politiques du pays", a déclaré le porte-parole
du Quai d'Orsay Philippe Lalliot.
Pour Michel Galy, chercheur au centre des
études sur les conflits à Paris, il s’agit bel et bien d’un coup d’Etat même si le
porte-parole de l’ex-junte malienne, Bakary Mariko, a démenti tout « coup d’Etat ».
Le président malien a nommé mardi soir un nouveau Premier ministre, Diango Cissoko,
jusqu’alors médiateur de la République depuis mai 2011. Cet ancien secrétaire général
à la présidence sous le régime de Moussa Traoré, renversé en 1991 après vingt-deux
ans de pouvoir, a affiché « la récupération du nord et l’organisation des élections
» comme ses deux priorités. Il veut également un gouvernement d’union nationale.
Mardi
devaient s’ouvrir des concertations nationales convoquées par le gouvernement de transition
de M. Diarra. Ces discussions avaient pour but d’établir une « feuille de route »
pour les mois à venir entre tous les acteurs politiques, militaires, sociaux et organisations
de la société civile afin de mettre un terme définitif à la crise politique qui paralyse
le Mali depuis le coup d’Etat du 22 mars.
Intervention internationale dans
le Nord ?
L’un des principaux points de désaccords entre le Premier ministre
démissionnaire et l’ancien chef de la junte porte sur l’intervention militaire internationale
censée libérer les territoires du nord du pays aux mains des groupes islamistes. Cheik
Modibo Diarra y est favorable, le capitaine Sanogo y est opposé. Mais pour l’instant
rien ne laisse penser que cette divergence de vue soit l’unique raison du départ du
chef du gouvernement et de son arrestation.
Ce coup de théâtre dans la crise
malienne intervient alors que l’Union européenne a décidé lundi de lancer sa mission
visant à former, entraîner et réorganiser l’armée malienne en pleine déroute après
sa défaite face aux groupes islamistes. Cette mission doit se dérouler au cours de
l’année 2013 et son objectif final n’est autre que de reconquérir le Nord. Quatre-cents
militaires européens dont deux-cent cinquante formateurs doivent se rendre au Mali
dès le premier trimestre de l’année prochaine.
A qui profite l’instabilité
au Mali ?
Les seuls bénéficiaires de cette démission semblent être les
islamistes qui continuent d’étendre leur emprise sur tout le Nord, y appliquant la
charia avec de plus en plus de rigueur, consacrant de fait la partition du pays, déjà
effective depuis le début de l’année.
Selon Michel Galy, Cheik Modibo Diarra
n’était pas légitime aux yeux des putschistes. Ce qui ne veut pas dire que le capitaine
Sanogo le soit davantage mais « ce que l’on ne dit pas en général à l’extérieur c’est,
qu’à cause de la corruption du régime précédent, il a le soutien populaire d’une partie
de Bamako qui s’exprime au travers d’une organisation, la COPAM » rappelle le chercheur.
Le capitaine Sanogo serait intervenu maintenant car les tensions entre le
président, le Premier ministre et les militaires étaient de plus en plus vives. «
Cheik Modibo Diarra nommait ses gens dans l’appareil d’Etat et se préparait pour une
éventuelle élection présidentielle et tendait à s’autonomiser tant vis-à-vis de l’extérieur
que du pouvoir des putschistes » explique Michel Galy qui reconnaît toutefois qu’il
est très difficile de dire « s’il y a quelqu’un derrière le capitaine Sanogo ou s’il
a agi de sa propre initiative ».
Le Mali replonge donc dans l’incertitude.
Mais à qui peut bien profiter la partition du pays en deux et le maintien d’une instabilité
chronique dans la zone méridionale ? L’Algérie serait ainsi bénéficiaire de cet état
de fait. Parmi les groupes islamistes qui contrôlent le nord du pays, il y a AQMI,
Al Qaïda au Maghreb islamique, formation née sur les débris des groupes islamistes
actifs en Algérie dans les années 1990 et 2000. « L’intérêt pour l’Algérie, c’est
qu’il y ait un abcès de fixation islamiste en dehors du pays, en l’occurrence dans
le Nord Mali, autrement, il n’y a pas d’intérêt de puissances étrangères à ce que
le Mali soit coupé en deux » précise Michel Galy.
Michel Galy, chercheur
au centre des études sur les conflits à Paris répond aux questions de Xavier Sartre