2012-12-03 18:03:18

Point de vue : l'Egypte, et sa profonde crise économique et sociale


Depuis deux semaines, une vigueur nouvelle semble habiter de nombreux égyptiens, dont certains demandent ni plus ni moins le départ du président Mohamed Morsi. Mais le coup de force constitutionnel du chef de l’état islamiste est l’arbre qui cache la foret : Plus que les blocages institutionnels et l’incertitude sur l’équilibre des pouvoirs, c’est bel et bien la situation économique et sociale qui est inquiétante. Décryptage.

« Nous accueillons de plus en plus de monde à la cantine ». Sœur Amira est religieuse de Saint Vincent de Paul au Caire, et dirige une école de filles à Abassaya, non loin d’Al Azhar. Son constat est sans appel : l’Egypte s’enfonce dans la crise et le contexte économique et social s’est dégradé depuis la révolution qui a fait chuter Moubarak. De fait l’instabilité politique a mis de nombreux investisseurs en sommeil. La hausse de l’insécurité, dans le Sinaï en particulier et les déclarations tonitruantes de certains salafistes (interdire le bikini ou même raser les pyramides car non islamiques !) ont par ailleurs fait fuir les touristes.

Miser sur l’éducation

Si l’Egypte se cherche politiquement, elle a surtout besoin de trouver un modèle de développement fiable. Là est sans doute la vraie révolution pour le pays des pharaons. Celle-ci commence par l’éducation : les écoles ou universités d’état sont en piteux état, cela se voit à l’œil : vitres cassées, escaliers crasseux, pénurie de matériel et découragement du corps enseignant payé dans certains cas 15 euros par mois.

« L’expérience sociale des Frères musulmans a suscité de grosses attentes, mais ils n’ont pas de vision économique claire »explique un expert de la Banque Mondiale dans le pays. Les nombreuses grèves ouvrières qui ont eu lieu depuis l’élection de Mohamed Morsi témoignent bien de ce malaise social. Les bailleurs de fonds du pays souhaiteraient plus investir dans le secteur social, mais se heurtent aussi à une certaine réticence vis-à-vis de l’étranger, « l’ingérence » étant régulièrement dénoncée par les plus conservateurs.

Le spectre d’émeutes de la faim

Le pays est fébrile. Entre deux informations politiques sur le bras de fer entre islamistes et libéraux se glissent des nouvelles encore plus sombres. Pour la seule journée du 25 novembre, la Bourse du Caire a perdu l’équivalent de 5 milliards de dollars (à peu près le montant du prêt consenti par le FMI), preuve de cette instabilité profonde du pays.

« La révolution de la faim couve dans le pays » souligne sans ambages Ahlem Gharbi, chargé de la politique intérieure à l’ambassade de France au Caire. Les stocks de blé permettent pour l’instant de tenir trois mois. Dans un pays de près de 90 millions d’habitants, cette crise est une véritable bombe à retardement.

Olivier Bonnel

(Photo: une femme et ses enfants devant une boulangerie d'un quartier popualire du Caire, début octobre)







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