L'Eglise argentine face aux fantômes de la dictature
L’Eglise argentine se défend dans la tourmente. Elle répond à ceux qui lui reprochent
sa prétendue complicité avec les horreurs la dictature, dans les années 70, niant
avec fermeté les accusations de collaboration lancées contre des évêques de l’époque.
La polémique a ressurgi il y a quelques mois lors de la publication d’une interview
de l’ex-dictateur Jorge Videla. Condamné pour crimes contre l’humanité, ce dernier
a affirmé que la hiérarchie catholique de l’époque était au courant des assassinats
de disparus.
La réponse de l’épiscopat à cette nouvelle affaire embarrassante
est contenue dans une lettre publiée au terme de leur récente Assemblée plénière.
L’Eglise revient sur le contexte sociopolitique de l’époque ; elle rappelle ses nombreuses
interventions en faveur des disparus, des victimes de la torture, des personnes incarcérées
sans jugement, des enfants nés en captivité et arrachés à leurs mères, victimes du
terrorisme d’Etat. Elle évoque son mea culpa à l’occasion du Jubilé de l’An 2 000,
dans lequel elle regrettait de s’être montrée indulgente à l’égard de certaines dérives
totalitaires et de ne pas avoir fait assez pour défendre la démocratie.
Des
accusations qui ne correspondent pas à la vérité
Aujourd’hui, elle comprend
la douleur et le scepticisme face à une justice incomplète. En revanche, elle rejette
catégoriquement les récentes affirmations de l’ex-chef de la junte Videla accusant
quelques évêques de l’époque d’avoir été informés de la méthode de disparition des
opposants politiques appliquée par son régime. Certes, l’Eglise connaissait la réalité
de la répression et elle a payé son tribut. Des prêtres catholiques qui critiquaient
le régime ont été eux aussi victimes des escadrons de la mort. Un évêque auxiliaire
a été assassiné en 1976. Un an plus tard, des religieuses françaises ont été enlevées
et assassinées par des militaires argentins.
La liste est longue. Mais les
évêques reconnaissent que si les années passent, des interrogations demeurent quant
à la responsabilité des personnes et des institutions. Une tâche sombre qui pèse sur
leur crédibilité. Ils se disent disposés à engager une enquête approfondie : cette
recherche de la vérité, longue et douloureuse - écrivent-ils – nous rendra libres.
Dans les années qui ont suivi le coup d’Etat conduit par Videla en 1976, des milliers
d’opposants ont été emmenés dans des centres de détention secrets où ils étaient torturés
et assassinés. Les organisations humanitaires estiment à 30 000 le nombre de disparus.
(Photo: les Mères de la Place de Mai, qui réclament depuis des dizaines d'années
la vérité)