Dossier : plus d’un Français sur 8 vit avec moins de 964 euros par mois
A cause d'un accident de parcours, professionnel ou personnel, ils perdent leur emploi,
un chômage longue durée. Ils n'ont plus assez d'argent et se retrouvent privés de
logement. En France, ce sont 8,6 millions de personnes qui vivent chaque mois avec
moins de 964 euros, le seuil de pauvreté. Pire depuis la crise, le Secours Catholique
note, dans son dernier rapport, une augmentation de la très grande pauvreté. Plus
de 2 millions de Français ne disposent que de 640 euros chaque mois.
Qui cela
concerne-t-il ? En 2011, le Secours Catholique a aidé 1 422 000 personnes dont 668
000 enfants. Le nombre d'enfants pauvres n'avait pas été si élevé depuis la fin des
années 70. Les pauvres, ce sont également les jeunes, un sur cinq, les plus de 55
ans qui ne retrouvent plus d’emploi et de plus en plus de familles, en particulier
monoparentales.
Bernard Schrick est le directeur de l'action « France
» du Secours Catholique. Il nous explique ce que veut dire être pauvre aujourd’hui.
Il est interrogé par Marie Duhamel
En
dix ans, le secours catholique note un ancrage de la pauvreté. « Alors qu’en 2001,
la situation de pauvreté apparaît comme la conséquence immédiate d’une difficulté,
soit familiale soit liée à l’emploi, en 2011, pour 65 % des ménages rencontrés, cette
situation apparaît installée durablement, c’est-à-dire n’étant pas la conséquence
immédiate d’une difficulté », indique la Caritas France. « Les situations de précarité
perdurent, se transmettant parfois de génération en génération ».
Construire
le vivre ensemble suppose de donner à chacun un capital de confiance
Chaque
année, le Secours Catholique apporte une aide d’urgence aux personnes fragiles, mais
aussi une aide qualitative, d’accompagnement pour que les plus pauvres puissent se
remettre dans une dynamique positive. Aujourd’hui, explique Bernard Schrick, « beaucoup
de personnes ont du mal à croire que, oui, demain on peut retrouver un emploi, avoir
des minima sociaux pour vivre et non plus survivre ». En outre, ce travail de
confiance peut initier un cercle vertueux. « Les personnes en difficulté ne sont pas
des fardeaux, mais une richesse, explique-t-il, et c’est en mobilisant les énergies
et la capacité créatrice de ces personnes que l’on peut collectivement s’en sortir.
On porte un message d’espérance, mais on peine à le faire entendre, car les gens sont
en situation de précarité depuis trop longtemps ».
Le regard de l’autre
Sur
son site internet, le Secours Catholique affirme que « l’expérience de la pauvreté
est d’autant plus difficile à vivre que le regard s’est durci sur les personnes en
difficulté. En ces temps de crise, elles sont les boucs émissaires faciles d’une société
fragilisée ». Mais comment aider une personne vulnérable et dépasser la peur que peut
provoquer celui qui se trouve en difficulté ? Bernard Schrick estime que seule la
rencontre, le dialogue et la connaissance permet d’échapper à une stigmatisation.
« Il faut craindre la pauvreté, mais pas les pauvres », affirme-t-il.
Enfin
l’association soumet dans son rapport une liste de propositions aux autorités :
-
développement de l’offre de formation qualifiante tout au long de la vie. - renforcement
des moyens de Pôle emploi pour l’accompagnement dans la durée des demandeurs d’emploi. -
augmentation du RSA de 25 % durant le quinquennat. - création d’une allocation
de soutien à l’autonomie des jeunes de moins de 25 ans. - garantie d’un accueil
inconditionnel de toute personne, quelle que soit sa situation administrative, tout
au long de l’année. - construction de 500 000 logements par an dont 150 000 logements
sociaux. - mise en place d’un “bouclier énergétique” pour les personnes en difficulté
qui concernerait les dépenses de toutes formes d’énergie. - restauration du droit
au travail pour les demandeurs d’asile.