Journée mondiale de l'alimentation : le Pape célèbre les coopératives agricoles, outil
concret et solidaire
Selon les Nations Unies, aujourd’hui quelques 870 millions de personnes ont faim dans
le monde. Avec la crise économique mondiale, ce chiffre a arrêté de diminuer en Europe
et a augmenté en Afrique et au Proche-Orient. Les dernières statistiques de l'Organisation
des Nations unies pour l'Agriculture et l'alimentation estiment que dans ces régions
du monde, 83 millions de mal nourris de plus qu'en 1990 ont été dénombrés. "Nous ne
pouvons tolérer ça dans un monde de richesses où la production est suffisante pour
tous", a estimé le directeur de l’organisation onusienne, José Graziano Da Silva.
Les coopératives « une vision alternative », « inspirée par la solidarité
»
Cette année, la Journée mondiale de l'alimentation qui se tient ce mardi
est dédiée aux « coopératives agricoles (qui) nourrissent le monde ». Dans un message
adressé ce mardi au directeur de la FAO, Benoît XVI célèbre ce modèle de structures,
d’abord parce qu’elles donnent « une impulsion » au travail agricole, qu’elles sont
« un moyen pour permettre aux agriculteurs et aux populations rurales d’intervenir
aux moments décisifs et en même temps un instrument efficace pour réaliser ce développement
intégral dont la personne est le fondement et le but » et que leur travail peut montrer
« concrètement un moyen possible pour satisfaire la demande d’une population mondiale
en croissance ». Les coopératives doivent être considérées comme « un véritable instrument
de l’action internationale ».
Mettre fin à la spéculation sur les produits
de première nécessité
Outre ces avantages concrets, le Pape met en avant
le fait que les coopératives « inspirées par la solidarité et orientées vers la participation
» représente « au sens le plus profond, l’exigence pour la personne de s’associer
pour poursuivre avec les autres, de nouveaux buts dans le domaine social, économique,
culturel et religieux ». Elles proposent, dit-il, une « vision alternative à celle
déterminée par les mesures internes et internationales qui semblent avoir comme unique
objectif le profit, la défense des marchés, l’usage non alimentaire des produits agricoles,
l’introduction de nouvelles techniques de production sans une nécessaire précaution.
»
Benoît XVI invite les pouvoirs publics à les appuyer
Le Pape
estime ainsi que la présence renforcée des coopératives peut « mettre fin aux tendances
spéculatives qui touchent désormais jusqu’aux produits de première nécessité destinés
à l’alimentation humaine et contenir l’accaparement des terres cultivables qui en
diverses régions contraignent les cultivateurs à quitter leurs terres puisque individuellement
ils n’ont aucune possibilité pour faire valoir leurs droits ».
Benoît XVI
juge enfin et pour ces diverses raisons, « indispensable » que les pouvoirs publics
préparent les instruments législatifs et de financement afin que dans les zones rurales
les coopératives puissent être des instruments efficaces pour la production agricole,
la sécurité alimentaire, la mutation sociale et pour une plus grande amélioration
des conditions de vie ».
Ci-dessous, l’intégralité du discours adressé
par Benoît XVI au directeur de la FAO
A Monsieur José Graziano da Silva Directeur
Général de la F.A.O. 1. Cette année la Journée Mondiale de l’Alimentation
est célébrée alors que les effets de la crise économique touchent toujours plus les
besoins primaires, y compris le droit fondamental de chaque personne à une nourriture
suffisante et saine, aggravant spécialement la situation de ceux qui vivent dans des
conditions de pauvreté et de sous-développement. Il s’agit d’un contexte analogue
à celui qui inspira l’institution de la FAO et qui requiert l’engagement des institutions
nationales et internationales pour libérer l’humanité de la faim, à travers le développement
agricole et la croissance des communautés rurales. Le graduel désengagement et l’excessive
compétitivité qui pèsent en effet sur la malnutrition risquent de faire oublier combien
seules des solutions communes et partagées sont en mesure de donner des réponses adéquates
aux attentes des personnes et des peuples. Je salue par conséquent avec
une particulière satisfaction le choix de dédier cette Journée à une réflexion sur
le thème « Les coopératives agricoles nourrissent le monde ». Il ne s’agit pas seulement
de donner un soutien aux coopératives comme expression d’une forme différente d’organisation
économique et sociale, mais de les considérer comme un véritable instrument de l’action
internationale. L’expérience réalisée dans de nombreux pays montre en effet que les
coopératives, outre l’impulsion qu’elles donnent au travail agricole, sont un moyen
pour permettre aux agriculteurs et aux populations rurales d’intervenir aux moments
décisifs et en même temps un instrument efficace pour réaliser ce développement intégral
dont la personne est le fondement et le but. Garantir la liberté par rapport
à la faim signifie, en effet, être conscient que l’activité des institutions et l’apport
des hommes et des femmes engagés peut arriver à des résultats adéquats uniquement
à travers des actions et des structures inspirées par la solidarité et orientées vers
la participation. En ce sens, les coopératives agricoles sont un exemple concret,
appelées par conséquent à réaliser non seulement les niveaux de production et de distribution
requis, mais aussi une croissance plus générale des surfaces rurales et des communautés
qui vivent dessus. 2. La coopération au sens le plus profond représente
l’exigence pour la personne de s’associer pour poursuivre avec les autres, de nouveaux
buts dans le domaine social, économique, culturel et religieux. Il s’agit d’une réalité
dynamique et variée, appelée non seulement à donner des réponses aux exigences immédiates
et matérielles, mais aussi à concourir à la perspective de chaque communauté. Étant
donnée la priorité due à la dimension humaine, les coopératives agricoles peuvent
dépasser l’aspect exclusivement technique du travail agricole, en en réévaluant la
centralité dans l’activité économique et ainsi elles favorisent des réponses adaptées
aux réelles nécessités locales. Il s’agit d’une vision alternative à celle déterminée
par les mesures internes et internationales qui semblent avoir comme unique objectif
le profit, la défense des marchés, l’usage non alimentaire des produits agricoles,
l’introduction de nouvelles techniques de production sans une nécessaire précaution. Devant
une demande de nourriture toujours plus importante, qui conjugue nécessairement la
qualité et la quantité des aliments, le travail des coopératives agricoles peut représenter
quelque chose de plus qu’une simple aspiration, en montrant concrètement un moyen
possible pour satisfaire la demande d’une population mondiale en croissance aussi.
Leur présence toujours plus consolidée, peut ensuite mettre fin aux tendances spéculatives
qui touchent désormais jusqu’aux produits de première nécessité destinés à l’alimentation
humaine et contenir l’accaparement des terres cultivables qui en diverses régions
contraignent les cultivateurs à quitter leurs terres puisque individuellement ils
n’ont aucune possibilité pour faire valoir leurs droits.
3. L’Église
catholique, comme on le sait, considère aussi le travail et l’entreprise coopérative
comme moyens pour vivre une expérience d’unité et de solidarité capable de dépasser
les différences et jusqu’aux conflits sociaux entre les personnes et entre les divers
groupes. C’est pourquoi avec son enseignement et son action elle a toujours soutenu
le modèle des coopératives parce qu’elle est convaincue que leur activité ne se limite
pas à la seule dimension économique, mais concourt à la croissance humaine, sociale,
culturelle et morale de ceux qui en font partie et de la communauté dans laquelle
elles sont insérées. Les coopératives en effet sont une expression concrète
non d’une stérile complémentarité, mais d’une vraie subsidiarité ; un principe que
la doctrine sociale de l’Église pose comme fondement d’un rapport correct entre les
personnes, la société et les institutions. La subsidiarité, en effet, garantit la
capacité et l’apport original de la personne en préservant ses aspirations dans la
dimension spirituelle et matérielle, en tenant dans la juste considération la promotion
du bien commun et la tutelle des droits de la personne. En considérant
les situations où conflits ou désastres naturels limitent le travail agricole, une
pensée spéciale est adressée au rôle irremplaçable de la femme souvent appelée à diriger
l’activité des coopératives, à maintenir les liens familiaux et à garder ces précieux
éléments de connaissance et technique propres au monde rural. Dans un monde
à la recherche d’interventions appropriées pour surmonter les difficultés de la crise
économique et pour donner à la globalisation un sens authentiquement humain, l’expérience
des coopératives représente bien ce nouveau type d’économie au service de la personne,
autrement dit capable de favoriser des formes de partage et de gratuité qui sont le
fruit respectivement de la solidarité et de la fraternité (Caritas in veritate, 39).
C’est pourquoi il est indispensable que les pouvoirs publics opérant au niveau national
et international préparent les instruments législatifs et les instruments de financement
afin que dans les zones rurales les coopératives puissent être des instruments efficaces
pour la production agricole, la sécurité alimentaire, la mutation sociale et pour
une plus grande amélioration des conditions de vie. Dans ce nouveau contexte il est
souhaitable que les jeunes générations puissent regarder leur avenir avec une confiance
renouvelée en maintenant les liens avec le travail des champs, le monde rural et ses
valeurs traditionnelles. En renouvelant l’attention de l’Église et l’engagement
de ses institutions pour que l’humanité puisse être vraiment libérée de la faim, j’invoque
sur vous, Monsieur le Directeur Général, sur les représentants des Nations accréditées
auprès de la FAO, sur ceux qui travaillent dans l’organisation et concourent à l’obtention
de ses objectifs, les plus abondantes bénédictions du Dieu Tout-Puissant.