Texte intégral du discours prononcé par Benoît XVI le 15 septembre à Beyrouth au
cours de sa rencontre avec les jeunes du Liban
Béatitude, frères Évêques,
Monsieur le Président, chers amis, « Que la grâce et la paix vous soient accordées
en abondance par la véritable connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur » (2
P 1, 2). Le passage de la lettre de saint Pierre que nous avons entendu exprime bien
le grand désir que je porte dans mon cœur depuis longtemps. Merci pour votre accueil
chaleureux, merci de tout cœur pour votre présence si nombreuse ce soir ! Je remercie
Sa Béatitude le Patriarche Bechara Boutros Raï pour ses paroles d’accueil, Mgr Georges
Bou Jaoudé, Archevêque de Tripoli et président du Conseil pour l’apostolat des laïcs
au Liban, et Mgr Elie Hadda, Archevêque de Sidon des Grecs melkites et vice président
du même Conseil, ainsi que les deux jeunes qui m’ont salué en votre nom à tous. سَلامي
أُعطيكُم [« Je vous donne ma paix »] (Jn 14, 27) nous dit le Christ-Jésus. Chers
amis, vous vivez aujourd’hui dans cette partie du monde qui a vu la naissance de Jésus
et le développement du christianisme. C’est un grand honneur ! Et c’est un appel à
la fidélité, à l’amour de votre région et surtout à être des témoins et des messagers
de la joie du Christ, car la foi transmise par les Apôtres conduit à la pleine liberté
et à la joie, comme l’ont montré tant de saints et de bienheureux de ce pays. Leur
message éclaire l’Église universelle. Il peut continuer à éclairer vos vies. Parmi
les Apôtres et les saints, beaucoup ont vécu à des périodes troublées et leur foi
a été la source de leur courage et de leur témoignage. Puisez dans leur exemple et
dans leur intercession, l’inspiration et le soutien dont vous avez besoin ! Je
connais les difficultés qui sont les vôtres dans la vie quotidienne, à cause du manque
de stabilité et de sécurité, de la difficulté à trouver un travail ou encore du sentiment
de solitude et de marginalisation. Dans un monde en continuel mouvement, vous êtes
confrontés à de nombreux et graves défis. Même le chômage et la précarité ne doivent
pas vous inciter à goûter le « miel amer » de l’émigration, avec le déracinement et
la séparation pour un avenir incertain. Il s’agit pour vous d’être des acteurs de
l’avenir de votre pays, et de remplir votre rôle dans la société et dans l’Église.
Vous avez une place privilégiée dans mon cœur et dans l’Église tout entière car
l’Église est toujours jeune ! L’Église vous fait confiance. Elle compte sur vous.
Soyez jeunes dans l’Église ! Soyez jeunes avec l’Église ! L’Église a besoin de votre
enthousiasme et de votre créativité ! La jeunesse est le moment où l’on aspire à de
grands idéaux, et la période où l’on étudie pour préparer un métier et un avenir.
Cela est important et demande du temps. Recherchez ce qui est beau, et ayez le goût
de faire ce qui est bien ! Témoignez de la grandeur et de la dignité de votre corps
qui « est pour le Seigneur » (1 Co 6, 13.b). Ayez la délicatesse et la droiture des
cœurs purs ! À la suite du bienheureux Jean-Paul II, je vous redis moi aussi : « N’ayez
pas peur. Ouvrez les portes de vos esprits et de vos cœurs au Christ ! ». La rencontre
avec lui « donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Deus
caritas est, 1). En lui, vous trouverez la force et le courage pour avancer sur les
chemins de votre vie, en surmontant les difficultés et la souffrance. En lui, vous
trouverez la source de la joie. Le Christ vous dit : سَلامي أُعطيكُم [« Je vous donne
ma paix »] (Jn 14, 27). Là est la véritable révolution apportée par le Christ, celle
de l’amour. Les frustrations présentes ne doivent pas conduire à vous réfugier
dans des mondes parallèles comme ceux, entre autres, des drogues de toutes sortes,
ou celui de la tristesse de la pornographie. Quant aux réseaux sociaux, ils sont intéressants
mais peuvent, avec grande facilité, vous entraîner à une dépendance et à la confusion
entre le réel et le virtuel. Recherchez et vivez des relations riches d’amitié vraie
et noble. Ayez des initiatives qui donnent du sens et des racines à votre existence
en luttant contre la superficialité et la consommation facile ! Vous êtes soumis également
à une autre tentation, celle de l’argent, cette idole tyrannique qui aveugle au point
d’étouffer la personne et son cœur. Les exemples qui vous entourent ne sont pas toujours
les meilleurs. Beaucoup oublient l’affirmation du Christ disant qu’on ne peut servir
Dieu et l’argent (cf. Lc 16, 13). Recherchez de bons maîtres, des maîtres spirituels,
qui sachent vous indiquer le chemin de la maturité en laissant l’illusoire, le clinquant
et le mensonge. Soyez les porteurs de l’amour du Christ ! Comment ? En vous tournant
sans réserve vers Dieu, son Père, qui est la mesure de ce qui est juste, vrai et bon.
Méditez la Parole de Dieu ! Découvrez l’intérêt et l’actualité de l’Évangile. Priez
! La prière, les sacrements sont les moyens sûrs et efficaces pour être chrétien et
vivre « enracinés et fondés dans le Christ, affermis dans la foi » (Col 2, 7). L’Année
de la foi qui va débuter sera l’occasion de découvrir le trésor de la foi reçue au
baptême. Vous pouvez approfondir son contenu grâce à l’étude du Catéchisme afin que
votre foi soit vivante et vécue. Vous deviendrez alors pour les autres témoins de
l’amour du Christ. En lui, tous les hommes sont nos frères. La fraternité universelle
qu’il a inaugurée sur la Croix revêt d’une lumière éclatante et exigeante la révolution
de l’amour. « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34).
Là est le testament de Jésus et le signe du chrétien. Là est la véritable révolution
de l’amour ! Et donc, le Christ vous invite à faire comme lui, à accueillir sans
réserve l’autre, même s’il est d’appartenance culturelle, religieuse, nationale différente.
Lui faire une place, le respecter, être bon envers lui, rend toujours plus riche d’humanité
et fort de la paix du Seigneur. Je sais que beaucoup parmi vous participent aux diverses
activités promues par les paroisses, les écoles, les mouvements, les associations.
Il est beau de s’engager avec et pour les autres. Vivre ensemble des moments d’amitié
et de joie permet de résister aux germes de division, toujours à combattre ! La fraternité
est une anticipation du ciel ! Et la vocation du disciple du Christ est d’être « levain
» dans la pâte, comme l’affirmait saint Paul : « Un peu de levain fait lever toute
la pâte » (Ga 5,9). Soyez les messagers de l’Évangile de la vie et des valeurs de
la vie. Résistez courageusement à tout ce qui la nie : l’avortement, la violence,
le refus et le mépris de l’autre, l’injustice, la guerre. Vous répandrez ainsi la
paix autour de vous. Est-ce que ce ne sont pas les « agents de paix » que nous admirons
finalement le plus ? N’est-ce pas la paix ce bien précieux que toute l’humanité recherche
? N’est-ce pas un monde de paix qu’au plus profond nous voulons pour nous et pour
les autres ? سَلامي أُعطيكُم [« Je vous donne ma paix »] a dit Jésus. Il a vaincu
le mal non par un autre mal, mais en le prenant sur lui et en l’anéantissant sur la
croix par l’amour vécu jusqu’au bout. Découvrir en vérité le pardon et la miséricorde
de Dieu, permet toujours de repartir pour une nouvelle vie. Il n’est pas facile de
pardonner. Mais le pardon de Dieu donne la force de la conversion, et la joie de pardonner
à son tour. Le pardon et la réconciliation sont des chemins de paix, et ouvrent un
avenir. Chers amis, beaucoup parmi vous se demandent certainement d’une façon plus
ou moins consciente : Qu’est-ce que Dieu attend de moi ? Quel est son projet pour
moi ? Ne voudrais-je pas annoncer au monde la grandeur de son amour par le sacerdoce,
la vie consacrée ou le mariage ? Le Christ ne m’appellerait-il pas à le suivre de
plus près ? Accueillez avec confiance ces questions. Prenez le temps d’y réfléchir
et de demander la lumière. Répondez à l’invitation en vous offrant chaque jour à Celui
qui vous appelle pour être de ses amis. Cherchez à suivre avec cœur et générosité
le Christ qui, par amour, nous a rachetés et a donné sa vie pour chacun de nous. Vous
connaîtrez une joie et une plénitude insoupçonnées ! Répondre à la vocation du Christ
sur soi : c’est là le secret de la vraie paix. J’ai signé hier l’Exhortation apostolique
Ecclesia in Medio Oriente. Cette lettre vous est aussi destinée, chers jeunes, comme
à tout le peuple de Dieu. Lisez-la avec attention et méditez-la pour la mettre en
pratique. Pour vous aider, je vous rappelle les paroles de saint Paul aux Corinthiens
: « Notre lettre c’est vous, une lettre écrite en vos cœurs, connue et lue par tous
les hommes. Vous êtes manifestement une lettre du Christ remise à nos soins, écrite
non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant, non sur des tables de pierre,
mais sur des tables de chair, sur les cœurs » (2 Co 3, 2-3). Vous pouvez être, vous
aussi, chers amis, une lettre vivante du Christ. Cette lettre ne sera pas écrite sur
du papier et avec un crayon. Elle sera le témoignage de votre vie et celui de votre
foi. Ainsi, avec courage et enthousiasme, vous ferez comprendre autour de vous que
Dieu veut le bonheur de tous sans distinction, et que les chrétiens sont ses serviteurs
et ses témoins fidèles. Jeunes libanais, vous êtes l’espérance et l’avenir de
votre pays. Vous êtes le Liban, terre d’accueil, de convivialité, avec cette faculté
inouïe d’adaptation. Et en ce moment, nous ne pouvons pas oublier ces millions de
personnes qui composent la diaspora libanaise et qui maintiennent des liens solides
avec leur pays d’origine. Jeunes du Liban, soyez accueillants et ouverts, comme le
Christ vous le demande et comme votre pays vous l’enseigne. Je voudrais saluer
maintenant les jeunes musulmans qui sont avec nous ce soir. Je vous remercie pour
votre présence qui est si importante. Vous êtes avec les jeunes chrétiens l’avenir
de ce merveilleux pays et de l’ensemble du Moyen-Orient. Cherchez à le construire
ensemble ! Et lorsque vous serez adultes, continuez de vivre la concorde dans l’unité
avec les chrétiens. Car la beauté du Liban se trouve dans cette belle symbiose. Il
faut que l’ensemble du Moyen-Orient, en vous regardant, comprenne que les musulmans
et les chrétiens, l’Islam et la Chrétienté, peuvent vivre ensemble sans haine dans
le respect des croyances de chacun pour bâtir ensemble une société libre et humaine. J’ai
appris également qu’il y a parmi nous des jeunes venus de Syrie. Je veux vous dire
combien j’admire votre courage. Dites chez vous, à vos familles et à vos amis, que
le Pape ne vous oublie pas. Dites autours de vous que le Pape est triste à cause de
vos souffrances et de vos deuils. Il n’oublie pas la Syrie dans ses prières et ses
préoccupations. Il n’oublie pas les Moyen-orientaux qui souffrent. Il est temps que
musulmans et chrétiens s’unissent pour mettre fin à la violence et aux guerres. En
terminant, tournons-nous vers Marie, la Mère du Seigneur, Notre-Dame du Liban. Du
haut de la colline de Harissa, elle vous protège et vous accompagne, elle veille comme
une mère sur tous les Libanais et sur tant de pèlerins, venant de tous les horizons
pour lui confier leurs joies et leurs peines ! Ce soir, confions à la Vierge Marie
et au bienheureux Jean-Paul II qui m’a précédé ici, vos vies, celles de tous les jeunes
du Liban et des pays de la région, particulièrement ceux qui souffrent de la violence
ou de la solitude, ceux qui ont besoin de réconfort. Que Dieu vous bénisse tous !
Et maintenant tous ensemble, nous la prions : السّلامُ عَلَيكِ يا مَرْيَم... [« Je
vous salue Marie … »].