Le Pape confie aux jeunes chrétiens et musulmans l’avenir du Moyen-Orient
Moment fort de la journée de samedi de la visite de Benoît XV à Beyrouth : sa rencontre
avec les jeunes du Liban et du Moyen-Orient dans la soirée, sur l’esplanade du Patriarcat
maronite. Une rencontre qui s’est déroulée sous la forme d’une liturgie de la parole
et qui a été marquée par la présence d'une délégation syrienne. Des jeunes musulmans
avaient accepté de participer à ce rassemblement aux côtés des jeunes chrétiens. Benoît
XVI a chaleureusement salué leur présence si importante.
Le Pape a confié
aux jeunes chrétiens et musulmans l’avenir du Liban et de l’ensemble du Moyen-Orient.
Ils devront s’efforcer de le construire ensemble. Pour Benoît XVI, il faut que l’ensemble
du Moyen-Orient en les regardant comprennent que l’Islam et la Chrétienté peuvent
vivre ensemble sans haine dans le respect des croyances de chacun pour bâtir ensemble
une société libre et humaine.
Le Pape compte sur les jeunes pour combattre
les germes de division, pour résister courageusement à tout ce qui porte atteinte
aux valeurs de la vie. Le pardon et la réconciliation sont des chemins de paix.
Le
Pape demande aux jeunes chrétiens de ne pas goûter le miel amer de l’émigration
S’adressant
plus spécialement aux jeunes chrétiens, Benoît XVI les a encouragé à aimer cette région,
à ne pas goûter le miel amer de l’émigration, malgré les nombreuses difficultés :
l’insécurité, l’instabilité, le chômage, la solitude, la marginalisation. Mais il
n'a pas manqué non plus de les mettre en garde contre la tentation de se réfugier
dans des mondes parallèles, comme la drogue ou la pornographie, ou encore contre la
tentation de l’argent, une « idole tyrannique ».
Quant aux réseaux sociaux,
ils sont intéressants, reconnaît Benoît XVI, mais ils peuvent entraîner à une dépendance
et à la confusion entre le réel et le virtuel.
Le Pape n’oublie pas la
Syrie dans ses prières et ses préoccupations
Cette rencontre aura été marquée
par la présence de jeunes venus de Syrie. Le Pape a eu pour eux des paroles pleines
d’affection :
"J’ai appris également qu’il y a parmi nous des jeunes venus
de Syrie. Je veux vous dire combien j’admire votre courage. Dites chez vous, à vos
familles et à vos amis, que le Pape ne vous oublie pas. Dites autour de vous que le
Pape est triste à cause de vos souffrances et de vos deuils. Il n’oublie pas la Syrie
dans ses prières et ses préoccupations. Il n’oublie pas les Moyen-orientaux qui souffrent.
Il est temps que musulmans et chrétiens s’unissent pour mettre fin à la violence et
aux guerres".
Monseigneur Mario Zenari, le nonce apostolique en poste
à Damas, en Syrie, a été très touché par ces mots du pape. Il le confie à Alessandro
Gisotti :
Olivier Bonnel,
notre envoyé spécial au Liban, raconte ce discours du pape à l'adresse des jeunes
:
Voici le
discours prononcé par Benoît XVI, au patriarcat maronite de Bkerké :
Béatitude,
frères Évêques, chers amis,
« Que la grâce et la paix vous soient accordées
en abondance par la véritable connaissance de Dieu et de Jésus notre Seigneur » (2
P 1, 2). Le passage de la lettre de saint Pierre que nous avons entendu exprime bien
le grand désir que je porte dans mon cœur depuis longtemps. Merci pour votre accueil
chaleureux, merci de tout cœur pour votre présence si nombreuse ce soir ! Je remercie
Sa Béatitude le Patriarche Bechara Boutros Raï pour ses paroles d’accueil, Mgr Georges
Bou Jaoudé, Archevêque de Tripoli et président du Conseil pour l’apostolat des laïcs
au Liban, et Mgr Elie Hadda, Archevêque de Sidon des Grecs melkites et vice président
du même Conseil, ainsi que les deux jeunes qui m’ont salué en votre nom à tous. سَلامي
أُعطيكُم [« Je vous donne ma paix »] (Jn 14, 27) nous dit le Christ-Jésus.
Chers
amis, vous vivez aujourd’hui dans cette partie du monde qui a vu la naissance de Jésus
et le développement du christianisme. C’est un grand honneur ! Et c’est un appel à
la fidélité, à l’amour de votre région et surtout à être des témoins et des messagers
de la joie du Christ, car la foi transmise par les Apôtres conduit à la pleine liberté
et à la joie, comme l’ont montré tant de saints et de bienheureux de ce pays. Leur
message éclaire l’Église universelle. Il peut continuer à éclairer vos vies. Parmi
les Apôtres et les saints, beaucoup ont vécu à des périodes troublées et leur foi
a été la source de leur courage et de leur témoignage. Puisez dans leur exemple et
dans leur intercession, l’inspiration et le soutien dont vous avez besoin !
Je
connais les difficultés qui sont les vôtres dans la vie quotidienne, à cause du manque
de stabilité et de sécurité, de la difficulté à trouver un travail ou encore du sentiment
de solitude et de marginalisation. Dans un monde en continuel mouvement, vous êtes
confrontés à de nombreux et graves défis. Même le chômage et la précarité ne doivent
pas vous inciter à goûter le « miel amer » de l’émigration, avec le déracinement et
la séparation pour un avenir incertain. Il s’agit pour vous d’être des acteurs de
l’avenir de votre pays, et de remplir votre rôle dans la société et dans l’Église.
Vous avez une place privilégiée dans mon cœur et dans l’Église tout entière
car l’Église est toujours jeune ! L’Église vous fait confiance. Elle compte sur vous.
Soyez jeunes dans l’Église ! Soyez jeunes avec l’Église ! L’Église a besoin de votre
enthousiasme et de votre créativité ! La jeunesse est le moment où l’on aspire à de
grands idéaux, et la période où l’on étudie pour préparer un métier et un avenir.
Cela est important et demande du temps. Recherchez ce qui est beau, et ayez le goût
de faire ce qui est bien ! Témoignez de la grandeur et de la dignité de votre corps
qui « est pour le Seigneur » (1 Co 6, 13.b). Ayez la délicatesse et la droiture des
cœurs purs ! À la suite du bienheureux Jean-Paul II, je vous redis moi aussi : « N’ayez
pas peur. Ouvrez les portes de vos esprits et de vos cœurs au Christ ! ». La rencontre
avec lui « donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Deus
caritas est, 1). En lui, vous trouverez la force et le courage pour avancer sur les
chemins de votre vie, en surmontant les difficultés et la souffrance. En lui, vous
trouverez la source de la joie. Le Christ vous dit : سَلامي أُعطيكُم [« Je vous donne
ma paix »] (Jn 14, 27). Là est la véritable révolution apportée par le Christ, celle
de l’amour.
Les frustrations présentes ne doivent pas conduire à vous réfugier
dans des mondes parallèles comme ceux, entre autres, des drogues de toutes sortes,
ou celui de la tristesse de la pornographie. Quant aux réseaux sociaux, ils sont intéressants
mais peuvent, avec grande facilité, vous entraîner à une dépendance et à la confusion
entre le réel et le virtuel. Recherchez et vivez des relations riches d’amitié vraie
et noble. Ayez des initiatives qui donnent du sens et des racines à votre existence
en luttant contre la superficialité et la consommation facile ! Vous êtes soumis également
à une autre tentation, celle de l’argent, cette idole tyrannique qui aveugle au point
d’étouffer la personne et son cœur. Les exemples qui vous entourent ne sont pas toujours
les meilleurs. Beaucoup oublient l’affirmation du Christ disant qu’on ne peut servir
Dieu et l’argent (cf. Lc 16, 13). Recherchez de bons maîtres, des maîtres spirituels,
qui sachent vous indiquer le chemin de la maturité en laissant l’illusoire, le clinquant
et le mensonge.
Soyez les porteurs de l’amour du Christ ! Comment ? En vous
tournant sans réserve vers Dieu, son Père, qui est la mesure de ce qui est juste,
vrai et bon. Méditez la Parole de Dieu ! Découvrez l’intérêt et l’actualité de l’Évangile.
Priez ! La prière, les sacrements sont les moyens sûrs et efficaces pour être chrétien
et vivre « enracinés et fondés dans le Christ, affermis dans la foi » (Col 2, 7).
L’Année de la foi qui va débuter sera l’occasion de découvrir le trésor de la foi
reçue au baptême. Vous pouvez approfondir son contenu grâce à l’étude du Catéchisme
afin que votre foi soit vivante et vécue. Vous deviendrez alors pour les autres témoins
de l’amour du Christ. En lui, tous les hommes sont nos frères. La fraternité universelle
qu’il a inaugurée sur la Croix revêt d’une lumière éclatante et exigeante la révolution
de l’amour. « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés » (Jn 13, 34).
Là est le testament de Jésus et le signe du chrétien. Là est la véritable révolution
de l’amour !
Et donc, le Christ vous invite à faire comme lui, à accueillir
sans réserve l’autre, même s’il est d’appartenance culturelle, religieuse, nationale
différente. Lui faire une place, le respecter, être bon envers lui, rend toujours
plus riche d’humanité et fort de la paix du Seigneur. Je sais que beaucoup parmi vous
participent aux diverses activités promues par les paroisses, les écoles, les mouvements,
les associations. Il est beau de s’engager avec et pour les autres. Vivre ensemble
des moments d’amitié et de joie permet de résister aux germes de division, toujours
à combattre ! La fraternité est une anticipation du ciel ! Et la vocation du disciple
du Christ est d’être « levain » dans la pâte, comme l’affirmait saint Paul : « Un
peu de levain fait lever toute la pâte » (Ga 5,9). Soyez les messagers de l’Évangile
de la vie et des valeurs de la vie. Résistez courageusement à tout ce qui la nie :
l’avortement, la violence, le refus et le mépris de l’autre, l’injustice, la guerre.
Vous répandrez ainsi la paix autour de vous. Est-ce que ce ne sont pas les « agents
de paix » que nous admirons finalement le plus ? N’est-ce pas la paix ce bien précieux
que toute l’humanité recherche ? N’est-ce pas un monde de paix qu’au plus profond
nous voulons pour nous et pour les autres ? سَلامي أُعطيكُم [« Je vous donne ma paix
»] a dit Jésus. Il a vaincu le mal non par un autre mal, mais en le prenant sur lui
et en l’anéantissant sur la croix par l’amour vécu jusqu’au bout. Découvrir en vérité
le pardon et la miséricorde de Dieu, permet toujours de repartir pour une nouvelle
vie. Il n’est pas facile de pardonner. Mais le pardon de Dieu donne la force de la
conversion, et la joie de pardonner à son tour. Le pardon et la réconciliation sont
des chemins de paix, et ouvrent un avenir. Chers amis, beaucoup parmi vous se demandent
certainement d’une façon plus ou moins consciente : Qu’est-ce que Dieu attend de moi
? Quel est son projet pour moi ? Ne voudrais-je pas annoncer au monde la grandeur
de son amour par le sacerdoce, la vie consacrée ou le mariage ? Le Christ ne m’appellerait-il
pas à le suivre de plus près ? Accueillez avec confiance ces questions. Prenez le
temps d’y réfléchir et de demander la lumière. Répondez à l’invitation en vous offrant
chaque jour à Celui qui vous appelle pour être de ses amis. Cherchez à suivre avec
cœur et générosité le Christ qui, par amour, nous a rachetés et a donné sa vie pour
chacun de nous. Vous connaîtrez une joie et une plénitude insoupçonnées ! Répondre
à la vocation du Christ sur soi : c’est là le secret de la vraie paix.
J’ai
signé hier l’Exhortation apostolique Ecclesia in Medio Oriente. Cette lettre vous
est aussi destinée, chers jeunes, comme à tout le peuple de Dieu. Lisez-la avec attention
et méditez-la pour la mettre en pratique. Pour vous aider, je vous rappelle les paroles
de saint Paul aux Corinthiens : « Notre lettre c’est vous, une lettre écrite en vos
cœurs, connue et lue par tous les hommes. Vous êtes manifestement une lettre du Christ
remise à nos soins, écrite non avec de l’encre, mais avec l’Esprit du Dieu vivant,
non sur des tables de pierre, mais sur des tables de chair, sur les cœurs » (2 Co
3, 2-3). Vous pouvez être, vous aussi, chers amis, une lettre vivante du Christ. Cette
lettre ne sera pas écrite sur du papier et avec un crayon. Elle sera le témoignage
de votre vie et celui de votre foi. Ainsi, avec courage et enthousiasme, vous ferez
comprendre autour de vous que Dieu veut le bonheur de tous sans distinction, et que
les chrétiens sont ses serviteurs et ses témoins fidèles.
Jeunes libanais,
vous êtes l’espérance et l’avenir de votre pays. Vous êtes le Liban, terre d’accueil,
de convivialité, avec cette faculté inouïe d’adaptation. Et en ce moment, nous ne
pouvons pas oublier ces millions de personnes qui composent la diaspora libanaise
et qui maintiennent des liens solides avec leur pays d’origine. Jeunes du Liban, soyez
accueillants et ouverts, comme le Christ vous le demande et comme votre pays vous
l’enseigne. Je voudrais saluer maintenant les jeunes musulmans qui sont avec nous
ce soir. Je vous remercie pour votre présence qui est si importante. Vous êtes avec
les jeunes chrétiens l’avenir de ce merveilleux pays et de l’ensemble du Moyen-Orient.
Cherchez à le construire ensemble ! Et lorsque vous serez adultes, continuez de vivre
la concorde dans l’unité avec les chrétiens. Car la beauté du Liban se trouve dans
cette belle symbiose. Il faut que l’ensemble du Moyen-Orient, en vous regardant, comprenne
que les musulmans et les chrétiens, l’Islam et la Chrétienté, peuvent vivre ensemble
sans haine dans le respect des croyances de chacun pour bâtir ensemble une société
libre et humaine.
J’ai appris également qu’il y a parmi nous des jeunes venus
de Syrie. Je veux vous dire combien j’admire votre courage. Dites chez vous, à vos
familles et à vos amis, que le Pape ne vous oublie pas. Dites autours de vous que
le Pape est triste à cause de vos souffrances et de vos deuils. Il n’oublie pas la
Syrie dans ses prières et ses préoccupations. Il n’oublie pas les Moyen-orientaux
qui souffrent. Il est temps que musulmans et chrétiens s’unissent pour mettre fin
à la violence et aux guerres.
En terminant, tournons-nous vers Marie, la Mère
du Seigneur, Notre-Dame du Liban. Du haut de la colline de Harissa, elle vous protège
et vous accompagne, elle veille comme une mère sur tous les Libanais et sur tant de
pèlerins, venant de tous les horizons pour lui confier leurs joies et leurs peines
! Ce soir, confions à la Vierge Marie et au bienheureux Jean-Paul II qui m’a précédé
ici, vos vies, celles de tous les jeunes du Liban et des pays de la région, particulièrement
ceux qui souffrent de la violence ou de la solitude, ceux qui ont besoin de réconfort.
Que Dieu vous bénisse tous ! Et maintenant tous ensemble, nous la prions : السّلامُ
عَلَيكِ يا مَرْيَم... [« Je vous salue Marie … »]