Vers le mariage homosexuel en France ? Le commentaire de l’évêque d’Ajaccio
En France, le texte de loi sur le mariage gay devrait être voté dans le premier semestre
2013. C’est l’un des soixante engagements de François Hollande. Il n’y aura pas de
referendum – a assuré ces jours derniers le ministre délégué à la famille, relançant
la polémique. La France deviendra le 9° pays européen à adopter une telle loi. L’Eglise
catholique réagit, explicitement ou à mots couverts, pour défendre ses convictions
dans le débat public. De plus en plus de voix s'élèvent parmi les catholiques pour
mettre en garde les croyants contre le danger de sombrer dans la résignation face
au conformisme médiatique, ou par peur de s’exposer à l’accusation d’homophobie. Bref
c’est une bataille difficile qui ne fait que commencer. L’évêque d’Ajaccio fait
le point (texte intégral ci-dessous) :
Il est difficile pour l’Eglise de ne
pas réagir face à l’annonce faite par le gouvernement d’un projet de loi visant à
élargir le mariage aux couples homosexuels. Pour beaucoup, il s’agit là d’une évolution
inéluctable face à laquelle il faudrait faire preuve d’ouverture d’esprit, voire de
résignation. Quelles que soient les intentions – qu’il ne nous appartient pas de juger
– des promoteurs de ce projet, c’est en réalité la destruction d’un des piliers fondamentaux
de notre société qui est programmée. Loin d’épuiser ce vaste sujet de société,
je voudrais simplement donner ici quelques repères et réflexions qui pourraient guider
ou inspirer notre façon de réagir et de nous mobiliser. Dans ce débat, les arguments
de bon sens ne suffisent plus. L’évidence selon laquelle le mariage naturel concerne
un homme et une femme a été laminée par le relativisme. Il faut donc que nous soyons
capables d’expliquer en quoi l’union durable d’un homme et d’une femme pour fonder
une famille n’est pas l’invention d’un type particulier de société mais est profondément
inscrit dans la nature même de l’être humain. De même, nous devons pouvoir montrer
que si l’Etat est habilité à légiférer sur un mariage qui, en donnant potentiellement
naissance à des enfants, construit la société, il n’a pas à donner un statut équivalent
à un mode d’union qui est stérile par nature et relève de choix privés. Les conclusions
d’une telle réflexion sont rendues plus évidentes grâce à l’éclairage de la foi chrétienne,
mais nous devons être capables de la mener avec des arguments de raison pour pouvoir
entrer en dialogue avec ceux de nos compatriotes qui ne partagent pas notre foi. Dans
ce dialogue, il y a un piège dans lequel nous ne devons pas tomber. Ceux qui revendiquent
un statut pour les couples homosexuels – et qui à vrai dire sont souvent à court d’arguments
– accusent facilement leurs opposants d’homophobie. Ainsi, pour ne pas passer pour
homophobes, nous évitons le débat. Il faut au contraire proclamer avec force que refuser
le « mariage » homosexuel n’a rien à voir avec l’homophobie. Nous pouvons avoir un
grand respect pour les personnes homosexuelles tout en contestant le fait que le couple
homosexuel soit présenté par l’Etat comme un modèle social au même titre qu’un couple
marié. Cette capacité à désapprouver un acte tout en respectant la personne est d’ailleurs
un des héritages du christianisme. Soyons donc toujours très attentifs à ce que nos
propos sur la question de l’homosexualité ne soient pas perçus comme méprisants ou
blessants par les personnes concernées. Ne perdons pas de vue le fil conducteur
qui motive ce genre de lois. Lors du débat sur le Pacs, on disait qu’il s’agissait
simplement de défendre la dignité des personnes homosexuelles et qu’en aucun cas on
envisageait l’adoption d’enfants par ces mêmes personnes. Aujourd’hui, toujours sous
couvert de non-discrimination, le projet de loi sur l’adoption est annoncé. Interdire
d’emblée à un enfant d’avoir un papa et une maman n’est pas considéré comme une discrimination…
Mais ne nous y trompons pas, ce ne sera pas le dernier épisode. Nous sommes sous la
mouvance d’un courant idéologique qui ne compte pas en rester là. L’étape suivante
a commencé à se dévoiler au travers de la théorie du genre. Il s’agit de faire passer
l’idée selon laquelle la différence sexuelle n’est que de l’ordre du biologique et
ne concerne donc pas l’identité profonde de la personne. Chacun peut donc choisir
son orientation sexuelle (hétéro, homo, bi, trans, etc.) indépendamment de son sexe.
Il sera par conséquent interdit – car considéré comme de l’embrigadement – de donner
à un garçon des repères éducatifs masculins et à une petite fille des repères éducatifs
féminins. Ce serait aller contre une liberté individuelle toute-puissante revendiquant
son affranchissement vis-à-vis de la nature… Les idéologies des trente dernières
années ont fait un travail souterrain qui, pour une bonne part, a conduit à l’éclatement
de la famille ; les nouvelles idéologies vont permettre la déstructuration de la personne
elle-même. Dans les deux cas, c’est la société tout entière qui se délite. Aussi
affligeant soit-il, ce constat ne doit pas nous décourager. La déconstruction annoncée
n’est pas une fatalité. L’histoire a montré qu’une société possède souvent en elle-même
une capacité à réagir dans des situations catastrophiques. Nous devons donc nous mobiliser.
A la fois en nous intéressant à ces questions, en étant capables de dénoncer les idéologies,
mais aussi en annonçant la Bonne Nouvelle. Et la Bonne Nouvelle que nous voulons annoncer,
c’est qu’il est possible d’aimer en vérité, c’est la beauté de la sexualité et du
mariage vécus, grâce à l’Esprit Saint, en conformité avec le projet de Dieu. Il y
a un travail énorme à réaliser pour aider les enfants et les jeunes à s’éveiller à
la beauté de leur corps et de leur sexualité, à repérer et écarter les contrefaçons
de l’amour qui leur sont si souvent proposées, et à épanouir l’extraordinaire potentiel
à aimer qui est en eux. Avec charité et détermination, mobilisons–nous ! C’est
un grand service que nous avons à rendre à notre humanité. + Mgr Olivier de Germay Evêque
d’Ajaccio Publié sur la page d’accueil du site du diocèse d’Ajaccio