2012-06-28 15:24:48

KENYA : Les jésuites d'Afrique réfléchissent sur les activités de leurs centres sociaux après 50 ans des indépendances


50 ans après l’indépendance de certains pays africains, période marquée plus par de mauvaises nouvelles que par de bonnes, les Jésuites travaillant en Afrique dans le domaine social notent des signes d’espoir.
Ces religieux et leur collaborateurs venus de plus de 15 pays d’Afrique se sont réunis du 24 au 28 juin 2012 à Nairobi, au Kenya, pour un séminaire sur « L’Apostolat social jésuite en Afrique à l’épreuve du bilan des indépendances : le rôle des Centres d’étude et d’action sociale ». Cette rencontre a été organisée par le Réseau Jésuite de l’Apostolat Social et la Coordination de l’Apostolat social, deux services du JESAM (Conférences des Provinces jésuites d’Afrique et de Madagascar).
Dans son discours d’ouverture, le Président du JESAM, le Père Michael Lewis, a réfléchi sur le modèle d’apostolat social pour l’Afrique d’aujourd’hui, une Afrique de croissance économique rapide, mais qui doit faire face à de nombreux défis dont l’insécurité alimentaire pour la majorité des populations, la mauvaise gouvernance, et l’autosuffisance. Le Père Michael Lewis a indiqué quatre problèmes pratiques auxquels l’Apostolat social devra faire face dans les jours à venir. Il s’agit de la viabilité financière des œuvres de l’Apostolat social, du désintéressement des jeunes dans l’apostolat social, de l’intégration des personnes laïques et du renforcement de l’engagement des Jésuites en faveur de la promotion de la justice. « Enfin, si, en jetant un regard rétrospectif sur les 60 dernières années, nous pouvons planifier et exécuter des projets d’Apostolat social en Afrique, nous répondrons à la question du Père Minani ‘quel apostolat pour quelle Afrique ?’ », s’est interrogé le Président du JESAM dans sa conclusion.
L’Apostolat social que les Jésuites sont invités à exercer se déroulera dans une Afrique de 50 ans après les indépendances. Cette Afrique présente aujourd’hui des défis à l’Eglise et à la Compagnie de Jésus, selon le Père Orobator, Supérieur provincial de l’Afrique de l’Est et deuxième intervenant de la première journée. Il s’agit pour l’Eglise et la Compagnie de Jésus en Afrique d’être une conscience active de la société, engagée dans la formation des leaders.
Un autre défi est la collaboration avec d’autres religions et avec la société civile dans un travail de promotion de la démocratie, de l’Etat de droit, du bien commun, des droits humains et des droits des peuples, et de la justice sociale en Afrique. Selon cet intervenant, l’Eglise et les Jésuites doivent faire avec la pauvreté dans un contexte religieux marqué par « l’évangile de prospérité ». L’intégrité de la création constitue un autre défi pour l’Eglise et la Compagnie de Jésus en Afrique aujourd’hui.

L’Afrique peut surprendre…
Ce discours du Père provincial de l’Afrique de l’Est a été qualifié de pessimiste par certains participants. Un des participants, le Père Léon de Saint Moulin qui figure parmi les pionniers de l’Apostolat social jésuite en Afrique, pense qu’un changement profond et radical a eu lieu dans la Compagnie de Jésus en Afrique. « En effet, la majorité des Jésuites en Afrique sont Africains. Ce qui est un signe de changement structurel », a expliqué le Père de Saint Moulin. Selon le Jésuite de nationalité belge, il existe une volonté de se prendre en charge et dans la Compagnie de Jésus et dans l’Eglise en Afrique. « Il y a de l’espérance en Afrique », a souligné le Père Léon de Saint Moulin. Et d’ajouter : « L’Afrique peut surprendre ». Pour le Père Orobator, l’Afrique et la Compagnie de Jésus dans ce continent peuvent surprendre, mais à certaines conditions : il faut qu’il y ait de la créativité, de l’imagination, de la vision et du courage.
Le Père Orobator s’est défendu de présenter un bilan fortement négatif de l’Afrique 50 ans après les indépendances. Le Provincial d’Afrique de l’Est préfère parler d’un bilan mitigé. Il est conscient que « l'histoire de l'indépendance et l'autodétermination politique du continent sont relativement courtes par rapport aux grandes attentes placées sur l'Afrique. « Plus courte encore est l’expérimentation de la gouvernance démocratique, des régimes constitutionnels, de l’Etat de droit et des institutions fonctionnelles pour la construction de la nation telles que l’indépendance de la magistrature, le changement pacifique de régimes, la société civile, la responsabilité civique », estime le Père Orobator.

Un bilan mitigé
Le bilan mitigé fait sur l’Afrique par le Père Orobator a été aussi partagé par cinq autres Jésuites qui ont présenté le bilan des 50 ans des indépendances en Afrique de l’Ouest francophone, en Afrique de l’Ouest anglophone, en République Démocratique du Congo, en Afrique de l’Est et en Afrique Australe.
Présentant le bilan des 50 ans des anciennes colonies françaises en Afrique de l’Ouest, le Père Hyancithe Loua, Directeur du CERAP à Abidjan, en Côte d’Ivoire, a reconnu notamment comme avancée notable : l’intégration des pays de l’Afrique de l’Ouest. « L’unité, la coopération et l’intégration de l’Afrique ont été de tout temps des objectifs pour de nombreux responsables africains comme Kwame Nkrumah qui, dans son livre Africa Must Unite, préconisait déjà l’unité africaine. Cet objectif d’intégration est donc profondément ancré dans l’histoire de l’Afrique de l’Ouest. » Si l’on peut noter des avancées telles que la coopération dans les domaines des biens et des services, des investissements et des migrations, le Jésuite de Guinée-Conakry pense qu’ « il existe des problèmes économiques et institutionnels, notamment, les tracasseries administratives aux frontières et dans les ports. » « D’autres problèmes sont dus à l’absence de coordination et d’harmonisation des politiques et des règlementations au niveau régional, à la non-application des engagements pris et à l’appartenance des pays à des entités multiples », a dénoncé le Père Loua. Et d’ajouter : « Ce désir d’intégration régionale progresse lentement mais, sans doute, sûrement. »
Le bilan d’une autre région du continent, l’Afrique de l’Ouest anglophone, a été présenté par le Père Isidore Bonabom du Ghana. Introduisant son exposé, le Père jésuite, travaillant actuellement au Nigeria comme assistant du Père Provincial de l’Afrique du Nord-Ouest, a déclaré : « Comme je le démontrerai dans cette présentation, les parcours du Ghana, du Nigéria, du Libéria, de la Sierra Leone et de la Gambie dans les 50 dernières années représentent un mélange de progrès et de déclin, de paix et des guerres civiles, des régimes démocratiquement élus et des régimes militaires, de bons et de mauvais dirigeants politiques ; et de la générosité et de la cupidité» de certains. C’est pourquoi l’intervenant a souligné que son discours ne vise pas à démontrer que tout est sombre en Afrique de l’Ouest anglophone. Dans cette situation où le progrès côtoie le chaos ou le déclin, le Père Isidore Bonabom pense qu’ « il y a la vie, des grains d’espoir et de changement. »
Dans les discours des Jésuites qui ont présenté le bilan de l’Afrique de l’Est, de la République Démocratique du Congo, de l’Afrique Australe, on a noté le mélange des éléments positifs et négatifs. Tout n’est pas sombre dans ces régions d’Afrique, peut-on constater. Mais, pleins d’espérance, les intervenants ont invité les Jésuites et leurs collaborateurs présents à ce séminaire à relever les défis de la pauvreté, de l’insécurité alimentaire et de la bonne gouvernance.

P. Gustave LOBUNDA, SJ, Directeur de l’Agence DIA et de la revue Renaître (RDCongo)








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