Le fossé s’élargit entre la Maison blanche et l’épiscopat catholique
A six mois de la présidentielle de novembre, Barack Obama s’est prononcé en faveur
du mariage homosexuel. Pour la première fois, un président américain a déclaré « à
titre personnel » que les couples de même sexe devraient pouvoir se marier. L’influent
cardinal Timothy Dolan, président de la Conférence des évêques catholiques des Etats-Unis,
a immédiatement réagi pour réaffirmer que le mariage ne pouvait être que l’union entre
un homme et une femme. « Nous ne pouvons pas nous taire – a-t-il dit – face à des
déclarations ou des actions susceptibles de miner l’institution familiale, pierre
angulaire de la société ». La réplique est cinglante et sans équivoque : l’archevêque
de New York juge les propos du président attristants mais pas surprenants car ils
suivent une série de décisions prises par son administration qui érodent ou ignorent
le caractère particulier du mariage.
Aux Etats-Unis, la plupart des Eglises
chrétiennes ont pris officiellement position contre le mariage homosexuel. Mais les
fidèles sont divisés sur la question. Cette déclaration du président Obama va
encore accentuer les divergences entre son administration et un épiscopat catholique
qui a choisi de se montrer particulièrement combatif sur certains dossiers. Après
la réforme de la santé et l’objection de conscience, l’avortement et la contraception,
c’est un nouveau front qui s’ouvre, en pleine campagne électorale, jusqu’ici dominée
par l’économie. Selon le magazine américain Time, le cardinal Dolan est « l’homme
le plus susceptible de barrer la route de Barack Obama vers sa réélection ». Il pourrait
détourner suffisamment d’électeurs pour faire pencher une élection serrée.
Le
président des Etats-Unis risque de perdre aussi le soutien de l’électorat hispanique
et noir qui avait largement contribué à sa victoire en 2008, et agacer une partie
de la population dans un pays où cette question relève des Etats fédérés. Actuellement,
31 Etats se sont déclarés contraires au mariage homosexuel contre sept l’ayant reconnu.
La Caroline du Nord a rejeté, mardi, à 61%, le mariage homosexuel lors d'un référendum.
Des référendums similaires risquent de se multiplier dans le pays. En 2004, des référendums
locaux sur des questions de société dans différents Etats, organisés en même temps
que la présidentielle, avaient fait basculer les voix en faveur des républicains.
Alors
que dans le camp catholique, certains parlent d’attaque ciblée du président américain
contre les valeurs chrétiennes, le politologue Dennis Goldford, de l'université Drake,
interrogé par l’AFP, voit cette intervention comme un "calcul stratégique et électoral".
A défaut de convaincre sur sa politique économique, son ralliement à une cause de
plus en plus acceptée par la société, pourrait permettre au président Obama de redynamiser
sa base, notamment les jeunes. L'annonce du président a aussi rassuré dans les rangs
gays et lesbiens - dont les plus riches individus sont des contributeurs importants
à la campagne. (Romilda Ferrauto)