Les États doivent veiller à ne pas accroître les inégalités
Benoît XVI a reçu un groupe de nouveaux ambassadeurs non-résidents venus lui présenter
leurs lettres de créances. Parmi eux, l’ambassadeur d’Irlande. Il y a quelques mois,
ce pays, autrefois très catholique, a décider de fermer son ambassade auprès du Saint-Siège,
officiellement pour des raisons économiques.
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Ci-dessous
le discours que le Pape a adressé aux cinq nouveaux ambassadeurs d’Arménie, Ethiopie,
Fidji, Irlande et Malaisie. Madame et Messieurs les Ambassadeurs, C’est
avec joie que je vous reçois ce matin pour la présentation des Lettres qui vous accréditent
comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de vos pays respectifs auprès
du Saint-Siège : la République fédérale démocratique d’Éthiopie, la Malaisie, l’Irlande,
la République de Fidji et l’Arménie. Vous venez de m’adresser des paroles aimables
de la part de vos Chefs d’État et je vous en remercie. Je vous saurais gré de leur
transmettre en retour mes salutations déférentes et mes vœux respectueux pour leurs
personnes et pour la haute mission qu’ils accomplissent au service de leur pays et
de leur peuple. Je désire également saluer par votre intermédiaire toutes les Autorités
civiles et religieuses de vos Nations ainsi que l’ensemble de vos compatriotes. Mes
pensées se tournent aussi naturellement vers les communautés catholiques présentes
dans vos pays, pour les assurer de ma prière. Le développement des moyens de communication
a rendu notre planète, d’une certaine manière, plus petite. La capacité de connaître
presqu’immédiatement les événements qui se déroulent dans le monde entier, comme les
besoins des peuples et des personnes, est un appel pressant à leur être proches dans
leurs joies comme dans leurs difficultés. Le constat de la grande souffrance provoquée
dans le monde par la pauvreté et la misère aussi bien matérielles que spirituelles
invite à une nouvelle mobilisation pour faire face, dans la justice et la solidarité,
à tout ce qui menace l’homme, la société et son environnement. L’exode vers
les villes, les conflits armés, les famines et les pandémies, qui touchent tant de
populations, développent de façon dramatique la pauvreté qui revêt aujourd’hui de
nouvelles formes. La crise économique mondiale conduit des familles de plus en plus
nombreuses à une précarité croissante. Alors que la création et la multiplication
des besoins a fait croire à la possibilité illimitée de jouissance et de consommation,
faute des moyens nécessaires à leur satisfaction, des sentiments de frustration sont
apparus. La solitude due à l’exclusion a augmenté. Et quand la misère coexiste avec
la très grande richesse, naît une impression d’injustice qui peut devenir source de
révoltes. Il convient donc que les États veillent à ce que les lois sociales n’accroissent
pas les inégalités et permettent à chacun de vivre de façon décente. Pour cela,
considérer les personnes à aider avant le manque à combler, c’est leur rendre un rôle
d’acteur social, et leur permettre de prendre en main leur avenir, pour occuper à
leur mesure une place dans la société. Car, « l’homme vaut plus par ce qu’il est que
par ce qu’il a » (Conc. Vat. II, Gaudium et spes, 35). Le développement auquel toute
nation aspire doit concerner chaque personne dans son intégralité, et non la seule
croissance économique. Cette conviction doit devenir une volonté efficace d’action.
Des expériences telles que le microcrédit, et des initiatives pour créer des partenariats
équitables, montrent qu’il est possible d’harmoniser des objectifs économiques avec
le lien social, la gestion démocratique et le respect de la nature. Il est bon aussi,
par exemple, et en leur redonnant des lettres de noblesse, de promouvoir le travail
manuel et de favoriser une agriculture qui soit tout d’abord au service des habitants.
Là peut se trouver une aide véritable qui, mise en œuvre au plan local, national et
international, prend en compte l’unicité, la valeur et le bien intégral de chaque
personne. La qualité des relations humaines et le partage des ressources sont à la
base de la société, en permettant à chacun d’y avoir sa place et d’y vivre dignement
conformément à ses aspirations. Pour renforcer l’assise humaine de la réalité
socio-poli-tique, il faut être attentif à une autre sorte de misère : celle de la
perte de référence à des valeurs spirituelles, à Dieu. Ce vide rend plus difficile
le discernement du bien et du mal ainsi que le dépassement des intérêts personnels
en vue du bien commun. Il rend aisé l’adhésion à des courants d’idées à la mode, en
évitant l’effort nécessaire de réflexion et de critique. Et bien des jeunes en quête
d’idéal, se tournent vers des paradis artificiels qui les détruisent. Addictions,
consumérisme et matérialisme, bien-être ne comblent pas le cœur de l’homme fait pour
l’infini. Car la plus grande pauvreté est le manque d’amour. Dans la détresse, la
compassion et l’écoute désintéressée sont un réconfort. Même dépourvu de grandes ressources
matérielles, il est possible d’être heureux. Vivre simplement en harmonie avec ce
à quoi l’on croit, doit demeurer possible, et le devenir toujours plus. J’encourage
tous les efforts entrepris, particulièrement auprès des familles. Par ailleurs, l’éducation
doit éveiller à la dimension spirituelle car « l’être humain se développe quand il
grandit dans l’esprit » (Caritas in veritate, 76). Une telle éducation permet de tisser
et de fortifier des liens plus authentiques car elle ouvre vers une société plus fraternelle
qu’elle contribue à construire. Les États ont le devoir de valoriser leur patrimoine
culturel et religieux qui contribue au rayonnement d’une nation, et d’en faciliter
l’accès à tous, car en se familiarisant avec l’histoire, chacun est amené à découvrir
les racines de sa propre existence. La religion permet de reconnaître en l’autre un
frère en humanité. Laisser à quiconque la possibilité de connaître Dieu, et cela en
pleine liberté, c’est l’aider à se forger une personnalité forte intérieurement qui
le rendra capable de témoigner du bien et de l’accomplir quand bien même cela lui
coûterait. « L’ouverture à Dieu entraine l’ouverture aux frères et à une vie comprise
comme une mission solidaire et joyeuse » (Caritas in veritate, 78). Ainsi pourra s’édifier
une société où la sobriété et la fraternité vécues feront reculer la misère, et prendront
le pas sur l’indifférence et l’égoïsme, sur le profit et sur le gaspillage, et surtout
sur l’exclusion. Alors que vous débutez votre mission auprès du Saint-Siège,
je tiens à vous assurer, Excellences, que vous trouverez toujours auprès de mes collaborateurs
une attention courtoise et l’aide dont vous pourrez avoir besoin. Sur vous-mêmes,
sur vos familles, sur les membres de vos Missions diplomatiques et sur toutes les
nations que vous représentez, j’invoque l’abondance des Bénédictions divines.