Il y a 20 ans, le siège de Sarajevo : la réflexion du cardinal Vinko Puljic
À l'occasion des vingt ans du siège de Sarajevo, le cardinal Vinko Puljic, archevêque
de Vrhbosna-Sarajevo a publié un texte dans lequel il revient sur la souffrance et
la division des populations, et invite à participer à la grande rencontre mondiale
pour la paix qui se tiendra à Sarajevo, en septembre prochain.
"Ce 5 avril
2012, écrit-il, Jeudi de la Passion de notre Semaine Sainte, marquera le 20 ème anniversaire
de la guerre tragique en Bosnie Herzégovine et du siège dramatique de la ville de
Sarajevo. Il s'agissait du plus long siège du 20è siècle, d'avril 1992 à février 1996.
Quatre ans, jour après jour, de violences, de souffrance, de bombardements. C'est,
explique le cardinal Puljic, un bruit tout particulier auquel mes oreilles s'étaient
habituées, à tel point que je suis contraint aujourd'hui de porter un appareil acoustique.
Il
n'est pas facile, après vingt ans - une période encore trop brève - de raconter ce
qui s'est passé à Sarajevo, ville d'ancienne convivialité entre chrétiens, juifs et
musulmans. Mais ville aussi de conflit et de souffrance. Sarajevo renferme d'une certaine
manière le début et la fin de chaque guerre du 20è siècle. À Sarajevo, en effet, commença
le conflit de la première guerre mondiale et de la deuxième guerre mondiale. Sarajevo
est une ville de la souffrance et de l'espérance. Jean Paul II, lors de sa visite
historique en 1997, appela la ville la « Jérusalem de l'Europe ».
Mais
que s'est-il passé à Sarajevo ? Une guerre violente et sans nom - comme toutes les
guerres d'ailleurs - qui a amené beaucoup de personnes à croire que catholiques,
orthodoxes, musulmans et juifs ne pouvaient plus vivre ensemble. Une opposition entre
Croates, Serbes, Bosniaques. Une réalité de peuples divers qui avaient vécu ensemble
pendant des siècles, commençaient tout d'un coup à se diviser et à s'opposer.
En
tant qu'évêque de la ville, j'ai voulu rester. J'ai été le pasteur de tous les habitants
de Sarajevo, je n'ai pas fui. Je suis resté pendant les trois années du siège, partageant,
jour après jour, leur douleur et leur faible espérance dans l'avenir. Mais, y avait-il
encore un avenir ? Quel avenir avec plus de 11 000 personnes tuées par les bombes
lancées du matin au soir, au hasard, depuis les canons installés sur les monts qui
entouraient la ville ?
2 000 enfants morts, juifs, chrétiens et musulmans,
leur noms sont inscrits sur un monument de cinq colonnes sur une place centrale de
la ville. Les enfants de Sarajevo. Et tant d'autres encore qui sont frappés de formes
tumorales dûes à l'uranium appauvri, utilisé dans les bombardements. Et pourtant,
relève le cardinal Puljic, il doit y avoir un futur pour tous. Nous sommes chrétiens,
nous aimons la vie, nous croyons qu'un futur peut exister pour tous, que la guerre
n'aura jamais le dernier mot.
L'archevêque de Sarajevo évoque alors ses souvenirs
personnels pendant ces quatre années interminables. J'ai voulu, dit-il, être l'évêque
de tous, des catholiques, des orthodoxes, des juifs, des musulmans, et des non-croyants.
J'ai compris que dans la violence de la guerre, il était mieux et urgent qu'un évêque
est toujours appelé à être l'évêque de tous.
Je voudrais parler aussi de l'importance
de l'amitié et du contact avec les autres quand on est entouré par le mal, menacé,
assiégé comme à Sarjevo. Je pense à l'amitié et à la profonde communion avec Jean-Paul
II et à notre rencontre de prière pour les Balkans, à Assise, en 1993. C'était pendant
le siège de Sarajevo.
20 ans après la tragédie, le cardinal Vuljic annonce
l'initiative prise à cette occasion : Je voudrais avec joie que nous préparions une
grande rencontre mondiale pour la paix à Sarajevo avec la Communauté sant'Egidio.
Elle aura lieu du 9 au 11 septembre prochain et rassemblera les représentants des
Églises chrétiennes et des grandes religions, pour réaffirmer ensemble notre NONà la guerre, à la violence, à la division. Pour dire que l'avenir existe pour
tous et qu'il ne peut exister que dans le vivre ensemble. Il n'y a pas d'avenir sans
convivialité pour Sarajevo, pour la Bosnie Herzégovine, pour l'Europe, pour le monde
entier.
J'espère qu'un grand message de paix puisse monter de Sarajevo et atteindre
chaque terre, chaque peuple, le monde entier, conclut le cardinal Puljic. Que Sarajevo,
ville de division, de guerre, de souffrance, puisse devenir ville du rêve de la paix
pour l'Europe et pour le monde entier. Paix, convivialité et égalité. Je vous invite
tous à Sarajevo en septembre prochain."