Gros plan : L'élimination prénatale des filles, un fléau qui gagne du terrain
Infanticides et élimination prénatale des filles ont fait de l’Asie le continent le
plus masculin au monde, avec 100 millions de femmes de moins que d’hommes. Le phénomène
de la sélection prénatale au détriment des petites filles est devenu, somme toute,
monnaie courante au sein des sociétés indienne, chinoise ou taïwanaise, encore viscéralement
patriarcales. La naissance d’un garçon y est privilégiée et fêtée, car c’est le fils
qui devient le garant de la perpétuation du nom et du patrimoine familial. C’est aussi
le fils qui devra plus tard prendre soin de ses parents. La naissance d’une fille,
inversement, est considérée comme « moins réussie », car promesse de dépenses, notamment
en Inde, où la tradition de la dot, parfois très coûteuse, incite les classes moyennes
émergentes des milieux urbains à recourir à l’élimination prénatale des fœtus féminins. La
légalisation de l’avortement et l’arrivée de l’échographie dans les années 1980 ont
concouru au plein essor de cette pratique de sélection. Au point que l’on constate
aujourd’hui son intensification en Inde et en Chine, voire son extension dans les
pays limitrophes, Népal, Vietnam, jusqu’à atteindre, depuis peu, les pays du Caucase
et des Balkans : en Géorgie, Azerbaïdjan, Arménie, Albanie, Kosovo, ou Macédoine. Le
déséquilibre des ratios s’avère de plus en plus patent en Inde ou en Chine, où on
commence à compter par millions les hommes célibataires. Les trafics ne cessent de
se développer, et rendent compte, s’il en est, d’une véritable marchandisation des
femmes, au profit de ces mêmes célibataires ou des réseaux de prostitution. Pour
nous en parler, Bénédicte Manier, journaliste et auteure d’un ouvrage paru aux éditions
La Découverte, « Quand les femmes auront disparu. L’élimination des filles en Asie
et en Inde » (2008).C'est un gros plan signé Manuella Affejee