Éditorial du programme arabe de Radio Vatican L’Islam en Afrique du Nord Le
regard de l’Occident se tourne avec grande appréhension vers l’Afrique du Nord à la
lumière des changements dans les pays atteints par ce que l’on appelle le « Printemps
arabe ». Ce phénomène a mené à leur chute des régimes totalitaires qui semblaient
pourtant intouchables ! Il s’agit de mouvements très complexes, qui impliquent non
seulement les sociétés en question, mais également ce qui touche au cadre bien plus
large des luttes d’intérêts internationaux. Les populations locales parviennent-elles
à « contrôler la situation » et à orienter les changements vers leur propre bien-être
? La situation est très complexe. Ces démocraties très jeunes ont porté au pouvoir
des partis de mouvance islamiste, d’où la nouvelle réalité qui suscite la crainte
spécialement parmi les jeunes, ainsi que dans la partie chrétienne des sociétés locales.
Il suffit de regarder les résultats des dernières élections en Tunisie, en Egypte
et au Maroc (ce dernier non secoué par le Printemps arabe mais avançant sérieusement
sur les voies de la réforme par la volonté du Roi Mohammed VI). Ces scénarios nous
portent à jeter un regard sur l’Islam et sur son expansion dans l’Afrique du Nord,
en se souvenant que la présence chrétienne dans cette région remonte à plus de six
siècles avant la naissance de l’Islam, et que les communautés chrétiennes (catholiques,
orthodoxes et protestantes) constituent une partie intégrante du tissu social local,
une partie significative de la richesse culturelle des Pays et des Régions, et ne
peuvent être considérées comme un corps « étranger », ou une « présence » affiliée
à « quelque chose » de l’Occident, comme ont tendance à les voir ainsi tant de mouvements
islamiques intégristes, pour des raisons liées à l’ignorance ou aux intérêts politiques
! L’Afrique du Nord est une terre d’évangélisation très ancienne. En particulier,
ce qui est l’Algérie moderne a produit des figures de premier plan dans l’histoire
du christianisme comme Tertullien, Cyprien, Saint Augustin, Fulgence et Facundus.
Cette présence depuis les origines disparaît en 1152 avec la pleine domination musulmane
commencée en 709. Le Maghreb devint majoritairement islamique, alors que dans d’autres
parties de l’Afrique, il y a eu une cohabitation, pas toujours pacifique, avec les
systèmes de culte locaux. L’Islam occupe une place prééminente dans le continent
africain, également au sud du Sahara, par sa capacité à créer un climat religieux
qui favorise la conversion. En outre, cette religion n’est pas seulement un phénomène
religieux mais culturel, car elle ouvre les portes aux richesses de la culture arabo-musulmane.
De plus, à une époque où les liens entre les individus et les grandes familles deviennent
de plus en plus distendus, l’Islam remplit une fonction sociale non des moindres,
où le musulman trouve facilement soutien et assistance de la part de ses coreligionnaires
puisque dans cette religion la distinction des classes sociales est pratiquement absente. L’Islam
a développé un profil original et « personnalisé » inséré dans des composantes locales
diverses : L’aire égyptienne, où s’est développé depuis le temps une culture arabo-islamique,
modèle pour beaucoup de pays, bien que la présence chrétienne perdure sous la forme
copte. L’aire maghrébine, où la synthèse laborieuse arabo-berbère ainsi que la rencontre-affrontement
coloniale décisive avec les français ont jeté les bases d’un Islam arabe occidentalisé
ouvert et conservateur en même temps, avec une tendance à l’intransigeance et l’existence
durable d’une solidarité religieuse sous la forme classique de la confraternité ou
celle, moderne, des associations. L’aire nilotique, où la recherche d’une fusion entre
culture arabe et culture africaine continue à produire des soubresauts religieux et
politiques. Au Maroc. La majorité des marocains se revendiquent de l’Islam. Outre
les musulmans du Maroc, il y a environ 60 mille catholiques, français pour la plupart,
et 15 mille juifs. Quoique le roi soit considéré un descendant du Prophète et « Commandeur
des croyants », la législation est remarquablement laïque, en particulier avec un
code de droit familial (Mudawana), réformé en 2004, qui accorde beaucoup plus de protection
aux femmes que ne fait la législation islamique d’autres Etats à majorité musulmane.
De même, la consommation des alcools, bien qu’elle soit interdite dans la loi coranique,
ne fait pas l’objet d’une sanction dans la loi marocaine. En outre, le calendrier
occidental a cours dans les villes les plus importantes et/ou touristiques, et c’est
le dimanche, et non le vendredi, qui est le jour du repos. En Algérie. Autour de
99% de la population sont de foi islamique. Le reste se partage entre catholiques
et juifs. L’Eglise catholique est présente sur le territoire avec un archidiocèse
et trois diocèses. Les catholiques sont environ 5.000. En Tunisie. Environ 98%
de la population sont de religion musulmane. Outre la minorité des croyants juifs
(1%), il y a une petite composante de croyants de foi chrétienne (1%), la plupart
étant descendants des colons français et italiens. En Libye. L’Islam est religion
d’Etat depuis 1970. Les musulmans (majoritairement sunnites) sont autour de 97%, les
chrétiens environ 3%, dont environ 40 mille catholiques. La majorité de la population
arabe et arabo-berbère est sunnite. En Egypte, la majorité de la population est
musulmane, avec un pourcentage allant de 90% à 80%, selon les sources ; le reste (10-20%)
est en grande partie chrétienne, avec la plupart de l’Eglise copte ; il y a de très
petites minorités de juifs (reste d’une communauté florissante jusqu’au milieu du
20ème siècle), de bahá’ís, et d’athées ou agnostiques. En Egypte, il y
a également une communauté catholique appartenant principalement à l’Eglise catholique
copte qui s’est séparée de l’Eglise copte orthodoxe et est en communion avec l’Eglise
de Rome. La formation de communautés catholiques coptes en Egypte vient de la prédication
des franciscains d’abord, puis des capucins qui fondèrent une mission au Carie en
1630, suivis des jésuites en 1675. En 1824, le Saint-Siège créa un patriarcat pour
les catholiques coptes, mais seulement sur papier. Les autorités ottomanes en Egypte
permirent aux catholiques coptes de construire leurs propres églises à partir de 1829.
La population musulmane en Egypte est en grande partie sunnite, avec une minorité
chiite. Selon la Constitution, un ministre d’Etat contrôle les mosquées, la formation
des imams (selon l’école sunnite hanafite) et l’Université Al-Azhar, la plus prestigieuse
de l’Islam sunnite ; en revanche, aucune nouvelle législation civile ne peut s’opposer
aux lois de l’Islam. L’Afrique peut devenir un exemple pour le reste du monde en
ce qui concerne la convivialité pacifique et le dialogue entre les religions, surtout
avec l’Islam. L’expérience du dialogue entre les religions se vit quotidiennement
en Afrique, dans tous les secteurs et à tous niveaux. La religion en Afrique, « n’est
pas quelque chose séparé des autres activités de l’existence. C’est le mode de vie
», a déclaré Mgr. Isizoh, membre du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux.
Le dialogue a ses bases dans la vie et la coopération, « où chaque personne exprime
les idéaux de sa religion : être bons voisins, honnêtes, montrer de la sollicitude
pour celui en difficulté, mettre l’argent et les aptitudes à la disposition du bien
commun du village, participer au processus décisionnel pour le progrès de la société,
chercher à lutter contre la criminalité ». Dans l’Exhortation apostolique post-synodal
« Africae Munus », le Pape Benoît XVI insiste sur le dialogue interreligieux dans
le continent et écrit : « J’exhorte l’Église, dans toute situation, à persévérer dans
l’estime des « musulmans, qui adorent le Dieu Un, vivant et subsistant, miséricordieux
et tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes ». Si nous
tous, croyants en Dieu, désirons servir la réconciliation, la justice et la paix,
nous devons œuvrer ensemble pour bannir toutes les formes de discrimination, d’intolérance
et de fondamentalisme confessionnel. Dans son œuvre sociale, l’Église ne fait pas
de distinction religieuse. Elle aide qui est dans le besoin, qu’il soit chrétien,
musulman ou animiste. Elle témoigne ainsi de l’amour de Dieu, créateur de tous et
encourage les adeptes d’autres religions à une attitude respectueuse et à une réciprocité
dans l’estime. J’invite toute l’Église à chercher, par un patient dialogue avec les
musulmans, la reconnaissance juridique et pratique de la liberté religieuse, de telle
sorte qu’en Afrique chaque citoyen jouisse, non seulement du droit au choix libre
de sa religion et à l’exercice du culte, mais aussi du droit à la liberté de conscience.
La liberté religieuse est la voie de la paix. » La position de l’Eglise catholique
est claire. Mais c’est le défi à toutes les composantes des sociétés d’élaborer un
modèle de société civil enraciné dans les richesses de culture et de la tradition
religieuse, qui exprime la dignité de chaque personne, qui fait partie de la société
civile plus large et des structures des Etats de la Région. La rédaction arabe
de Radio Vatican.