Eduquer les jeunes pour construire la justice et la paix contre l'intolérance
Ce dimanche 1er janvier 2012, Benoît XVI a présidé la messe à partir de 9h30 en basilique
Saint-Pierre à l’occasion de la solennité de Marie « très Sainte mère de Dieu » et
de la 45ème Journée mondiale pour la paix. Cette année, le message du Pape, rendu
public le 16 décembre dernier, est une invitation à l’éducation des jeunes à la justice
et à la paix. Pour cette concélébration, Benoît XVI avait à ses côtés six hauts
responsables de la Curie romaine dont le président du Conseil pontifical Justice et
paix et le secrétaire du Saint-Siège pour les Rapports avec les Etats.
Texte
intégral de l'homélie de Benoît XVI lors de la messe célébrée ce dimanche 1er janvier
Chers
frères et sœurs,
En ce premier jour de l’année, la liturgie fait résonner
dans toute l’Église disséminée dans le monde l’antique bénédiction sacerdotale, que
nous avons écoutée dans la première Lecture : « Que le Seigneur te bénisse et te garde
! Que le Seigneur fasse briller sur toi son visage, qu’il se penche vers toi ! Que
le Seigneur tourne vers toi son visage, qu’il t’apporte la paix ! » (Nb 6,
24-26). Cette bénédiction fut confiée par Dieu, à travers Moïse, à Aaron et à ses
fils, c’est-à-dire aux prêtres du peuple d’Israël. C’est un triple vœu plein de lumière,
qui provient de la répétition du nom de Dieu, le Seigneur, et de l’image de son visage.
En effet, pour être bénis, il faut demeurer en présence de Dieu, recevoir sur soi
son Nom et rester dans le cône de lumière qui part de son visage, dans l’espace illuminé
par son regard, qui répand grâce et paix.
C’est aussi l’expérience qu’ont
fait les bergers de Bethléem, qui apparaissent encore dans l’Évangile d’aujourd’hui.
Ils ont fait l’expérience de demeurer en présence de Dieu, de sa bénédiction, non
pas dans la salle d’un palais majestueux, devant un grand souverain, mais dans une
étable, devant un « nouveau-né couché dans une mangeoire » (Lc 2, 16). C’est
justement de cet enfant que rayonne une lumière nouvelle, qui resplendit dans l’obscurité
de la nuit, comme nous pouvons le voir sur de nombreux tableaux qui représentent la
Nativité du Christ. C’est de lui, désormais, que vient la bénédiction : de son nom
– Jésus, qui signifie « Dieu sauve » – et de son visage humain, en qui Dieu, le tout-puissant
Seigneur du ciel et de la terre, a voulu s’incarner, cacher sa gloire sous le voile
de notre chair, pour nous révéler pleinement sa bonté (cf. Tt 3, 4).
La
première à être comblée de cette bénédiction a été Marie, la vierge, épouse de Joseph,
que Dieu a choisie dès le premier instant de son existence pour être la mère de son
Fils fait homme. Elle est « bénie entre toutes les femmes » (Lc 1, 42) – comme
la salue sainte Élisabeth. Toute sa vie est dans la lumière du Seigneur, dans le rayon
d’action du nom et du visage de Dieu incarné en Jésus, le « fruit béni de son sein
». C’est ainsi que nous la présente l’Évangile de Luc : retenant tous ces événements
et méditant dans son cœur tout ce qui concernait son fils Jésus (cf. Lc 2,
19. 51). Le mystère de sa maternité divine, que nous célébrons aujourd’hui, renferme
dans une mesure surabondante ce don de grâce que toute maternité humaine comporte,
si bien que la fécondité du sein a toujours été associée à la bénédiction de Dieu.
La Mère de Dieu est la première qui est bénie et elle est celle qui porte la bénédiction
; c’est la femme qui a accueilli Jésus en elle et qui lui a donné le jour pour toute
la famille humaine. Comme prie la liturgie : « Gardant pour toujours la gloire de
sa virginité, elle a donné au monde la lumière éternelle, Jésus Christ notre Seigneur
» Préface de la B. V. Marie 1).
Marie est mère et modèle de l’Église
qui accueille dans la foi la Parole divine et s’offre à Dieu comme « bonne terre »
en qui Il peut continuer à accomplir son mystère de salut. L’Église aussi participe
au mystère de la maternité divine, à travers la prédication, qui répand dans le monde
la semence de l’Évangile, et qui, à travers les sacrements, communiquent aux hommes
la grâce et la vie divine. En particulier, dans le sacrement du Baptême, l’Église
vit cette maternité, quand elle engendre les fils de Dieu de l’eau et de l’Esprit
Saint, qui en chacun d’eux crie : « Abbà ! Père ! » (Ga 4, 6). Comme Marie,
l’Église est médiatrice de la bénédiction de Dieu pour le monde : elle la reçoit en
accueillant Jésus et la transmet en portant Jésus. Il est lui la miséricorde et la
paix que le monde ne peut se donner de lui-même et dont il a besoin toujours, comme
et plus que du pain.
Chers amis, la paix, dans son sens le plus plein et le
plus élevé, est la somme et la synthèse de toutes les bénédictions. C’est pourquoi,
quand deux personnes amies se rencontrent, elles se saluent en se souhaitant mutuellement
la paix. L’Église aussi, le premier jour de l’année, invoque de manière spéciale ce
plus grand bien, et elle le fait, comme la Vierge Marie, en montrant à tous Jésus,
car, comme l’affirme l’apôtre Paul, « il est notre paix » (Ep 2, 14) et, en
même temps, il est le « chemin » par lequel les hommes et les peuples peuvent atteindre
ce but, auquel tous aspirent. Avec, dans le cœur, ce désir profond, je suis donc heureux
de vous accueillir et de vous saluer vous tous, qui au cours de cette 45ème
Journée Mondiale de la Paix, êtes réunis dans la Basilique Saint Pierre : Messieurs
les Cardinaux ; les Ambassadeurs de nombreux pays amis, qui, plus que jamais, en cette
heureuse circonstance, partagent avec moi et avec le Saint-Siège la volonté de renouveler
leur engagement pour la promotion de la paix dans le monde ; le Président du Conseil
pontifical ‘Justice et Paix’, qui, avec le Secrétaire et les collaborateurs, travaille
de façon spéciale dans ce but ; les autres Prélats et Autorités présents ; les représentants
d’Associations et Mouvements ecclésiaux et vous tous, frères et sœurs, en particulier
ceux d’entre vous qui travaillent dans le domaine de l’éducation des jeunes. En effet
– comme vous le savez – la perspective éducative est celle que j’ai indiquée dans
mon Message cette année.
« Éduquer les jeunes à la justice et à la paix »
est une tâche qui concerne toutes les générations, et, grâce à Dieu, la famille humaine,
après les drames des deux grandes guerres mondiales, a montré qu’elle en était toujours
plus consciente, comme l’attestent, d’une part, des déclarations et initiatives internationales
et, de l’autre, l’affirmation parmi les jeunes eux-mêmes, ces dernières décennies,
de nombreuses et différentes formes d’engagement social dans ce domaine. Pour la communauté
ecclésiale, éduquer à la paix rentre dans la mission reçue du Christ, fait partie
intégrante de l’évangélisation, car l’Évangile du Christ est aussi l’Évangile de la
justice et de la paix. Toutefois, ces derniers temps, l’Église s’est fait l’interprète
d’une exigence qui engage toutes les consciences plus sensibles et responsables vis-à-vis
des destinées de l’humanité : l’exigence de relever un défi décisif qui est justement
le défi éducatif. Pourquoi un « défi » ? Pour deux raisons au moins : en premier
lieu, parce que dans l’ère actuelle, fortement marquée par la mentalité technologique,
vouloir éduquer et non seulement instruire ne va pas de soi, mais est
un choix ; en deuxième lieu, parce que la culture relativiste pose une question radicale
: est-ce qu’éduquer a encore un sens ?, et ensuite éduquer à quoi ? Naturellement
nous ne pouvons pas affronter maintenant ces questions de fond, auxquelles j’ai cherché
à répondre à d’autres occasions. Je voudrais par contre souligner que, face aux ombres
qui obscurcissent aujourd’hui l’horizon du monde, assumer la responsabilité d’éduquer
les jeunes à la connaissance de la vérité, aux valeurs et aux vertus fondamentales,
signifie considérer l’avenir avec espérance. Dans cet engagement pour une éducation
intégrale, entre aussi la formation à la justice et à la paix. Les jeunes, garçons
et filles, d’aujourd’hui grandissent dans un monde qui est devenu, pour ainsi dire,
plus petit, où les contacts entre les différentes cultures et traditions, même s’ils
ne sont pas toujours directs, sont constants. Pour eux, aujourd’hui plus que jamais,
il est indispensable d’apprendre la valeur et la méthode de la coexistence pacifique,
du respect réciproque, du dialogue et de la compréhension. De par leur nature, les
jeunes sont ouverts à ces attitudes, mais justement la réalité sociale dans laquelle
ils grandissent peut les amener à penser et à agir à l’inverse, de manière même intolérante
et violente. Seule une solide éducation de leur conscience peut les mettre à l’abri
de ces risques et les rendre capables de lutter sans cesse, en comptant seulement
sur la force de la vérité et du bien. Cette éducation part de la famille et se développe
à l’école et durant les autres expériences de formation. Il s’agit essentiellement
d’aider les tout-petits, les enfants, les adolescents, à développer une personnalité
qui unisse un profond sens de la justice au respect de l’autre, à la capacité d’affronter
les conflits sans autoritarisme, à la force intérieure de témoigner le bien même lorsque
cela coûte sacrifice, au pardon et à la réconciliation. Ils pourront ainsi devenir
des hommes et des femmes vraiment pacifiques et constructeurs de paix.
Dans
cette action éducative à l’égard des nouvelles générations, une responsabilité particulière
incombe aussi aux communautés religieuses. Tout itinéraire de formation religieuse
authentique conduit la personne, dès son plus jeune âge, à connaître Dieu, à l’aimer
et à faire sa volonté. Dieu est amour, il est juste et pacifique, et quiconque veut
l’honorer doit avant tout se comporter comme un fils qui suit l’exemple de son père.
Un psaume affirme : « Le Seigneur fait œuvre de justice, il défend le droit des opprimés.
(…) Le Seigneur est tendresse et pitié, lent à la colère et plein d’amour » (Ps
103, 6.8). En Dieu, justice et miséricorde cohabitent parfaitement, comme Jésus nous
l’a démontré par le témoignage de sa vie. En Jésus, « amour et vérité » se sont rencontrées,
« justice et paix » se sont embrassées (cf. Ps 85, 11). Ces jours-ci, l’Église
célèbre le grand mystère de l’Incarnation : la vérité de Dieu a germé de la terre
et, du ciel, s’est penchée la justice, la terre a donné son fruit (cf. Ps
85, 12.13). Dieu nous a parlé en son Fils Jésus. Écoutons ce que dit Dieu : « il annonce
la paix » (Ps 85, 9). Jésus est un chemin praticable, ouvert à tous. Il est
le chemin de la paix. Aujourd’hui la Vierge Mère nous l’indique, nous montre le chemin
: suivons-la ! Et toi, Sainte Mère de Dieu, accompagne-nous de ta protection. Amen.