Bilan de l'Assemblée plénière des évêques de France
L’Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes s’est terminée ce mercredi 9
novembre, après six jours de réflexions sur différents thèmes, comme les rassemblements
dominicaux, l’environnement et l’écologie, la nouvelle évangélisation ou encore internet.
A la fin de ce rassemblement le cardinal André Vingt-Trois, président de la Conférence
des Evêques de France, a prononcé un discours de clôture. Mgr Bernard Podvin, porte-parole
des Evêques de France, fait le bilan de cette Assemblée plénière au micro de Charles
Le Bourgeois
Par
ailleurs, les évêques ont décidé la création d'un nouveau groupe de travail intitulé
: "Ministres ordonnés et fidèles laïcs : quelle présence des catholiques dans la société
contemporaine ? " Mgr Eric de Moulins-Beaufort, évêque auxiliaire de Paris et membre
de la Commission Doctrinale de la CEF, a été élu responsable de ce groupe de travail. Constitué
d'évêques et d'experts, ce groupe de travail sera amené à animer la réflexion sur
ce sujet lors des prochaines Assemblées plénières des évêques. Il s'agira également
de faire des propositions pour dynamiser la présence de l'Eglise dans la société contemporaine.
Au
programme de cette assemblée : la nouvelle évangélisation. Mgr Pierre-Marie Carré,
archevêque de Montpellier nous en parle. Il sera rapporteur lors du prochain synode
des évêques sur la nouvelle évangélisation
Samedi 4 novembre,
l’évêque de Créteil, Mgr Michel Santier, a présenté un rapport sur le « psycho-spirituel
». Il s’explique au micro de Charles Le Bourgeois
Dimanche 5 novembre,
Mgr Jean-Christophe Lagleize, évêque de Valence et président du groupe de travail
sur les rassemblements dominicaux, a fait le point sur le travail réalisé par son
groupe
Mardi 8 novembre,
la réflexion des évêques s'est portée sur le thème de l'environnement et de l'écologie.
Mgr Marc Stenger, évêque de Troyes, présidait cette séance. Il revient sur les trois
textes qui constituent les conclusions de ce groupe de travail
Des propos
recueillis par Charles Le Bourgeois.
Discours de clôture de l'Assemblée
plénière de novembre 2011
Nous voici au terme de cette assemblée et il
est temps d'en récolter les premiers fruits. Les colloques Familles 2011 se sont conclus
par une série de propositions pastorales que nous mettrons en œuvre dans nos diocèses.
Les questions liées à la famille sont trop centrales et trop décisives pour se régler
en une seule série de travaux, même de grande qualité. Elles sont au centre de tout
notre dispositif pastoral puisqu'elles touchent tous les âges de la vie. Elles sont
aussi au centre des préoccupations de nos contemporains puisqu'elles touchent à la
fois à leur vie la plus intime et à leurs responsabilités sociales de parents et d'éducateurs.
Elles sont surtout au centre de la Révélation chrétienne pour exprimer quelque chose
de la relation d'alliance entre Dieu et l'humanité. Nous savons que les attentes à
l'égard de l'Église en ce domaine sont paradoxales et, parfois, contradictoires. Il
est d'autant plus important que notre témoignage soit clair dans sa dimension prophétique
et que notre relation pastorale soit pédagogique dans l'accueil des différentes situations
auxquelles nous sommes confrontés. Mais les bouleversements sociologiques qui marquent
notre époque nous invitent à un investissement sérieux pour exprimer les fondements
anthropologiques des orientations dont nous sommes les témoins dans une société où
la référence chrétienne risque d'être perçue comme un particularisme. Nous avons pu
mener ce travail à bon port pour les questions de bioéthique. Les questions liées
à la conjugalité sont aussi importantes et demandent aujourd'hui un fort investissement.
Le
groupe de travail sur la culture Internet a commencé à nous introduire dans une réflexion
de fond sur un phénomène qui tient une place de plus en plus importante dans notre
vie sociale. L'usage des réseaux donne à tous un sentiment de liberté par leur décentralisation
et par le pouvoir accru des individus dans une forme de communication sans régulateur
connu. Les deux conférences que nous avons entendues nous ont guidés dans un dédale
où nous sommes souvent encore des novices. Elles ont dévoilé des substrats anthropologiques
et des aperçus théologiques sur lesquels nous reviendrons au cours des prochaines
assemblées.
La nouvelle écriture des statuts nationaux de l'Enseignement Catholique
appelle une participation directe des évêques à la rédaction avant qu'ils n'approuvent
ces statuts et les confient aux acteurs des communautés éducatives. Nous avons pris
connaissance de l'état des travaux et défini les modalités de notre participation
à la phase rédactionnelle. C'est aussi une occasion pour dire notre estime et nos
encouragements à tous les membres de l'enseignement catholique. Nous mesurons chaque
jour combien son apport est important pour le service national de l'éducation et comment
il constitue un véritable lieu de croissance humaine et chrétienne pour beaucoup de
jeunes.
Nous avons consacré un temps important à une réflexion sur la vie consacrée
avec l'aide des représentants des religieux, des religieuses et des membres des instituts
séculiers. Nous avons été heureux de ce temps de partage qui nous a permis de mieux
connaître les conditions dans lesquelles ces hommes et ces femmes vivent leur consécration
à Dieu, les difficultés qu'ils rencontrent, mais aussi leur espérance. Nous voulons
saisir cette occasion pour redire à tous la reconnaissance de l'Église pour leur présence
dans nos diocèses, spécialement auprès des plus pauvres, comme notre espérance dans
la prière des moines et des moniales qui soutient la vie du corps entier de l'Église.
Nous connaissons les difficultés rencontrées en raison du faible recrutement de beaucoup
d'instituts et nous voulons poursuivre nos efforts pour appeler des jeunes à accueillir
l'appel à la vie consacrée soutenus par une plus grande visibilité des consacrés en
tous lieux.
Les travaux accomplis sur les Rassemblements dominicaux nous ont
permis de réaffirmer le sens de la célébration du dimanche par la participation effective
à la Messe. Nous savons que les membres de notre Église n'ont pas encore tous pris
également la mesure des contraintes nouvelles qui découlent de la baisse de population
dans certains secteurs ruraux et de la surcharge excessive du service dominical pour
beaucoup de prêtres. C'est pourquoi nous nous réjouissons de constater que dans de
nombreux diocèses la Messe célébrée en un lieu central (un lieu fixe, à heure fixe)
pour plusieurs communautés locales permet une meilleure qualité de célébration et
développe une expérience communautaire plus riche. Nous appelons tous ceux qui le
peuvent à proposer leur aide pour assurer les déplacements nécessaires et nous encourageons
les équipes qui préparent ces liturgies à poursuivre leurs efforts pour en améliorer
la beauté et la qualité spirituelle.
C'est dans l'offrande sacramentelle du
sacrifice du Christ que se fonde et se fortifie la vie d'une communauté chrétienne.
C'est par notre participation régulière à la Messe du dimanche que nous exprimons
notre appartenance à notre Église et que nous unissons tous les aspects de notre existence
à l'amour de Dieu. Nous y recevons sa Parole comme lumière sur notre route et nous
y accueillons le Pain de Vie offert par le Christ pour nous unir à lui. Sans cette
assemblée dominicale, l'Église dépérit et faillit à sa mission envers tous les hommes.
La fête du dimanche en un lieu central ne doit pas se traduire par un abandon des
églises de nos villages. Elle rend d'autant plus importante notre capacité à « habiter
» toutes nos églises. Nous appelons les chrétiens de chaque village qui en ont la
possibilité pratique au cours des jours ouvrables à les rendre vivantes par des réunions
de prière fréquentes à leur initiative.
En appelant à un renouveau du dimanche,
nous contribuons à libérer l'homme de l'idolâtrie de la consommation, nous l'invitons
à renforcer les liens familiaux et sociaux, nous travaillons à la défense et à la
promotion d'un rythme commun dans la société. Sur ces objectifs, nous nous retrouvons
avec beaucoup de gens qui ne partagent pas notre foi. Pour notre part, en célébrant
le Créateur, nous avons conscience de rappeler à tous le sens de la modération et
de la responsabilité vis-à-vis de la création dont nous sommes gérants et non pas
possesseurs.
L'Écologie et l'environnement est un thème sur lequel nous travaillons
depuis deux ans. Au cours de cette assemblée nous avons approfondi notre réflexion
sur la responsabilité de l'homme à l'égard du monde dont il a reçu la gérance. Contrairement
à certaines visions catastrophistes qui dépeignent l'homme comme le principal ennemi
de la nature, nous vivons dans la confiance. Nous savons que les comportements humains
peuvent compromettre ou même détruire des équilibres fragiles de l'univers. Mais nous
croyons aussi que l'humanité est dotée des moyens de surmonter de grandes difficultés.
Elle l'a montré dans le passé. Elle peut encore le faire dans l'avenir. Cela dépend
de notre capacité à maîtriser l'usage que nous faisons des biens dont nous disposons.
Cela dépend aussi de notre capacité à ouvrir notre réflexion au-delà de nos débats
hexagonaux. Ne laissons pas croire que le souci de l'environnement serait un esthétisme
de luxe pour pays développés. Faisons de notre recherche d'un développement durable
un vecteur de notre volonté de partager les biens de la terre entre tous les hommes.
La responsabilité à l'égard de l'environnement est aujourd'hui indissociable de la
crise dans sa dimension universelle.
L'accident nucléaire consécutif au raz-de-marée
japonais a donné une acuité particulière au débat sur les centrales nucléaires dans
nos pays avec des enjeux économiques et politiques dont nous avons bien conscience.
Nous souhaitons que la réflexion sur les choix à venir dépasse chez nous le niveau
de la surenchère électorale. Il n'est pas certain que les informations nécessaires
soient totalement fournies, si elles ont été sérieusement établies et vérifiées. Quelles
seraient les énergies alternatives ? Seraient-elles réellement moins polluantes ?
Pour combien de temps et à quel prix ? Qu'en est-il dans les pays émergents à très
fortes populations et dont le développement économique suppose une forte consommation
d'énergie ? Autant de questions sur lesquelles il serait intéressant d'avoir des réponses.
En tout cas, la raréfaction des sources d'énergie non-renouvelable nous acculera à
des choix de consommation. Lesquels ? Nul n'ignore que, derrière l'angoisse nucléaire,
rôde la question des armes atomiques, de leur dispersion et de leur dangerosité. Où
en sommes-nous de la régulation internationale dans ce domaine ?
Si l'écologie
est une œuvre spécifiquement humaine qui ressortit à la responsabilité singulière
de l'homme dans l'univers, elle doit être aussi une œuvre au service de l'homme. Elle
est un des éléments du développement intégral de l'homme comme le Saint-Père l'a rappelé
à plusieurs reprises. L'écologie au service de l'homme n'est pas un vague naturalisme,
c'est un engagement pour défendre la qualité de la vie des hommes. La qualité de la
vie de tous les hommes, la qualité de vie de tout l'homme dans toutes les dimensions
de son existence, non seulement physique, mais aussi psychique, morale et spirituelle.
C'est dans cette ampleur que se déploie l'implication des chrétiens dans la défense
de la vie.
Depuis plus de dix ans, les évêques de France ont invité les fidèles
à unir leurs prières et leurs efforts pour la défense de la vie humaine depuis sa
conception jusqu'à sa fin naturelle. A proximité du dernier dimanche du mois de mai,
beaucoup de communautés chrétiennes prennent des initiatives dans ce sens. L'an dernier,
le Pape Benoît XVI nous a invités à nous joindre à sa prière pour la vie naissante
la veille du premier dimanche de l'Avent. Nous avons répondu à ce appel dans nos diocèses
par des propositions diverses. Un certain nombre de chrétiens se joignent aussi à
des manifestations non-confessionnelles comme la Marche pour la Vie du mois de janvier.
Deux
spectacles, différents dans leur intention et dans leur réalisation, ont suscité un
vif émoi parmi les chrétiens. Nous comprenons le trouble de beaucoup devant des œuvres
difficiles à interpréter. Nous devons aborder ces événements, qui reviennent périodiquement,
sans nous laisser enfermer dans une forme de débat où l'Église se défendrait elle-même
comme un groupe minoritaire dans une société pluriculturelle ou même hostile. Nous
ne pouvons pas oublier qu'il y a une logique de l'Incarnation. En Jésus, Dieu s'est
livré aux mains des hommes. Notre foi au Christ nous appelle à le suivre dans la manière
dont lui-même a affronté l'adversité, la violence, la haine. Plus largement que les
deux spectacles en question, nous sommes donc invités à une réflexion sérieuse sur
notre rapport avec des créations culturelles dont les intentions ou les réalisations
offusquent notre amour du Christ.
Des œuvres évoquent explicitement le Christ,
Fils de Dieu. Souvent, il s'agit du Crucifié sur le mont Golgotha. Elles ne manquent
pas d'interroger. Pourquoi le visage du Crucifié questionne-t-il tant ? De quelle
force est-il porteur ? Quelle lumière nos contemporains y cherchent-ils avec tant
d'assiduité ? Quel sens veulent-ils donner à la violence ou à l'outrance des images
qu'ils produisent ? Aucun spectateur ne peut rester indifférent. Il est amené à se
prononcer dans sa quête du vrai, du beau, de la transcendance, et pour tout dire de
l'amour qui ne contourne pas les souffrances et les misères humaines. Ces œuvres obligent
aussi les chrétiens à s'interroger et à chercher quels appels elles expriment, quelles
recherches de Dieu s'y manifestent.
Certaines œuvres sont provocantes et leurs
provocations blessent bon nombre de spectateurs, chrétiens ou non. L'artiste doit
expliquer son intention. Ne doit-il pas aussi prêter attention à la foi des humbles,
l'écouter et se laisser toucher en voyant qu'elle se traduit le plus souvent par un
amour réel des plus souffrants parmi nous ? Dans ce dialogue entre l'art et la foi,
se situe l'énigme de la souffrance humaine. Celle-ci est vive aujourd'hui : où trouver
l'espérance ? Le Crucifié de Jérusalem a-t-il une parole à dire ? Comment sa croix
annonce-t-elle quelque chose de bon pour l'homme : le salut. Reconnaître ces questions
et entrer dans le dialogue est la première tâche des chrétiens. Que ceux-ci ne se
trompent pas de combat. C'est d'abord un combat sur eux-mêmes. Être toujours plus
fidèles à leur foi dans la société contemporaine en proie à la crise de sens que nous
connaissons tous, tel est le véritable combat que les chrétiens ont à vivre. Ils ne
le mèneront jamais mieux qu'en s'efforçant d'imiter au plus près leur Seigneur, en
vivant de son inépuisable pardon. Voilà le témoignage auquel nous, chrétiens, nous
sommes tous conviés. Car le visage du Christ, mieux que nulle part ailleurs, se laisse
voir en ses disciples, aujourd'hui comme hier.
L'indifférence, l'incompréhension,
la méconnaissance ou le rejet qui s'expriment à l'égard du Christ et de la foi nous
touchent tous dans notre amour du Seigneur et notre amour des hommes. Cette blessure
ne doit pas et ne peut pas se transformer en violence verbale, et moins encore physique.
Elle doit nourrir notre prière, prière personnelle et prière communautaire. Elle doit
motiver notre désir de faire connaître le vrai visage du Christ, tel qu'il s'est révélé
dans sa Passion et sa crucifixion. À Pierre, il a fait rengainer son glaive. Aux femmes
de Jérusalem, il a enjoint de pleurer sur elles-mêmes et leurs enfants. Devant les
puissants qui allaient le juger et devant les agressions des soldats, il s'est tu.
Sur la croix, il a prié pour ses bourreaux. Suivons donc son exemple et prions pour
ceux qui ne le reconnaissent pas ou qui le maltraitent et pour ceux qui sont blessés
dans leur amour pour lui. C'est ainsi que nous communions au Christ.
Nous allons
maintenant regagner nos diocèses et retrouver nos tâches habituelles. Que ce temps
fraternellement vécu ensemble soit une ressource pour notre mission. En terminant,
je veux remercier tous ceux qui contribuent au bon déroulement de nos assemblées.
Tout d'abord, évidemment, notre frère l'évêque de Lourdes et, avec lui, tout les personnels
des sanctuaires dont l'accueil ne se dément jamais. Je remercie les Secrétaires Généraux
et tout le personnel de la Conférence dont nous apprécions la disponibilité et la
discrétion. Et je nous remercie tous !
Cardinal André Vingt-Trois Archevêque
de Paris Président de la Conférence des évêques de France