Les chrétiens ne doivent pas recourir à la violence pour défendre leurs valeurs
En marge de leur assemblée plénière d’automne qui se tient à Lourdes du 4 au 9 novembre,
les évêques de France ont abordé les réactions suscitées par une pièce de théâtre
de Romeo Castellucci et l’attentat contre l’hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.
Sans accepter la banalisation des attaques contre la figure du Christ, ils mettent
en garde contre la "riposte agressive" utilisée par certains chrétiens lorsqu’ils
se sentent dénigrés. Les évêques de France prennent très au sérieux les attaques
dont le christianisme est victime. Déplorant les "comportements excessifs de groupes
fanatiques" lors des manifestations contre la pièce de théâtre "Sur le concept du
visage du fils de Dieu", ils refusent les dérives qui risquent de faire des amalgames
dans l’opinion publique avec d’autres ripostes violentes au nom de la religion. Ils
mentionnent notamment l’attentat contre l’hebdomadaire satirique "Charlie Hebdo".
D’un commun accord, ils ont fermement condamné, à la suite de leur président, le cardinal
Vingt-Trois, le recours à la violence pour défendre des valeurs chrétiennes. Silence
ou réponse? En présence des nombreuses attaques, les évêques reconnaissent en avoir
parfois assez. Aux attaques anticléricales répondent des attitudes de violence ou
au contraire de silence, souvent reprochées aux responsables de l’Eglise. Pour l’archevêque
de Dijon, Mgr Roland Minnerath, il est de la responsabilité de l’évêque, comme pasteur,
de prendre en compte le désarroi du peuple catholique, "choqué par la violence de
certaines agressions contre des symboles du christianisme". Il souligne que les créateurs
artistiques devraient être conscients de la responsabilité sociale qu’ils portent.
L’archevêque de Dijon confie avoir reçu tout un courrier de personnes lui reprochant
"un silence assourdissant" de l’Église. Attention, poursuit-il, à ne pas banaliser
les critiques contre la figure du Christ. "Que l’on s’attaque à l’Église, pas de problème,
c’est le risque de toute institution. Mais là, il s’agit du Christ !" Sans compter
un autre risque, sous-jacent : laisser le monopole de la défense de l’honneur du Christ
aux chrétiens les plus extrêmes, notamment aux traditionalistes. Tous les évêques
font le même constat : le cercle des catholiques exaspérés dépasse celui des groupuscules
intégristes et activistes. Pour Mgr Éric de Moulins de Beaufort, évêque auxiliaire
de Paris, ce sont même souvent des "catholiques assez simples, désemparés, car on
se moque de ce à quoi ils croient fermement". Une nouveauté qui inquiète l’archevêque
de Bordeaux, le cardinal Jean-Pierre Ricard : "Il a toujours existé un courant d’extrême
droite catholique et politique, à l’action violente. Mais aujourd’hui, leurs actions
sont légitimées et justifiées par des catholiques désarçonnés par la sécularisation,
et qui ont le sentiment d’être bafoués." Pas de "stratégie de minorité" Intervenant
à huis clos devant l’Assemblée, le cardinal Vingt-Trois a cependant mis en garde contre
le recours à une "stratégie de minorité". Une évolution du catholicisme sur le modèle
des religions minoritaires, qui ne réagirait que pour se défendre, serait contraire
à la tradition d’un christianisme qui revendique un rôle plus large dans le débat
social et politique, a-t-il dit en substance.