La Croix du Bénin sur la prochaine visite du Pape Benoît XVI
Baptiste Mamah, cadre de banque, est un chrétien catholique pratiquant. Il nous parle
dans un entretien exclusif des retombées de la prochaine visite du Pape pour chaque
pays africain. Toute l’Afrique se donne rendez-vous autour du Saint Père à Cotonou
les 18, 19 et 20 novembre 2011. C’est un motif de joie, de reconnaissance envers l’Eglise
universelle qui a choisi le Bénin pour cette rencontre importante. Mais au-delà de
la joie et de la reconnaissance, il nous faut rendre grâce à Dieu. Car c’est une véritable
action de grâce de savoir que notre pays le Bénin a pu déjà, depuis la fin des années
80, accueillir deux fois Jean-Paul II et s’apprête pour la troisième fois à accueillir
le Pape Benoît XVI. L’intérêt de la visite Le Pape Benoît XVI arrive au Bénin
à un moment où le monde entier est confronté à toutes sortes d’idéologies. Il vient
à un moment où notre voie de spiritualité est confrontée à des interrogations. Notre
foi est parfois attaquée et même mise à rude épreuve. Il vient saluer toute l’Afrique,
pour que de nouvelles directions soient trouvées pour l’épanouissement des hommes,
mais aussi pour reconnaître que Dieu est Dieu, tout simplement. Et quand on parle
de toutes ces interrogations au plan planétaire, on peut en déduire que l’Afrique
est deux fois plus secouée. Parce qu’elle occupe aujourd’hui une place qui fait d’elle
non pas un leader, mais un suiveur. L’Afrique suit, l’Afrique subit. L’Afrique essaie
souvent de s’adapter à des courants de pensée qui ne proviennent pas de ses propres
réflexions : le programme d’ajustement structurel, la vague de la démocratie qui aujourd’hui
pose problème pour les Africains. Depuis un certain temps et dans quelques pays, nous
constatons qu’au moment où on parle de démocratie, on consacre des rebelles qui viennent
au pouvoir. En même temps qu’on aspire à une unité africaine, des courants de pensée
nous disent qu’il faut plutôt que chacun pense à son seul pays. De façon concrète,
les décideurs qui doivent raisonner global sont les mêmes qui pensent local. Ceci
suscite des interrogations. Est-ce qu’à l’échelle d’une génération, une telle tension
est facilement gérable ? Je pense qu’elle ne peut se gérer qu’avec des secousses,
des crises plus ou moins prononcées. Le contexte ainsi dressé permet de comprendre
et d’apprécier le thème du second synode des évêques pour l’Afrique: « Eglise d’Afrique
au service de la réconciliation, de la justice et de la paix ». Tout simplement parce
que les différentes tensions que vit l’Afrique tournent autour du manque d’éducation,
de la santé insuffisamment mise à la disposition de tous et des crises moins visibles
mais toutes aussi profondes que morales. Une question de responsabilité Face
à tous ces tiraillements intérieurs liés à la survie immédiate des êtres humains,
les réponses provoquées ou subies par les hommes se traduisent malheureusement dans
la génération des conflits. Ce qui explique qu’aujourd’hui, l’Afrique est encore parmi
les continents où la guerre fait recette. Toutes les grandes régions de l’Afrique
sont, soit directement livrées à la guerre, soit en sortie de crise, soit exposées,
du fait de la gravité des problèmes, à des situations de guerre. Notre pays le Bénin
n’a pas échappé à cela il y a quelques mois seulement, pendant les élections. Nous
rendons grâce à Dieu que cela ne soit pas arrivé. Nous sommes interpelés pour que
nos attitudes, nos comportements, nos décisions, quelle que soit la petite parcelle
de pouvoir que nous avons, militent en faveur de la paix, de la justice et de la réconciliation.
Mais chaque citoyen, chaque chrétien doit s’interroger pour chercher à savoir ce qu’il
fait pour être un apôtre de la réconciliation, de la justice, de la paix. Il se pose
donc une question de responsabilité individuelle importante à côté de la responsabilité
collective. Un champ d’action A partir de là, on peut s’essayer à des projections
sur un certain nombre de domaines qui peuvent être des champs concrets à travers lesquels
les Africains peuvent apporter une pierre à la venue du Saint Père, grâce aux prières
que nous ferons ensemble, grâce aux réflexions que nous pouvons conduire. Après le
passage du Saint Père, nous pourrons conduire des réflexions et des actions qui, je
l’espère, pourront s’installer dans la durée. Tout simplement parce que les questions
que nous abordons aujourd’hui ne pourront pas être résolues en deux ou trois ans.
Le Pape vient pour trois jours au Bénin, trois jours essentiels, trois jours forts,
trois jours marquants et positifs pour l’Afrique ; mais j’ai l’impression qu’il vient
nous donner une impulsion. Comme pour dire : je viens pour trois jours au Bénin, au
nom de toute l’Afrique pour vous engager à travailler pour les trente années à venir
de l’Afrique. Nous allons donc accueillir les paroles fortes que le Pape ne manquera
pas de dire à notre Eglise et au-delà, à toutes les personnes de bonne volonté qui
seront prêtes à accueillir ses orientations. Mais que ferons-nous pour les trente
ans à venir, des orientations que le Pape nous aura généreusement laissées ? C’est
là le champ d’action que nous devons explorer et sur lequel nous devons travailler. Et
l’une des pistes possibles est liée à la paix. Les trois thèmes de la visite se tiennent
valablement. La paix est avant ou après une réconciliation. La réconciliation conduit
à la paix. Un état d’esprit pacifique est aussi un facteur pour une réconciliation.
Et la justice plantée entre les deux nous indique notre manière d’être. Si nous avons
chacun un souci quotidien de la justice, il sera difficile que la zizanie vienne s’installer
entre nous, que la guerre naisse. Il sera difficile que certains se sentent tellement
lésés, parce qu’ils ont été injustement traités, pour être tentés par des voies qui
ne sont pas des voies pacifiques. C’est en cela que la justice est un conducteur quotidien.
Il faut rechercher la justice à temps et à contre temps, quand on est décideur au
plan politique, au plan administratif, au plan de la gestion des affaires privées,
au plan de la société civile, au plan des familles en tant que chef, en tant que mère
de famille, en tant qu’enfant, en tant que membre d’une famille, dans la vie de nos
quartiers, dans la vie de nos communautés. Si nous avons un souci de justice, il est
difficile que des situations d’incompréhensions s’installent durablement et encore
moins la guerre. Nous pouvons alors renforcer la paix, parvenir à la réconcilistion,
là où il y a eu hier, des divergences de pensée, ou simplement même des préjugés qui
font parfois partie de tout ce qui ne rapproche pas les hommes, ne les rassemble pas
mais les divise. Plus de guerre en Afrique Et en parlant de rapprochement et
de réunion, je voudrais encore saluer la démarche du Pape qui nous amène à nous retrouver
entre catholiques chrétiens africains dans un seul pays. Ce pays aujourd’hui est le
Bénin, mais il aurait pu être tout un autre pays de l’Afrique. C’est un symbole très
fort qui dépasse le Bénin et l’Afrique. C’est la preuve que quel que soit ce pays,
nous avons des dynamiques communes, des causes communes à défendre, des défis communs,
les mêmes enjeux ; la même espèce humaine à défendre et à mettre dans des conditions
les meilleures de son épanouissement. Si donc on veut travailler pour la réconciliation,
la justice et la paix avec celle-ci comme finalité et en même temps comme point de
départ, si on veut aboutir à la paix, il faut travailler à neutraliser la guerre.
Il est temps de combattre la guerre en Afrique, sur toute la planète terre. Avec la
visite du Saint Père, nous sommes résolument dans un discours qui nous vient de Dieu.
Et Dieu est celui qui donne la vie. Lui seul a le pouvoir et la puissance de donner
la vie. Je voudrais donc inviter mes sœurs et frères africains ainsi que tous les
hommes de bonne volonté, à poursuivre la réflexion au lendemain du passage du Pape
Benoît XVI. Nous devons nous demander tout ce que nous pouvons faire pour qu’un jour
on décrète que plus jamais un Africain ne fera la guerre contre un autre. Plus jamais
un Africain ne s’armera contre un autre Africain.