Benoît XVI : Les JMJ sont une cascade de lumière qui donne une visibilité à la foi
Quel sens ont les Journées mondiales de la Jeunesse dans le contexte actuel ? Quel
message peut apporter l'Eglise aux jeunes pour les encourager et les éloigner de la
rébellion ou de l'agressivité ? Les JMJ portent-elles des fruits sur le long terme
? C'est à ces questions que le Pape a répondu dans l'avion qui le conduisait à Madrid.
Interrogé par des journalistes, Benoît XVI a raconté comment les JMJ étaient une "cascade
de lumière qui donne une visibilité à la foi", permettant aux croyants de ne plus
se sentir "isolés, presque perdus", dit le Pape. Pour Benoît XVI, les JMJ portent
des fruits, mais ils n'apparaîssent pas tout de suite dans les statistiques : "L'ensemencement
de Dieu est silencieux". En ce qui concerne l'espoir à donner aux jeunes dans ce contexte
de crise, Benoît XVI insiste sur le fait que "l’économie ne fonctionne pas seulement
avec une auto-régulation des marchés, elle a aussi besoin d’une raison éthique afin
de fonctionner pour l’homme (...) l’homme doit être au centre de l’économie et l’économie
ne doit pas être mesurée en fonction du profit maximal, mais en fonction du bien de
tous, cela implique une responsabilité pour l’autre".
Texte intégral des
réponses du Pape aux journalistes
Demande : Votre Sainteté, nous en sommes
aux 26ème Journées Mondiales de la Jeunesse," la 12ème célébrée lors d’une grande
rencontre mondiale. Le Pape Jean Paul II, qui les a inventées, a été béatifié et il
désormais est le protecteur officiel de ces JMJ de Madrid. Au début de votre pontificat,
vous vous êtes demandé si vous continueriez sur les traces de votre prédécesseur.
Aujourd’hui, vous en êtes à vos troisièmes Journées Mondiales de la Jeunesse, après
Cologne et Sydney, quel est le sens de ces événements dans la «stratégie» globale
de l’Eglise universelle du troisième millénaire ?
Réponse : Chers amis,
bonjour ! Je suis content de me rendre avec vous en Espagne pour ce grand événement.
Après deux JMJ, que j’ai moi-même vécues personnellement, je peux seulement dire que
Jean Paul II a eu une réelle inspiration quand il a donné vie à cette grande rencontre
des jeunes et du monde avec le Seigneur. Je dirais que ces JMJ sont un signal, une
cascade de lumière qui donne une visibilité à la foi, à la présence de Dieu dans le
monde, donnant ainsi le courage d’être croyant. Souvent les croyants se sentent isolés
dans ce monde, presque perdus. Ici, ils voient qu’ils ne sont pas seuls, qu’il existe
un grand réseau de foi, une grande communauté de croyants dans le monde et qu’il est
beau de vivre dans cette amitié universelle. Et ainsi, il me semble que naissent des
amitiés, des amitiés au delà des confins des différentes cultures, des différents
pays. Et la naissance de ce réseau universel d’amitié, qui relie le monde et Dieu,
est une importante réalité pour le futur de l’humanité, pour la vie de l’humanité
d’aujourd’hui. Naturellement, les JMJ ne peuvent être un événement isolé : elles
font parties d’un chemin plus grand et doivent être préparées avec ce chemin de la
Croix qui va de pays en pays et unit déjà les jeunes dans le signe de la Croix et
dans le signe merveilleux de la Sainte Vierge. Et ainsi, la préparation des JMJ est
bien plus qu’une préparation technique d’un événement qui a de nombreux problèmes
techniques, c’est une préparation intérieure, de se mettre en route vers les autres
et, ensemble, vers Dieu. Après coup, les jalons de ces groupes d’amitié s’établissent
et, conserver ce contact universel qui ouvre les portes des cultures, des diversités
humaines ou religieuses, est un chemin continuel qui conduit à de nouvelles rencontres
lors de nouvelles JMJ. Il me semble que les JMJ doivent être considérées en ce sens,
comme signe, la partie d’un grand chemin ; elles créent des amitiés, ouvrent des frontières,
et montrent qu’il est beau d’être avec Dieu et que Dieu est avec nous. En ce sens,
nous souhaitons poursuivre cette grande idée de Jean Paul II.
Demande : Votre
sainteté, les temps ont changé. L’Europe et le monde occidental en général vivent
une crise économique profonde, qui montre également des dimensions de graves privations
sociales et morales et une grande incertitude pour le futur, particulièrement douloureux
pour les jeunes. Ces derniers jours, nous avons vu par exemple les événements survenus
en Grande Bretagne, avec des déchaînements de rébellion et d’agressivité. Dans le
même temps, il y existe les signes d’un engagement enthousiaste et généreux, de volontariat
et de solidarité, de jeunes croyants ou non-croyants. A Madrid, nous rencontrerons
de nombreux jeunes merveilleux. Quel message l’Eglise peut-elle donner aux jeunes
pour qu’ils ne perdent pas espoir et pour les encourager, en particulier ceux qui
sont tentés par la rébellion et l’agressivité ?
Réponse : Avec la crise économique
actuelle, comme nous l’avions déjà vu lors de la précédente grande crise, nous constatons
que la dimension éthique n’est pas un fait extérieur aux problèmes économiques, mais
une dimension intérieure et fondamentale. L’économie ne fonctionne pas seulement avec
une auto-régulation des marchés, elle a aussi besoin d’une raison éthique afin de
fonctionner pour l’homme. Et apparaît à nouveau aujourd’hui, ce qu’avait déjà affirmé
le Pape Jean Paul II dans son encyclique sociale, que l’homme doit être au centre
de l’économie et que l’économie ne doit pas être mesurée en fonction du profit maximal,
mais en fonction du bien de tous, cela implique une responsabilité pour l’autre et
fonctionne vraiment bien seulement si cela repose sur l’humain, dans le respect de
l’autre. Avec ces différentes dimensions : responsabilité pour sa propre nation et
pas seulement pour soi ; responsabilité pour le monde - même une nation, même l’Europe,
n’est pas toute seule, mais est responsable pour l’entière humanité et doit toujours
penser aux problèmes économiques avec cette clé de lecture de la responsabilité envers
les autres parties du monde, envers ceux qui souffrent, ont soif et faim, qui n’ont
pas futur. Finalement, nous savons que nous devons protéger le fonctionnement du monde
du travail pour tous et penser que demain est déjà aujourd’hui. Si les jeunes d’aujourd’hui
n’ont pas de perspectives dans leur vie, c’est que nous sommes dans l’erreur et c’est
« mal ». Donc l’Eglise, avec sa doctrine sociale et sa doctrine sur la responsabilité
de Dieu, ouvre à la capacité de renoncer au profit maximum et de voir les choses dans
leur dimension humaniste et religieuse, c’est à dire « être l’un pour l’autre ». Ainsi
peuvent s’ouvrir de nouvelles portes. Le grand nombre de volontaires qui travaillent
dans diverses parties du monde, et trouvent ainsi du sens à la vie montrent qu’il
est possible de le faire et qu’une éducation à ces grands projets, comme cherche
à le faire l’Eglise, est fondamentale pour notre futur.
Votre Sainteté, les
jeunes du monde d’aujourd’hui vivent en général dans des milieux multiculturels et
multiconfessionnels. La tolérance réciproque est plus nécessaire que jamais Vous insistez
toujours sur le thème de la Vérité. Ne pensez-vous pas que cette insistance sur la
vérité, et sur l’unique Vérité qui est le Christ, soit un problème pour les jeunes
d’aujourd’hui ? Cette insistance ne les pousse-t-elle pas à se positionner en contrepoint
et à trouver difficile de dialoguer avec les autres ?
Le lien entre vérité
et intolérance, monothéisme et incapacité de dialoguer avec les autres est un sujet
qui revient souvent dans le débat sur le christianisme d’aujourd’hui et naturellement,
il est vrai que dans l’histoire il y a eu des abus tant du concept de la vérité que
de celui du monothéisme, mais la réalité est totalement différente. Le sujet est
erroné, parce que la vérité est accessible seulement dans la liberté. On peut imposer
des observances ou des actions avec violence, avec différents comportements, mais
pas la vérité ! La vérité s’ouvre seulement à la liberté, au consentement libre, et
donc liberté et vérité sont intimement unies, l’une est la condition de l’autre. Nous
ne voulons pas le mensonge, nous ne voulons pas le positivisme de normes imposées
avec une certaines force. Seulement les vraies valeurs apportent un futur et disons
donc qu’il est nécessaire de chercher les vraies valeurs et de ne pas laisser se répandre
le jugement de certains. Il ne faut pas laisser s’installer une raison positiviste
qui nous dit les grands problèmes de l’homme, concernant l’éthique. Il n’y a pas de
vérité rationnelle. Ce serait vraiment exposer l’homme aux jugements de ceux qui ont
le pourvoir. Nous devons toujours être à la recherche de la vérité, des vraies valeurs.
Nous avons un noyau de valeurs dans les droits fondamentaux, d’autres éléments similaires,
fondamentaux, sont reconnus, et pour cette raison même, elles nous mettent en dialogue
l’un avec l’autre. La vérité en tant que telle est un dialogue, parce qu’elle cherche
à mieux connaitre, à mieux comprendre et elle le fait en dialogue avec les autres.
Ainsi rechercher la vérité et la dignité de l’homme est la plus grande défense de
la liberté.
Demande : Votre Sainteté, les Journées Mondiales de la Jeunesse
sont un très beau moment et suscitent beaucoup d’enthousiasme, mais les jeunes ensuite
rentre chez eux et retrouvent un monde dans lequel la pratique religieuse est en très
forte diminution. Beaucoup d’entre eux, probablement, n’iront plus à l’Eglise. Comment
peut-on donner une continuité aux fruits des JMJ ? Pensez-vous que qu’elles donnent
des fruits sur le long terme au delà des moments de grand enthousiasme ?
Réponse
: L’ensemencement de Dieu est silencieux, il n’apparaît pas tout de suite dans des
statistiques, et avec la graine que le Seigneur met en terre avec les JMJ, c’est comme
avec celle dont parle l’Evangile : « quelque chose tombe sur la route et se perd ;
quelque chose tombe sur la pierre et se perd ; quelque chose tombe sur les ruines
et se perd, mais quelque chose tombe sur une bonne terre et porte de nombreux fruits
». Et il en va ainsi avec les JMJ : beaucoup se perd et cela est humain. Pour avoir
recours à une autre Parole du Seigneur : « Le grain de moutarde est petit, mais il
croît et devient un grand arbre ». En d’autres termes : certainement, beaucoup se
perd, on ne peut pas dire tout de suite « à partir de demain l’Eglise va à nouveau
connaitre une grande croissance ». Ce n’est pas comme cela que Dieu agit. Mais cela
croît en silence et comment ! Des JMJ sont nées tant d’amitiés - des amitiés pour
la vie - tant de nouvelles expériences qui montrent que Dieu existe. Et sur cette
croissance silencieuse, nous plaçons notre confiance et sommes sûrs, même si les statistiques
ne parleront pas beaucoup, que les semences du Seigneur sont en train de croître,
et que cela sera pour beaucoup de personnes le début d’une amitié avec Dieu et avec
d’autres, d’une universalité de la pensée et d’une responsabilité commune qui réellement
montrent que ces journées portent leurs fruits."