2011-07-08 10:11:10

Sud-Soudan: les racines d’une indépendance


Aujourd'hui l’Afrique compte un Etat de plus. Né de la partition concertée du Soudan, suivant les modalités encouragées par la Communauté internationale, le Sud Soudan est porté sur ses fonts baptismaux par une réelle volonté de voir un peuple recouvrer sa liberté.
En Afrique et au-delà, il n’y a pas eu de véritable opposition à une telle évolution. Au contraire, la souffrance endurée par cette portion du peuple soudanais a rendu presque salutaire un tel aboutissement. C’est un peuple qui nait, en quelque sorte, à sa vie ; une nation qui va s’affirmer et prendre place dans le concert des Nations.

Pourtant, cette naissance ne vient pas sous les meilleurs des auspices. Le Sud-Soudan ne naît pas avec l’innocence de tout nouveau-né. Il voit le jour déjà adulte en quelque sorte, aguerri qu’il est par les mille et une souffrances qu’il a endurées tout au long d’un chemin parcouru sous les bombes, les razzias, les viols : chemin d’une guerre où rien ne lui a été épargné. Pourtant ce n’est pas pour ressasser les peines endurées que le pays justifiera sa place au sein des Nations. Il n’est d’ailleurs aucune liberté vraie qui ne se soit conquise dans l’épreuve. C’est ce qui la rend d’autant plus précieuse.

En outre, la naissance d’un nouvel Etat africain à l’heure où beaucoup d’autres en sont à leur cinquantième anniversaire de liberté, ramène à la question jamais tranchée et toujours interpellante, voire provocatrice parce que toujours nouvelle : à quoi sert l’indépendance ? À quoi sert l’indépendance à l’ère de la globalisation ? Dans le célèbre roman de l’écrivain ivoirien, « le Soleil des Indépendances », un des personnages pose la question : « à quand, la fin de l’indépendance ? ». Pour le Sud-Soudan, les choses doivent seulement commencer, avec notre espoir commun qu’elles n’aboutiront pas si vite à la désillusion. Mais aussi avec l’attention aux mécanismes économiques et politiques internationaux. S’employeront-ils à aider le nouvel Etat et son peuple où s’adonneront-ils à exploiter “la nouvelle situation” sans scrupules ?

Il n’est pas de pays qui ne cherche à s’affirmer dans la liberté, pauvre ou riche qu’il soit. Même le développement, objectif reconnu à nos nations, ne se peut penser que dans la liberté d’agir et de faire agir pour le bien de tous – le bien commun. La mauvaise gestion décriée de beaucoup de nos Etats, pauvres mais dormant littéralement sur des montagnes de ressources, vient justement de la perte du sens du bien commun et de la responsabilité qui doit sous-tendre la liberté.

C’est ici le lieu de rappeler que pour jeune qu’il soit, le Sud-Soudan n’est pas dépourvu de ressources. Elles sont matérielles : or, pétrole, eau à disposition d’un peuple jeune. Elles sont aussi spirituelles. Le Soudan a longtemps été décrit comme pays des contrastes : arabes contre Africains ; nordistes contre sudistes ; éleveurs contre agriculteurs mais, surtout, musulmans (au nord) contre chrétiens sudistes. Le pays qui voit le jour aujourd’hui puisera donc à bon escient dans cette ressource spirituelle de la chrétienté pour orienter ses pas, et s’assurer un futur plus sûr. L’Evangile conforte la liberté ; il ne l’annihile pas. Et en le proclamant, l’Eglise se met d’autant mieux au service des hommes.

« Votre mission, Messieurs et Mesdames les Ambassadeurs, consiste à servir à la fois la noble cause de votre pays et la noble cause de la paix. Ce sont là d’éminents actes d’amour envers le prochain, qui doivent être réalisés avec le désir de contribuer au bien commun et à une meilleure entente entre les personnes et entre les peuples. Nous pourrons alors offrir aux générations qui nous suivent une terre où il fait bon vivre. Nous devons sans cesse nous rappeler que toutes les injustices que peuvent connaître nos contemporains, que les situations de pauvreté, que le manque d’éducation de la jeunesse sont à la source de bon nombre de foyers de violence à travers le monde. »
Ce rappel est du Pape Jean-Paul II. Le 6 décembre 2001, il recevait les lettres de créances de 9 nouveaux ambassadeurs au St-Siège. Parmi eux figurait le nouvel ambassadeur de l’Erythrée, un Etat qui, en 1993, obtint officiellement son indépendance de l'Ethiopie et qui, donc, à ce titre représente à la fois ce qui peut arriver de mieux et de pire à une jeune nation issue d’une partition. C’est résolument le regard tourné vers les valeurs de sa foi chrétienne, sans tomber dans la théocratie, que le Sud-Soudan se sortira des pièges et des tentations qui guettent une jeune nation.

Dans bon nombre de ses discours, Benoît XVI ne cesse d’appeler à “ l’innovant témoignage de l’amour évangélique dans le concret de la dimension sociale ” et d’insister sur l’Evangile, “ la plus grande force de transformation du monde ”. On peut d’ores et déjà affirmer que la communauté ecclésiale du Sud-Soudan apportera sa contribution dans l’affirmation de la jeune nation. Mais celle-ci aura également besoin de la solidarité de toutes les Eglises particulières d’Afrique et du monde.C’est à la fois un espoir et un cap.

Albert Mianzoukouta, Radio Vatican (Français-Afrique)







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