Côte d'Ivoire : attente, urgence humanitaire et découvertes macabres. Témoignage
Le président ivoirien internationalement reconnu Alassane Ouattara parviendra-t-il
à rétablir l’ordre et la sécurité en Côte d'Ivoire alors que son rival Laurent Gbagbo
reste retranché dans la résidence présidentielle, à Abidjan, et que son entourage
semble galvanisé ? Un blocus a été établi autour du périmètre de cette résidence.
A Paris, un de ses conseillers a réaffirmé que Laurent Gbagbo ne démissionnerait pas
tandis que le porte-parole du ministère français des Affaires étrangères annonçait
que l’ère Gbago était désormais close. Et alors qu’Abidjan est dans l’attente d’un
dénouement, dans l'ouest du pays désormais aux mains des forces fidèles à Ouattara,
des enquêteurs de l'ONU ont découvert plus de 100 corps ces dernières 24 heures, dont
certains brûlés vifs, d’autres jetés dans un puits, et ce dans trois endroits : Duékoué,
Bloléquin et Guiglo. Le massacre a été perpétré lors de l'offensive des forces pro-Ouattara.
Selon un porte-parole du Haut commissariat aux droits de l'homme, ces meurtres semblent
avoir eu des mobiles "ethniques" ou avoir été commis par des mercenaires libériens. Dans
une allocution télévisée, Alassane Ouattara a promis jeudi soir que la lumière serait
faite sur tous les massacres et que leurs auteurs seraient sanctionnés. Les agences
de l'ONU ont demandé l'ouverture de couloirs humanitaires dans le pays pour venir
en aide aux victimes qui fuient les violences. Elles ont aussi indiqué avoir distribué
des vivres à Duékoué où des milliers de déplacés ont trouvé refuge dans une mission
catholique. Quant à l’Union européenne, elle prévoit la levée des sanctions économiques
à l’égard de la Côte d'Ivoire, entre le 12 et le 14 avril. Nous avons joint le
père Cyprien Ahouré, prêtre salésien qui travaille à la mission catholique de Duékoué,
dans l’Ouest du pays où la situation humanitaire est particulièrement difficile. Il
répond à Marie-Leïla Coussa
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A
lire Communiqué du cardinal Bozanić sur la situation en Côte d’Ivoire
À
la lumière du conflit en cours en Côte d’Ivoire, le cardinal Josip Bozanić, archevêque
de Zagreb et Vice-Président du CCEE, écrit au nom de la Présidence du CCEE au Nonce
apostolique en Côte d’Ivoire, Mgr Madtha Ambrose, pour témoigner « la proximité des
évêques d’Europe en ce moment tragique de l’histoire de la Côte d’Ivoire ».
La
lettre continue ainsi : « Nous suivons avec appréhension l’évolution de la situation
dans votre pays, et en particulier ce qui se passe à Abidjan. Nous prions pour que
cessent au plus tôt les hostilités et les affrontements fratricides qui continuent
à faire des victimes, surtout parmi les civils, et qui ont contraint des milliers
de personnes à l’exode. Je désire m’associer à l’appel véhément que le Saint-Père
a adressé à toutes les parties en conflit à « entamer une œuvre de pacification et
de dialogue et éviter que le sang ne coule encore » (Audience générale 06.04.2011).
Le
cardinal Bozanić, qui s’était rendu à Abidjan en novembre dernier juste après la première
phase des élections présidentielles, insiste sur « l’accueil fraternel des populations
locales » et ne cache pas son étonnement devant l’escalade de violence en cours dans
le pays : « Je n’arrive pas à comprendre comment la cohabitation pacifique qui
régnait jusqu’à présent s’est transformée en haine et en violence. En ce temps de
Carême, j’appelle en particulier les dirigeants du pays à la réconciliation et à la
conversion des cœurs. Je voudrais leur rappeler les paroles du Saint-Père : « La violence
et la haine sont toujours une défaite ».
Enfin, le cardinal témoigne sa proximité
spirituelle à la population locale et adresse un appel à déposer les armes : « Ma
pensée va tout spécialement à la population souffrante, à ceux qui ont dû fuir, à
ceux qui ont vu un parent mourir. À tous, je voudrais dire que les Églises en Europe
ne les ont pas oubliés et qu’elles prient pour eux. Je veux leur dire qu’il y a une
espérance pour l’Afrique, qu’il y a une espérance pour la Côte d’Ivoire, qu’il y a
toujours une alternative aux armes : c’est le chemin de l’amour ! ».
Dans le
sillage de cette lettre, le Vice-président du CCEE a également écrit au Président
de la Conférence épiscopale de Côte d’Ivoire et à l’archevêque d’Abidjan.