Lampedusa. Quelle solution ? Les points de vue divergent
Les jésuites italiens pointent du doigt les accords indignes conclus entre l’Italie
et la Libye pour stopper le flux des immigrés. Interrogé par l’agence de presse italienne
ADNKRONOS, le père Giovanni La Manna, président du Centre Astalli de Rome, qui dépend
du Jesuit Refugee Service, affirme qu’on ne peut pas arrêter les flux migratoires,
que les arrivées vont continuer et même s’intensifier avec la belle saison. Depuis
que les accords indignes conclus avec la Libye sont devenus caducs, les femmes africaines
qui débarquent sur les côtes italiennes racontent les violences subies dans les centres
d’accueil et de rétention en Libye. Des femmes venues de Somalie et d’Ethiopie étaient
violées systématiquement. A la lumière de ces révélations, le Père La Manna exhorte
en particulier les catholiques à exprimer fortement leur indignation face à la gravité
de ce qui s’est passé. Il est légitime, selon lui, d'évoquer la question de la répartion
du fardeau des immigrés entre les différents pays européens, mais le plus urgent est
de sauver des vies, d'accueillir ceux qui arrivent avec des moyens de fortune. C’est
un devoir – avertit le directeur du Centre Astalli – ou ces morts vont peser sur nos
consciences. Une prise de position qui intervient alors que le chef du gouvernement
italien Silvio Berlusconi s’est rendu à Tunis pour une visite éclair de quelques heures,
accompagné de son ministre de l'Intérieur Roberto Maroni, pour tenter de trouver une
solution à ce problème. Le ton est monté ces derniers jours entre les deux pays sur
la question des départs massifs de clandestins tunisiens vers la petite île italienne
de Lampedusa submergée par une vague de plus de 22.000 immigrés. Silvio Berlusconi,
a annoncé la mise sur pied d'une commission technique tuniso-italienne pour "se pencher"
sur le problème de l'immigration. Pour sa part, le curé de Lampedusa demande que
soit éclaircie la question de l’accord qui, selon les autorités italiennes, aurait
été signé avec la Tunisie pour bloquer les départs mais dont Tunis dément l’existence.
Don Stefano Nastasi dénonce le manque de clarté dans ce dossier explosif. Le plus
judicieux, selon lui, serait d’aider les jeunes tunisiens à ne pas être obligés de
quitter leur pays, grâce à une réelle coopération internationale. Le curé de Lampedusa
se dit par ailleurs favorable à l’attribution d’un statut juridique de protection
humanitaire provisoire. La situation est difficile à gérer – reconnait-il – mais on
ne peut pas abandonner Lampedusa. Plus de 200 immigrés sont encore arrivés à Lampedusa
dans la nuit du 3 au 4 avril. Plus de 600 immigrés avaient déjà débarqué dans la journée
de dimanche, après une pause de quatre jours, tandis que les évacuations se poursuivent
à destination d’autres centres d’accueil un peu partout en Italie. L'Italie envisage,
entre autres, l'ouverture de centres d'accueil spécifiques près des frontières pour
les migrants voulant se rendre en France ou en Allemagne et la délivrance de permis
de séjour leur permettant de circuler librement en Europe. Et pendant que tous
se renvoient la balle, les associations Codacons ont adressé une lettre au Pape et
à son Secrétaire d'État pour emander au Vatican d’ouvrir les couvents, les abbayes
et les monastères pour y héberger les migrants.
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Le Conseil
permanent de la Conférence Episcopale italienne s’est réuni du 28 au 30 mars à Rome.
Trois points clés ont animé ces trois jours d’assemblée : les problèmes liés à l’intervention
militaire actuelle en Libye, la question de l’identité de l’homme d’aujourd’hui qui
trop souvent vit dans « l’illusion de se suffire à lui-même », et enfin la mission
évangélisatrice de l’Eglise dans le monde. Au cours d’une conférence de presse ce
vendredi dans les locaux de Radio Vatican Mgr Mariano Crociata, secrétaire général
de la conférence des évêques d’Italie a été interrogé par les journalistes sur la
situation à Lampedusa et l’afflux d’immigrés provenant d’Afrique du Nord. Les évêques
italiens - -a-t-il indiqué – demandent à l’Europe d’intervenir de manière concrète,
immédiate et consistante. Charles-François Brejon.
Des évêques
allemands et une délégation du Symposium des Conférences épiscopales d’Afrique et
de Madagascar se sont réunis pendant cinq jours à Munich autour du thème de l’émigration
et en particulier sur la situation des immigrés africains en Europe. Mgr Maroun Elias
Lahham, archevêque de Tunis était présent. Interrogé par Marie-Leïla Coussa, il analyse
les causes de l’émigration de Tunisie.
Lire également
la déclaration de la Présidence du CCEE
Nul n’ignore qu’un afflux d’émigrés
dramatique est en cours actuellement vers l’Europe, provenant en particulier de Libye,
un pays où sévit la guerre. Ces masses des réfugiés rejoignent l’Europe en arrivant
sur les côtes italiennes. Mais cette question ne concerne pas seulement un pays :
elle interpelle la solidarité, y compris institutionnelle, de tous les peuples du
continent européen, ainsi que les structures de l’Union Européenne et des autres organismes
continentaux. Nous pensons qu’il est urgent que tous les responsables participent
activement à la recherche d’une solution à ce problème vraiment grave et urgent. Nous
devons reconnaître à tout homme la dignité inaliénable de créature faite à l’image
de Dieu. En même temps, nous sommes responsables de la sauvegarde de l’ordre légal
et respectueux de la dignité de toutes les personnes dans les pays de notre continent.
Nous
prions pour que les armes fassent place à la raison et au dialogue.