Débat sur la laïcité : le point de vue des responsables religieux
Les responsables de six religions, en France, se prononcent ensemble à propos du débat
sur la laïcité, voulu par l’Élysée. Les membres de la Conférence des Responsables
de Culte en France qui regroupe six instances responsables du Bouddhisme, des Églises
chrétiennes (Catholique et Protestante), de l'Islam et du Judaïsme ont signé ensemble
une tribune rendue publique ce mercredi 30 mars. Dans ce texte, ils invitent notamment
à ne pas dilapider ce précieux acquis qu’est la laïcité. Un débat est toujours signe
de vitalité - relèvent-ils - mais en cette période pré-électorale les signataires
invitent à bien garder sereinement le cap et à éviter amalgames et risques de stigmatisation.
Écoutez Mgr Laurent Ulrich, vice-président de la Conférence des évêques catholiques,
signataire de la tribune. . Des propos recueillis
par Marie-leila Coussa.
Écoutez la réaction de Mohammed Moussaoui, président
du Conseil Français du Culte Musulman. . Des propos recueillis
par Marie-Agnès Georges.
Écoutez la réaction du pasteur Claude Baty, président
de la Fondation Protestante de France. . Des propos recueillis
par Marie-Agnès Georges.
Écoutez la réaction du rabbin Moshé Lewin, porte parole
du Grand Rabbin de France . Des propos recueillis
par Thomas Chabolle.
Extrait de la tribune La laïcité est un des
piliers de notre pacte républicain, un des supports de notre démocratie, un des fondements
de notre vouloir vivre ensemble. Veillons à ne pas dilapider ce précieux acquis. Il
nous parait capital, pendant cette période pré-électorale, de bien garder sereinement
le cap en évitant amalgames et risques de stigmatisation.
Nous signons ensemble
cette tribune sans aucun esprit polémique ou partisan. Une parole commune nous semble
néanmoins nécessaire. Notre cohésion au sein de la Conférence que nous avons fondée,
est significative dans notre société française. Elle a été rendue possible notamment
au climat de coopération instauré entre les religions, que la "laïcité à la française"
et ses évolutions depuis plus d'un siècle ont permis.
Mais cette cohésion ne
signifie pas pour autant uniformité ! Elle ne nous engage nullement en faveur d'un
quelconque amalgame syncrétiste ou d'un nivellement de nos positions individuelles
et celles des cultes que nous représentons. Nous travaillons ensemble dans la confiance,
en intégrant nos histoires et identités respectives. Nous continuons à avoir des approches
différenciées sur telle ou telle question, sans pour autant faire de nos différences
des facteurs d'opposition. Nous sommes déterminés à réfléchir et à œuvrer ensemble
sur la durée, en relation avec les autorités et les forces vives de notre pays, afin
que le facteur religieux y soit un élément de paix et de progrès.
L'accélération
des agendas politiques risque, à la veille de rendez-vous électoraux importants pour
l'avenir de notre pays, de brouiller cette perspective et de susciter des confusions
qui ne peuvent qu'être préjudiciables. Nous en sommes conscients. Cela ne doit pas
nous dissuader pour autant de rappeler l'essentiel quand il le faut. Nous restons
très attentifs aux évolutions profondes de notre société, notamment celles qui concernent
les religions, dans le respect du cadre de la République. Ces évolutions appellent
parfois des adaptations voire des améliorations du cadre juridique et règlementaire
de l'expression et de la vie des cultes en France. Nous ne manquerons pas d'être une
force positive de propositions dans ce sens.
Faut-il dans le contexte actuel
un débat sur la laïcité ? Le débat est toujours signe de santé et de vitalité. Le
dialogue est toujours une nécessité. Il a un rôle majeur dans une société libre, démocratique
et respectueuse de la personne humaine. Mais un parti politique, fût-il majoritaire,
est-il la bonne instance pour le conduire seul ? Ce ne sont ni les débats, ni les
travaux qui manquent dans ce domaine ! La Loi 1905 est déjà plus que centenaire. Elle
a permis d'apporter depuis lors des solutions à des questions nées de nouvelles situations
et des évolutions de notre société dans un monde de plus en plus rapide. Tous les
cultes adhèrent sans réserve à ses principes fondamentaux tels qu'ils s'expriment
en particulier dans ses deux premiers articles. Mais les modalités d'application de
ces principes restent toujours perfectibles. Faut-il recenser tous les colloques et
autres qui ont abordé en long et en large la question de la laïcité et de ses applications
dans notre pays depuis des années? Faut-il rappeler, dans la période récente, les
travaux étendus et exhaustifs de la Commission présidée par le Professeur Jean Pierre
MACHELON qui ont donné lieu à un rapport sur les « relations des cultes avec les pouvoirs
publics » remis au ministre de l'intérieur le 20 septembre 2006 ? Ce rapport avait
abordé d'une manière approfondie les différents aspects liés à l'exercice du culte
en France dont celui du « support institutionnel » de son exercice dans notre pays.
Faut-il rappeler de même les travaux du « Groupe juridique inter-cultes » qui travaille
depuis 2007, dans le prolongement des recommandations du Groupe MACHELON, au sein
du de l'intérieur, et où siègent des représentants des principaux cultes ? Ce groupe
a bien fonctionné et a permis la publication de plusieurs circulaires dont la dernière,
du 23 juin 2010, conjointe aux de l'intérieur et des finances, aborde d'une manière
détaillée à l'attention des préfets, des directeurs départementaux des finances publiques
et des trésoriers payeurs généraux, les différents aspects liés au « support institutionnel
de l'exercice du culte en France » ? Faut-il rappeler aussi la production intellectuelle
abondante d'articles et d'écrits divers, ainsi que les nombreux ouvrages qui paraissent
sur l'histoire, les fondements, la pratique et les perspectives de la laïcité en France
? La liste en sera longue. Elle illustre parfaitement toute la richesse et la profondeur
de notre expérience française de la laïcité. Nous y reviendrons lors de la rencontre
publique que nous comptons organiser en octobre prochain.
Secouée par des crises
à répétition, politique, économique, financière et morale, la période actuelle manque
de lisibilité mais sans doute pas d' ! Le devoir de ceux qui sont « en responsabilité
» consiste à éclairer le chemin et à élaborer des solutions conformes au bien de tous.
N'ajoutons pas de la confusion dans la période trouble que nous traversons. Nous militons
ensemble pour une laïcité de bonne intelligence.
La laïcité n'est pas séparable
des valeurs fondamentales que nous partageons, en particulier de la dignité et du
respect de la personne humaine et de sa liberté inaliénable. Ces valeurs qui ne peuvent
s'épanouir que dans la confiance mutuelle source de paix pour notre société.
Signataires
André
VINGT-TROIS, président de la Conférence des évêques catholiques Avec Mgr Laurent
ULRICH, vice-président de la Conférence des évêques catholiques Claude BATY, président
de la Fédération protestante de France Avec le Laurent SCHLUMBERGER, membre du
Conseil de la Fédération protestante de France, président du Conseil national de l'Église
réformée de France Métropolite EMMANUEL, président de l'Assemblée des Évêques
de France Avec le Métropolite Joseph, secrétaire de l'Assemblée des de France Et
Mr. Carol SABA, porte-parole de l'Assemblée des Évêques de France Grand Rabbin
Gilles BERNHEIM, Grand Rabbin de France Avec le rabbin Moshé LEWIN, porte-parole
du Grand Rabbin de France M. Mohammed MOUSSAOUI, président du Conseil français
du culte musulman Avec M. Anouar KBIBECH, secrétaire général du Conseil français
du culte musulman Révérend Olivier WANG-GENH, président de l'Union bouddhiste de
France