La Congrégation pour la Doctrine de la Foi réagit à certaines interprétations erronées
de "Lumière du monde"
Note de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi sur la banalisation de la sexualité.
Face à certaines interprétations erronées suite aux propos du Pape, dans l’ouvrage
« Lumière du monde », concernant l’usage du préservatif, la Congrégation a publié
une note sur la banalisation de la sexualité. Un texte dans lequel elle explique clairement
le sens des propos de Benoît XVI tout en déplorant une instrumentalisation de sa pensée.
Hélène Destombes
À l’occasion
de la publication du livre d’entretiens de Benoît XVI, Lumière du monde, ont été diffusées
diverses interprétations erronées, qui ont semé la confusion au sujet de la position
de l’Église catholique sur certaines questions de morale sexuelle. La pensée du Pape
a été souvent instrumentalisée à des fins et à des intérêts sans lien avec le sens
de ses paroles, alors qu’elle se comprend très bien quand on lit dans leur intégralité
les chapitres où il est fait allusion à la sexualité humaine. L’intention du Saint-Père
est claire: retrouver la grandeur du dessein de Dieu sur la sexualité, en évitant
sa banalisation aujourd’hui courante. Certaines interprétations ont présenté les
paroles du Pape comme des affirmations en contradiction avec la tradition morale de
l’Église; cette hypothèse a été saluée comme un tournant positif par certains; d’autres,
en revanche, ont manifesté leur inquiétude, comme s’il s’agissait d’une rupture avec
la doctrine sur la contraception et avec l’attitude de l’Église dans la lutte contre
le sida. En réalité, les paroles du Pape qui font allusion en particulier à un comportement
gravement désordonné, en l’occurrence la prostitution (cf. Lumière du monde, pp. 159-161),
ne modifient ni la doctrine morale, ni la pratique pastorale de l’Église. Comme
il ressort de la lecture du passage en question, le Saint-Père ne parle ni de morale
conjugale, ni même de norme morale sur la contraception. Cette norme, traditionnelle
dans l’Église, a été reprise en des termes très précis par le Pape Paul VI au n. 14
de l’encyclique Humanae vitae, quand il écrit: «Est exclue également toute action
qui, soit en prévision de l’acte conjugal, soit dans son déroulement, soit dans le
développement de ses conséquences naturelles, se proposerait comme but ou comme moyen
de rendre impossible la procréation». L’idée qu’on puisse déduire des paroles de Benoît
XVI qu’il est licite, dans certains cas, de recourir à l’usage du préservatif pour
éviter les grossesses non désirées, est tout à fait arbitraire et ne correspond ni
à ses paroles ni à sa pensée. À ce sujet, le Pape propose au contraire des chemins
humainement et éthiquement viables, sur lesquels les pasteurs sont appelés à travailler
«plus et mieux» (Lumière du monde, p. 194), c’est-à-dire des chemins qui respectent
pleinement le lien insécable du sens unitif avec le sens procréatif de chaque acte
conjugal, grâce au recours éventuel aux méthodes naturelles de régulation de la fécondité
en vue d’une procréation responsable. En ce qui concerne le passage en question,
le Saint-Père se référait au cas totalement différent de la prostitution, comportement
que la morale chrétienne a toujours considéré comme un acte gravement immoral (cf.
Concile Vatican II, Constitution pastorale Gaudium et spes, 27; Catéchisme de l’Église
Catholique, 2355). Au sujet de la prostitution, la recommandation de la tradition
chrétienne tout entière - et pas seulement la sienne -, peut se résumer dans les paroles
de saint Paul: «Fuyez la fornication» (1 Co 6, 18). La prostitution doit donc être
combattue, et les organismes d’aide de l’Église, de la société civile et de l’État,
doivent travailler pour libérer les personnes impliquées. À ce propos, il convient
de relever que la situation qui s’est créée, par suite de la propagation actuelle
du sida dans de nombreuses régions du monde, a rendu le problème de la prostitution
encore plus dramatique. Celui qui se sait infecté par le VIH et donc susceptible de
transmettre l’infection, commet non seulement un péché grave contre le sixième commandement,
mais aussi un autre contre le cinquième, puisqu’il met sciemment en danger la vie
d’une autre personne, ce qui a également des répercussions sur la santé publique.
À cet égard, le Saint-Père affirme clairement que les préservatifs ne constituent
pas la «solution véritable et morale» au problème du sida et aussi que «la seule fixation
sur le préservatif représente une banalisation de la sexualité», parce qu’on ne veut
pas faire face à l’égarement humain qui est à la base de la transmission de la pandémie.
Par ailleurs, il est indéniable que celui qui recourt au préservatif dans le but de
diminuer le risque pour la vie d’une autre personne, entend réduire le mal lié à son
comportement désordonné. En ce sens, le Saint-Père note que le recours au préservatif,
«dans l’intention de réduire le risque de contamination, peut cependant constituer
un premier pas sur le chemin d’une sexualité vécue autrement, une sexualité plus humaine».
Cette observation est tout à fait compatible avec l’autre affirmation du Saint-Père:
«Ce n’est pas la véritable manière de répondre au mal que constitue l’infection par
le virus VIH». Certains ont interprété les paroles de Benoît XVI en recourant à
la théorie de ce qu’on appelle le «moindre mal». Cette théorie, toutefois, est susceptible
d’interprétations déviantes de caractère proportionnaliste (cf. Jean Paul II, Encyclique
Veritatis splendor, nn. 75-77). Une action mauvaise par son objet, même s’il s’agit
d’un moindre mal, ne peut être licitement voulue. Le Saint-Père n’a pas dit que la
prostitution avec recours au préservatif pouvait être licitement choisie comme un
moindre mal, comme certains l’ont soutenu. L’Église enseigne que la prostitution est
immorale et doit être combattue. Celui qui, pourtant, en la pratiquant, tout en étant
infecté par le VIH, s’emploie à réduire le risque de contamination, y compris par
l’utilisation du préservatif, peut accomplir un premier pas vers le respect de la
vie des autres, même si le mal de la prostitution demeure dans toute sa gravité. Ces
jugements sont en harmonie avec tout ce que la tradition théologico-morale de l’Église
a soutenu aussi par le passé. En conclusion, dans la lutte contre le sida, les
membres et les institutions de l’Église catholique savent qu’ils doivent rester proches
des personnes, en soignant les malades; ils savent aussi qu’ils doivent former tout
le monde à vivre l’abstinence avant le mariage et la fidélité au sein de l’alliance
conjugale. À cet égard, il faut également dénoncer les comportements qui banalisent
la sexualité, car comme le dit le Pape, ils sont justement à l’origine d’un phénomène
dangereux: bien des personnes ne perçoivent plus dans la sexualité l’expression de
leur amour. «C’est la raison pour laquelle le combat contre la banalisation de la
sexualité est aussi une partie de la lutte menée pour que la sexualité soit vue sous
un jour positif, et pour qu’elle puisse exercer son effet bénéfique dans tout ce qui
constitue notre humanité» (Lumière du monde, p. 160).