2010-12-16 11:59:07

Le Pape aux ambassadeurs : « L’Eglise s’interdit d’agir comme un lobby et appelle à la formation d’une communauté plus fraternelle entre tous les êtres humains »


« Le principe de fraternité doit trouver sa place dans les sociétés modernes ». Le thème de la fraternité humaine était au cœur du message du Pape aux nouveaux ambassadeurs du Népal, de la Zambie, de la Principauté d’Andorre, de la République des Seychelles et du Mali. Benoît XVI a reçu les cinq ambassadeurs ce jeudi à 11h dans le Palais Apostolique. Ils étaient venus lui présenter leurs lettres de créances. Le Pape s’est d’abord reçu un à un les diplomates puis a prononcé un discours général aux nouveaux accrédités près le Saint-Siège. Benoît XVI a ainsi rappelé les tragédies qui ont secoué le monde cette année notamment Haïti, meurtrie d’abord par un tremblement de terre puis par le choléra. Le Pape a voulu souligné l’élan de fraternité qui a suivi la tragédie notamment de la part des pays venus présenter leurs lettres de créances ce jeudi. Mais ce principe de fraternité, a expliqué Benoît XVI, « demeure trop souvent lettre morte dans les sociétés politiques modernes et contemporaines, surtout à cause de l’influence exercée par les idéologies individualistes ou collectivistes ». Dans son discours, le Pape en s’appuyant sur sa dernière encyclique Caritas in veritate dénonce certains aspects néfastes de la globalisation: « Si le processus de mondialisation en cours rapproche les êtres humains les uns des autres, il n’en fait pas pour autant des frères ». Ainsi, l’Eglise voit la réalisation de la fraternité humaine sur la terre comme une vocation contenue dans le dessein de Dieu. Et le Pape de rappeler que « l’Eglise s’interdit d’agir à la manière d’un lobby soucieux de ses seuls intérêts ». « Si elle suscite ainsi entre ses disciples une proximité particulière – note Benoît XVI – l’Eglise n’en désire par moins apporter sa contribution sincère et forte à la formation d’une communauté fraternelle et entre tous les êtres humains ».

Dans son message à l’ambassadeur du Népal, le Pape a souligné les nombreux changements qui ont secoué ce pays de l’Himalaya depuis plusieurs années. Le nouveau régime doit affronter une multitude de défis notamment celui de rédiger une constitution qui puisse assurer un futur stable, harmonieux et prospère. Selon le pape, il est nécessaire d’assurer des garanties légales aux droits civils et politiques, mais aussi aux droits économiques, sociaux et culturels. Les chrétiens népalais, et plus particulièrement les quelques catholiques, ont cherché au travers de leurs institutions à contribuer au bien-être de tous les citoyens via la Caritas surtout, a rappelé Benoît XVI. Ainsi l’Eglise est toujours prête à aider ceux qui sont en détresse, et ce quelque soit leur race, leur couleur ou leur foi d’où l’espoir du Pape de voir le gouvernement népalais poursuivre son soutien à la présence de l’Eglise dans la santé et l’éducation.

Benoît XVI n’a pas manqué de rappeler également ce qu’il qualifie de regrettables actes de violence contre la vie de catholiques et contre des biens de l’Eglise qui ont eu lieu ces dernières années. Le Pape a souhaité que prévale l’esprit de tolérance qui existe chez les népalais depuis des siècles.

Le Pape a également souhaité la bienvenue à l’ambassadeur du Mali et l'a remercié de la présentation de ses lettres de créances. Dans son discours, Benoît XVI a salué le cinquantième anniversaire de l'indépendance du Mali. L’occasion aussi de revenir sur des thèmes qui sont chers à l’Eglise et au Pape dans des pays en plein développement. Thomas Chabolle RealAudioMP3


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Ci-dessous le discours de Benoît XVI aux ambassadeurs :


Madame et Messieurs les Ambassadeurs,

Il m’est une joie de vous recevoir ce matin au Palais apostolique pour la présentation des Lettres qui vous accréditent comme Ambassadeurs extraordinaires et plénipotentiaires de vos pays respectifs auprès du Saint-Siège : le Népal, la Zambie, la Principauté d’Andorre, la République des Seychelles, et le Mali. Vous venez de m’adresser des paroles courtoises de la part de vos Chefs d’Etat respectifs et je vous en remercie. Je vous saurais gré de leur transmettre en retour mes salutations déférentes et mes vœux respectueux pour leurs personnes et pour la haute mission qu’ils accomplissent au service de leur pays et de leur peuple. Par votre intermédiaire, je désire également saluer toutes les autorités civiles et religieuses de vos nations, ainsi que l’ensemble de vos compatriotes. Mes prières et mes pensées vont naturellement aussi aux communautés catholiques présentes dans vos pays. Tout en vivant l’Evangile, elles sont soucieuses d’y témoigner un esprit de collaboration fraternelle.
Je voudrais, Excellences, vous entretenir de la fraternité humaine. Il lui a été fait appel de manière poignante toute cette année pour soulager Haïti, meurtrie d’abord par un tremblement de terre et puis par le choléra. D’autres tragédies ont malheureusement frappé d’autres pays au cours de cette année. Vos pays, la communauté internationale et le monde associatif ont répondu à des appels à l’aide particulièrement urgents, aide qu’il conviendrait naturellement de poursuivre et d’intensifier. Pour sa part, et à travers ses différentes institutions, l’Eglise apporte une contribution multiforme qu’elle prolongera dans le temps.
Le bel idéal de fraternité, qui se trouve dans la devise nationale de nombreux pays, a trouvé dans le développement de la pensée philosophique et politique une résonnance moindre par rapport à celle d’autres idéaux comme la liberté, l’égalité, le progrès ou l’unité. Il s’agit d’un principe demeuré en grande partie lettre morte dans les sociétés politiques modernes et contemporaines, surtout à cause de l’influence exercée par les idéologies individualistes ou collectivistes (cf. Compendium de la Doctrine sociale de l’Eglise, n. 390). La fraternité a, comme vous le savez, une signification particulière pour les chrétiens à cause du dessein d’amour fraternel de Dieu, de fraternité donc, révélé par le Christ. D’ailleurs, dans ma dernière encyclique Caritas in veritate, j’ai abordé largement ce thème indispensable pour une harmonieuse cohabitation humaine.
Pour vivre dignement, tout être humain a besoin de respect ; il a également besoin que justice lui soit rendue et que ses droits soient concrètement reconnus. Toutefois, ceci ne suffit pas pour mener une vie pleinement humaine : en effet, la personne a aussi besoin de fraternité. Cela est vrai non seulement dans les relations de proximité, mais également à l’échelle de la planète. Or, si le processus de mondialisation en cours rapproche les êtres humains les uns des autres, il n’en fait pas pour autant des frères. Il s’agit là d’une problématique majeure car, comme le relevait mon prédécesseur le Pape Paul VI « le sous-développement a pour cause profonde, le manque de fraternité » (cf. Populorum progressio, n. 20).
La raison humaine est à même de reconnaître l’égalité de tous les hommes et la nécessité de limiter les disparités excessives entre eux, mais elle s’avère incapable d’instituer la fraternité. Celle-ci est un don surnaturel. Pour sa part, l’Église voit la réalisation de la fraternité humaine sur la terre comme une vocation contenue dans le dessein créateur de Dieu dont elle veut devenir, toujours plus fidèlement, l’ouvrière à la fois sur le plan universel et sur le plan local comme elle l’est dans les pays que vous représentez près le Saint-Siège.
Si, en accompagnant la mission spécifiquement spirituelle que le Christ lui a confiée, l’Eglise suscite entre ses disciples une proximité particulière, elle n’en désire pas moins apporter sa contribution, sincère et forte, à la formation d’une communauté plus fraternelle entre tous les êtres humains. C’est pourquoi elle s’interdit d’agir à la manière d’un lobby, soucieux de ses seuls intérêts, mais elle œuvre, sous le regard de Celui qui est le Créateur de tous les hommes, en voulant honorer la dignité de tout un chacun. Elle s’efforce donc de mettre l’amour et la paix à la base des multiples liens humains qui relient les personnes les unes aux autres, comme Dieu l’a voulu dans sa sagesse créatrice.
Dans la vie quotidienne, la fraternité trouve une expression concrète dans la gratuité et le respect. Ceux-ci sont appelés à se manifester dans tous les espaces de l’activité humaine, y compris l’activité économique. L’identité profonde de l’homme, son être-en-relation, s’exprime aussi dans son activité économique qui est l’un des terrains de majeure coopération entre les hommes. À travers ma dernière Encyclique, j’ai souhaité mettre en évidence le fait que l’économie est un lieu où le don est lui aussi possible et même nécessaire (cf. Caritas in veritate, nn.34-39).
Toute forme de don est, en définitive, un signe de la présence de Dieu, car il conduit à la découverte fondamentale qu’à l’origine, tout est donné. Une telle prise de conscience ne rend pas les conquêtes de l’homme moins belles, mais elle le libère de la première de toutes les servitudes, celle de vouloir se créer soi-même. Au contraire, dans la reconnaissance de ce qui lui est donné, l’homme peut s’ouvrir à l’action de la grâce et comprendre qu’il est appelé à se développer, non contre ou à côté des autres, mais avec et en communion avec eux.
Néanmoins, si la fraternité vécue entre les hommes peut trouver un écho positif sur le plan de l’« efficacité sociale », il ne faut pas oublier qu’elle ne constitue pas un moyen, mais qu’elle est une fin en elle-même (cf.
Caritas in veritate, n° 20). L’Eglise croit au Christ qui nous révèle que Dieu est amour (cf. Jn 4, 8). Elle est aussi convaincue que pour tous ceux qui croient en la charité divine, Dieu apporte la certitude que « la voie de l’amour est ouverte à tous les hommes et que l’effort qui tend à instaurer une fraternité universelle n’est pas vain » (Gaudium et Spes, 38).Comme diplomates, vous vous intéressez, sans aucun doute, de façon particulière aux différents aspects de la vie politico-sociale que je viens de développer. Durant votre mission auprès du Siège Apostolique, vous aurez la possibilité, Excellences, de découvrir plus directement les actions et les préoccupations de l’Eglise sur tous les continents. Vous trouverez auprès de mes collaborateurs une attention courtoise. Sur vous-mêmes, sur vos familles, sur les membres de vos Missions diplomatiques et sur toutes les nations que vous représentez, j’invoque l’abondance des Bénédictions divines.

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