Abus sexuels : le Saint-Siège prône la transparence et la collaboration avec la justice
Transparence, rigueur et collaboration avec la justice : c’est la ligne adoptée par
l’Église catholique après les révélations d’abus sexuels commis sur des mineurs. Le
Saint-Siège a rendu public ce vendredi une longue note qui restera dans les annales.
Elle va en effet au cœur du problème. Son objectif est de chercher la vérité, de guérir
les blessures et de rétablir la confiance, tout en disculpant Benoît XVI, victime
de critiques sans fondement. La note lui rend également hommage pour sa droiture,
sa cohérence et son souci de la vérité. Ce n’est certes pas la première fois
que le porte-parole du Saint-Siège intervient sur ce dossier. Ces dernières semaines,
sous l’impact de la crise profonde que traverse l’Église, le père Lombardi n’a cessé
d’apporter des éclaircissements, des démentis ou des réponses à certaines allégations
ou attaques visant le Pape. Cette dernière note est cependant d’un tout autre
genre : le père Lombardi se livre là à une réflexion concise, percutante et sans détour
sur les moyens de surmonter la crise et d’éviter à l’avenir la répétition de tels
actes dans l’Église. Les précisions d'Armance Bourgois
Notre
traduction de la note du père Lombardi, directeur du bureau de presse du Saint-Siège,
sur les abus sexuels :
Après la Semaine Sainte, garder le cap
Le
débat sur les abus sexuels, qui ne sont pas que le fait du clergé, se poursuit entre
des nouvelles et des commentaires de différentes teneurs. Comment naviguer dans ces
eaux agitées, tout en maintenant le cap, en répondant à l’Évangile « Duc in altum
– Prends le large »?
Tout d’abord en continuant à tendre vers la vérité et
la paix pour les victimes. Une des choses qui frappe le plus, c’est que beaucoup de
blessures intérieures remontent à la surface après de nombreuses années – voire plusieurs
décennies – mais sont à l’évidence toujours ouvertes. De nombreuses victimes ne demandent
pas de compensation financière, mais une aide intérieure, un jugement dans leur histoire
personnelle douloureuse. Il y a encore quelque chose que nous devons vraiment comprendre.
Nous devons probablement faire une expérience profonde des événements qui ont ainsi
durement touché la vie des personnes, de l’Église et de la société. Au niveau collectif,
la haine et la violence des conflits entre les peuples, que l’on voit difficiles à
surmonter dans une véritable réconciliation, en sont un exemple. Les abus blessent
profondément au niveau personnel. C’est pour cela que les épiscopats ont bien fait
de reprendre avec courage le développement des voies et des espaces de libre expression
des victimes et de leur écoute, sans tenir pour acquis que le problème eût déjà été
abordé et surmonté avec les centres d'écoute institués il y a quelque temps déjà.
De même, les épiscopats ou les évêques, par leurs soins paternels, ont bien fait de
porter une attention spirituelle, liturgique et humaine aux victimes. Apparemment,
le nombre de nouvelles plaintes concernant des abus, comme c'est le cas aux États-Unis,
diminue, mais la voie de la guérison en profondeur ne commence pour beaucoup que maintenant,
tandis que pour d’autres, elle n’a pas encore commencé. Dans le cadre de l'attention
aux victimes, le Pape a écrit être prêt à les rencontrer de nouveau, en s’impliquant
dans le chemin de toute la communauté ecclésiale. Mais c'est un chemin qui, pour atteindre
des effets encore plus profonds, doit se faire davantage dans le respect des personnes
et dans la recherche de la paix.
À côté de l'attention aux victimes, il faut
ensuite continuer à mettre en œuvre avec décision et transparence les procédures correctes
du procès canonique des coupables et de la coopération avec les autorités civiles
en ce qui concerne leurs compétences judiciaires et pénales, en tenant compte des
spécificités de leurs réglementations et des situations dans les différents pays.
Ce n’est qu’ainsi que l’on peut penser restaurer effectivement un climat de justice
et la pleine confiance dans l'institution ecclésiale. On dit que plusieurs dirigeants
de communautés ou d’institutions, par inexpérience ou manque de préparation, ne disposent
pas de ces critères qui peuvent les aider à agir avec détermination, même si cela
peut être très difficile et douloureux pour eux. Mais, alors que la loi civile intervient
au nom de règles générales, la loi canonique doit tenir compte de la gravité morale
particulière de l'abus de confiance commis par des personnes responsables dans la
communauté ecclésiale, et de la contradiction flagrante avec la conduite dont ils
devraient témoigner. En ce sens, la transparence et la rigueur s’imposent en urgence
en tant que témoignage d’un gouvernement sage et juste dans l'Église.
À l'avenir,
la formation et la sélection des candidats au sacerdoce, et plus généralement du personnel
des institutions éducatives et pastorales, sont une condition préalable à la prévention
efficace de possibles abus. Atteindre une saine maturité de la personnalité, y compris
du point de vue de la sexualité, a toujours été un défi difficile ; il l’est aujourd'hui
encore plus, même si de meilleures connaissances psychologiques et médicales sont
une aide importante à la formation spirituelle et morale. On a remarqué que la fréquence
des abus sexuels a été plus élevée dans la période la plus chaude de la « révolution
sexuelle » des dernières décennies. Dans la formation, il faut tenir compte de ce
contexte et du contexte plus général de la sécularisation. Il s’agit au fond de redécouvrir
et de réaffirmer le sens et l'importance de la signification de la sexualité, de la
chasteté et des relations affectives dans le monde d'aujourd'hui, de manière très
concrète et pas seulement verbale ou abstraite. Sa violation ou sa sous-estimation peuvent
être source de désordre et de souffrance. Comme l'a observé le Pape dans sa lettre
aux Irlandais, une vie chrétienne et sacerdotale ne peut répondre aujourd’hui aux
exigences de sa vocation qu’en se nourrissant véritablement aux sources de la foi
et de l'amitié avec le Christ.
Ceux qui aiment la vérité et l’évaluation objective
des problèmes sauront chercher et trouver les informations nécessaires pour comprendre
plus globalement le problème de la pédophilie et des abus sur les mineurs à notre
époque, dans différents pays, et en comprendront ainsi l'étendue et l'omniprésence.
Ils pourront alors mieux comprendre dans quelle mesure l'Église catholique ne partage
pas seulement ses propres problèmes, dans quelle mesure ces derniers présentent pour
elle une gravité particulière et nécessitent des interventions spécifiques, et enfin
dans quelle mesure l'expérience que l'Église accomplit dans ce domaine peut être utile
pour d'autres institutions ou pour la société tout entière. Sur cet aspect, il semble
bien que les médias n'aient pas encore assez travaillé, surtout dans les pays où la
présence de l'Église revêt une plus grande importance, et sur laquelle les flèches
de la critique sont plus facilement pointées. Mais des documents, comme le rapport
national des États-Unis sur la maltraitance des enfants mériteraient d'être mieux
connu pour comprendre quels sont les domaines d'intervention sociale urgente et les
proportions des problèmes. Dans la seule année 2008, aux États-Unis, on a identifié
plus de 62 000 auteurs d’abus sur des enfants, tandis que le groupe des prêtres catholiques
est si faible qu'il n'est même pas pris comme tel en considération.
L'engagement
pour la protection des enfants et des jeunes est donc un domaine immense et inépuisable
de travail qui va bien au-delà du problème de certains membres du clergé. Ceux qui
y consacrent leurs forces avec sensibilité, générosité et attention méritent gratitude,
respect et encouragement de la part de tous, en particulier des autorités de l'Église
et des civils. Leur contribution est essentielle pour la sérénité et la crédibilité
du travail d'éducation et de formation des jeunes dans l'Église et en-dehors d’elle.
Le Pape a justement eu pour eux des paroles fort appréciables dans sa lettre pour
l'Irlande, mais en pensant bien sûr à un horizon beaucoup plus large.
Enfin,
le Pape Benoît XVI, guide cohérent sur la voie de la rigueur et de la vérité, mérite
tout le respect et le soutien que lui expriment déjà de nombreux témoignages reçus
de toutes parts dans l’Église. Il est un pasteur à la hauteur qui fait face avec droiture
et certitude à cette période difficile, où ne manquent ni les critiques ni les insinuations
infondées ; on peut affirmer sans préjugé qu'il est un Pape qui a beaucoup parlé de
la Vérité de Dieu et du respect de la vérité, en en devenant un témoin crédible. Nous
l’accompagnons et nous apprenons de lui la persévérance nécessaire pour grandir dans
la vérité, la transparence, sans occulter les graves problèmes du monde, en répondant
avec patience au compte-gouttes des « révélations » partielles ou présumées qui cherchent
à diminuer sa crédibilité et celle d'autres institutions et personnes de l’Église. Nous
avons besoin de cet amour patient et ferme de la vérité dans l’Église, dans la société
où nous vivons, dans la communication et dans l'écriture, si nous voulons servir et
ne pas tromper nos contemporains.