Commentaire de l’Évangile du cinquième dimanche de carême
Le père About commente l’Évangile selon saint Jean (8, 1-11) du cinquième dimanche
de carême.
Texte
intégral du commentaire
En ce cinquième dimanche de carême, la liturgie
nous propose l’épisode de la femme adultère. Saisissant événement qui nous bouscule
à plus d’un titre : nous y retrouvons notre péché et nous y retrouvons notre jugement.
Nous pouvons nous sentir visé comme accusateur et comme accusé. Car le péché a cette
double incidence de nous rendre coupables et d’effacer nos critères d’évaluation du
mal. Alors nous sommes livrés à nous-mêmes et nous condamnons de plus en plus durement. Il
faut toute la patience et l’immense bonté de Dieu pour rétablir en nous la référence
de son amour. Ainsi, cette femme, qui a péché, se voit accusée et condamnée.
D’après la loi, elle doit être lapidée, tout comme le complice, fautif, absent, ou
déjà absout. Elle n’a plus d’échappatoire, ni de défense. Aux yeux de ses accusateurs,
elle n’existe déjà plus. Elle est le péché par excellence, et ses détracteurs s’en
servent, pour, en même temps, se débarrasser de Jésus, le juste. Et Jésus
semble être placé dans la même spirale de condamnation que cette femme : il ne peut
contredire la loi de Moïse et il ne peut cautionner le péché. C’est bien souvent dans
ce filet que nous-mêmes enserrons le pécheur et le condamnons hâtivement. Que
fait Jésus ? Il ne dit rien. Il attend, il patiente. Il prend le temps, par son silence,
d’interroger muettement les accusateurs : « Êtes-vous sûrs de ce que vous faites ? »
puis il les renvoie à leurs propres consciences, à leurs propres incohérences : « Celui
d’entre vous qui est sans péché, qu’il soit le premier à lui jeter la pierre ! » En
d’autres termes : vous qui assimilez et identifiez le péché au pêcheur en lui interdisant
tout pardon, jugez-vous vous-mêmes selon vos propres critères de condamnation. Et
chacun prend conscience qu’il est indigne de juger, simplement pour condamner, car
il se condamne lui-même parce qu’il sera toujours pécheur. La Loi n’est pas faite
pour condamner, mais pour aimer, tout comme l’homme n’est pas pécheur au cœur de son
âme mais il laisse l’amour de Dieu s’effacer de sa vie. Notre plus grande
erreur est d’associer constamment le péché et le pécheur. Car ainsi, chaque fois que
la personne se présente à mes yeux, je la réduis à son péché.
Mais qu’est-ce
que le péché ? Le mal que j’accomplis et que je transmets au cœur de mes actions ? Oui,
mais, n’est-ce pas plutôt la blessure d’amour que j’ai occasionnée en n’aimant pas,
là où je devais aimer ? Je génère un manque, une absence d’amour flagrant, consciemment,
là où Dieu me demandait d’y placer le bien voilà ce qu’est le péché, et ce manque
génère la souffrance qui s’exprime par le mal.
« Femme, où sont-ils donc ?
Alors personne ne t’a condamnée ? » « Personne Seigneur. » « Moi non plus, je
ne te condamne pas. Va, et désormais ne pèche plus ». Jésus détache le péché
du pécheur : par son interpellation « Femme », et non « Pécheresse », il lui signifie
qu’elle est encore quelqu’un. Par son refus de condamner, il lui dit qu’elle redevient
capable d’être aimée, comme les autres. Par ce « Va et ne pèche plus » il
la ramène à la vie et lui enjoint d’aimer droitement car c’est sa vie qui est en jeu. En
cette approche de fin de carême retrouvons cet appel de Dieu à la vie dans les mots
de Jésus. Mesurons les manques d’amour sérieux que nous avons infligés à Dieu et aux
autres, et supplions Dieu d’en éteindre le mal.