Document final du VIe Congrès mondial sur la pastorale des migrants et des réfugiés
Conseil pontifical pour la Pastorale des migrants et des personnes en déplacement
VIe
Congrès mondial sur la pastorale des migrants et des réfugiés DOCUMENT
FINAL
I. L'ÉVÉNEMENT 1. Le Sixième Congrès
mondial de la Pastorale des migrants et des réfugiés s'est tenu du 9 au 12 novembre
2009, dans l'Aula Magna du Vatican, Via della Conciliazione n° 5. Il avait comme thème
: "Une réponse pastorale au phénomène de la migration dans l'ère de la mondialisation.
Cinq ans après l'Instruction Erga Migrantes Caritas Christi". 2.
Le Congrès a vu la participation de 320 délégués, en provenance de tous les continents,
dont des cardinaux, un patriarche d'une Église Catholique Orientale, des archevêques,
des évêques, des prêtres, des hommes et des femmes appartenant à des congrégations
religieuses, des agents pastoraux, des représentants de mouvements ecclésiaux et d'associations
laïques, des délégués fraternels du Patriarcat Œcuménique, de la Communion Anglicane,
de la Fédération Mondiale Luthérienne et du Conseil Œcuménique des Églises. Étaient
présents en outre des ambassadeurs et des représentants des missions diplomatiques
accréditées près le Saint-Siège, des membres d'organisations internationales et non
gouvernementales, des experts dans des domaines académiques, ainsi que des représentants
d'organisations engagées, directement ou indirectement, auprès des migrants et les
réfugiés.
3. Le Congrès a été ouvert le lundi 9 novembre 2009 par une
Concélébration Eucharistique dans la Basilique Saint-Pierre, présidée par Son Éminence
le Cardinal Tarcisio Bertone, Secrétaire d'État.
4. La Session inaugurale
a commencé par le chant du Veni Creator, suivi du discours de bienvenue de
S.E. Mgr Antonio Maria Vegliò, Président du Conseil Pontifical pour la Pastorale des
Migrants et des Personnes en Déplacement (CPPMPD), dans lequel il a affirmé que la
mondialisation a comporté des bénéfices mais a aussi augmenté la nécessité de migrer
pour nombre de personnes. Cela pose un défi à la société contemporaine à cause de
l'interconnexion entre les différents facteurs qui caractérisent la migration. Pour
l'avenir prochain, de nouveaux instruments et de nouvelles stratégies seront nécessaires
pour faire face aux besoins et aux situations liés au phénomène migratoire qui connaît
une évolution et une croissance en constante augmentation.
5. Ont suivi
les Allocutions Spéciales des autorités et des invités d'honneur, en particulier celles
de Renato Giuseppe Schifani, Président du Sénat de la République Italienne, de William
Lacy Swing, Directeur général de l'Organisation Internationale pour les Migrations
(OIM), de Laurens Jolles, Représentant régional pour l'Europe du Haut commissariat
des Nations Unies pour les Réfugiés (UNHCR) et celle du P. Pierre Martinot-Lagarde,
SJ, Représentant de l'Organisation Internationale du Travail (OIT). Leurs allocutions
ont mis en relief, entre autres choses, l'importance pour l'Église de collaborer avec
les États ainsi qu'avec les Organisations internationales et nationales dans l'effort
de protéger les droits des migrants, des réfugiés, des demandeurs d'asile et des personnes
déplacées au sein même de leur pays, pour une gestion responsable du phénomène, dans
le but de mitiger les graves effets de l'actuelle crise économique sur les travailleurs
migrants.
6. Une des points culminants du Congrès a été l'audience
avec le Pape Benoît XVI, au Palais Apostolique, à midi. Le Saint-Père a fait appel
à l'image de l'ancien peuple biblique qui, fuyant l'esclavage en Égypte avec dans
le cœur le rêve d'une terre promise, traversa la Mer rouge et, au lieu de rejoindre
immédiatement l'objectif désiré, dut affronter la dureté du désert. La migration,
a-t-il dit, est une opportunité pour faire ressortir l'unité de la famille humaine
; l'Église doit donc inviter les fidèles à ouvrir leurs cœurs aux migrants et à leurs
familles, sachant qu'ils ne sont pas simplement un 'problème', mais qu'ils constituent
une 'ressource' qui doit être justement appréciée en vue d'un progrès et d'un développement
authentiques de l'humanité.
7. La séance de l'après-midi a été ouverte
par la première des présentations culturelles, celle du groupe latino-américain, représentant
le continent américain et celui européen. L'Archevêque Agostino Marchetto,
Secrétaire du CPPMPD, a ensuite prononcé une conférence sur le thème "Une réponse
pastorale au phénomène de la migration à l'époque de la mondialisation. Cinq ans après
l'Instruction Erga migrantes caritas Christi". Il a observé que l'Instruction
a été "reçue", en langage théologique, par le Pape Benoît XVI, dans sa première encyclique
sociale Caritas in veritate. Tout au long de son exposé, Mgr Marchetto a mis
en relief les aperçus de cette Encyclique en relation avec les thèmes concernant la
mondialisation et la migration.
8. "Mondialisation et Migrations" a
été le titre de la deuxième conférence de la première journée, tenue par le Professeur
Stefano Zamagni, du Département de Sciences économiques de l'Université de Bologne
(Italie). Il a pris en considération les caractéristiques distinctives de la question
migration à l'époque de la mondialisation, et en particulier les trois suivantes :
la féminisation de la migration entraînant une « care drain », qui va
s'ajouter à la célèbre « brain drain »; la perte de signification de la distinction
traditionnelle entre les pays d'origine, de transit et de destination, au point que
nous parlons aujourd'hui de migrations circulaires, et du cas paradoxal de
l'Afrique. Il a de même critiqué la proposition de fonder les politiques migratoires
sur le "Principe de l'Intégration économique différée sélectivement" et a soutenu
la possibilité de la création d'une Organisation Mondiale des Migrations, comme implicitement
suggéré dans la récente encyclique Caritas in veritate.
9. Une
Table Ronde - dont le thème était "Une réponse pastorale au phénomène de l'urbanisation
et des migrations internes" - a développé ultérieurement l'argument à travers des
présentations s'appuyant sur les expériences de trois continents différents. Pour
l'Afrique, S. Ém. le Cardinal John Njue, Archevêque de Nairobi (Kenya), a parlé du
cas du Kenya où les réfugiés continuent d'affluer dans le pays à la suite de l'aggravation
actuelle du conflit en Somalie. Pour l'Asie, S. Ém. le Cardinal Jean-Baptiste Pham
Minh Mân, Archevêque de Thân-Phô Hô Chí Minh, Hôchiminhville (Vietnam), a décrit la
situation de la migration dans son pays, qui a été changée par une nouvelle politique
de 'portes ouvertes'. S. Ém. le Cardinal Odilo Pedro Scherer, Archevêque de São Paulo
(Brésil), a parlé du continent latino-américain qui a connu ces dernières années une
urbanisation croissante et toujours plus rapide.
10. Le mardi 10 novembre
2009, la session du matin a été présidée par S. Ém. le Cardinal Leonardo Sandri, Préfet
de la Congrégation pour les Églises Orientales, qui a introduit le travail de la journée
par une brève réflexion sur la façon dont le phénomène de la migration affecte les
Église catholiques orientales.
11. À cette introduction a suivi la troisième
Conférence, intitulée "Une approche pastorale spécifique pour les migrants et les
réfugiés jeunes et adolescents", tenue par le P. Gabriele Parolin, Supérieur régional
des Missionnaires Scalabriniens pour l'Europe et l'Afrique. Il a affirmé que les jeunes
migrants ne sont pas différents des autres jeunes de leur âge. Dans la construction
de leur avenir, ils ont besoin d'apprendre à accepter la diversité et à trouver un
rôle dans la société. Il faudrait repenser la pastorale des jeunes, aux niveaux diocésain
et national, afin qu'elle prenne en considération la diversité dans une réalité multiculturelle.
12.
"La coopération entre l'Église d'origine et l'Église d'accueil dans la pastorale des
migrants et des réfugiés" était le thème choisi pour la Table Ronde suivante. La première
présentation à ce propos a été celle de S.E. Mgr Paul Ruzoka, Archevêque de Tabora
(Tanzanie), dont l'approche au thème se fondait sur son expérience en Tanzanie Occidentale,
où il avait prêté son service de pasteur pendant presque vingt ans. S.E. Mgr Renato
Ascencio León, Évêque de Ciudad Juárez (Mexique), a parlé de l'élan imprimé par l'Exhortation
Post-Synodale Ecclesia in America (1999), qui a encouragé les Conférences épiscopales
et les évêques de frontière des États-Unis et du Mexique a poursuivre le dialogue
qui avait toujours existé dans leur ministère d'accueil et de service envers les migrants.
Enfin, Mgr Aldo Giordano, Observateur Permanent du Saint-Siège au Conseil de l'Europe
(Strasbourg), auparavant Secrétaire général du Conseil des Conférences épiscopales
européennes, a affirmé qu'au cours de ces dix dernières années les évêques d'Afrique
et d'Europe ont eu une expérience de communion et solidarité ciblée sur des questions
relatives aux migrations.
13. La deuxième présentation culturelle, tenue
par des migrants africains, a eu lieu au début de la session de l'après-midi, et a
été suivie par la 4ème Conférence sur le thème "Une approche pastorale
vers une meilleure intégration des migrants et des réfugiés dans le contexte du dialogue
œcuménique, interreligieux et interculturel", présentée par S.E. Mgr Josef Voss, Président
de la Commission épiscopale allemande pour les Migrations. Celui-ci a affirmé que
l'Église se considère la promotrice d'une politique d'intégration qui ne sert pas
seulement les intérêts de la société d'accueil, mais aussi les besoins des migrants
et des réfugiés. De par sa nature, l'Église est une communauté de croyants de toutes
les langues, races et peuples, et elle est donc elle-même un lieu d'intégration. Travailler
dans le contexte de la migration et des déplacements veut dire avoir affaire aux personnes
de foi chrétienne et aux personnes d'autres religions et cultures. La perspective
œcuménique aide à prendre sérieusement en considération toute culture où la vie de
la foi est exprimée, afin que les migrants puissent vivre leur foi dans leur culture
et dans leur traditions.
14. La réponse chrétienne a été amplifiée à
travers les interventions des délégués fraternels. Le Représentant du Patriarcat Œcuménique,
Son Éminence le Métropolite Stephanos de Tallinn et de Toute l'Estonie, a rappelé
que la parabole du Jugement Dernier dans l'Évangile de Matthieu insiste sur le fait
que le critère pour notre entrée dans le Royaume sera notre attitude envers les pauvres
et les étrangers. Les Églises doivent donc se mobiliser entre elles et adopter des
attitudes et des comportements cohérents avec les préceptes de l'Évangile.
15.
Au nom de la Communion Anglicane, le Chanoine Nicholas Sagovsky a affirmé que c'est
en premier lieu l'Église locale qui accueille les migrants et les réfugiés arrivant
dans la communauté. Récemment, cette année, la décision a été prise d'insuffler une
nouvelle vie au Réseau anglican pour les réfugiés et les migrants, qui prépare actuellement
une consultation internationale réunissant les représentants de toute la Communion
Anglicane, ainsi que des invités œcuméniques et d'autres collègues.
16.
Madame Franca Di Lecce, Directeur du Service pour les réfugiés et les migrants de
la Fédération des Églises évangéliques d'Italie, qui représentait la Fédération luthérienne
mondiale, a affirmé que le thème des migrations est actuellement très central dans
les réflexions des Églises protestantes, avec la dignité de la personne humaine et
le caractère central des droits humains comme élément au cœur du débat. Les politiques
actuelles sur la migration n'ont fait qu'augmenter les situations irrégulières, le
trafic d'êtres humains, la marginalisation, les tensions sociales, la méfiance et
le racisme.
17. Madame Carla Khijoyan, responsable du Programme pour
les migrations et la justice sociale du Conseil Œcuménique des Églises, a parlé de
la migration come l'une des conséquences inévitables de la mondialisation qui a un
impact massif sur l'Église et le mouvement œcuménique local. Récemment, le COE s'est
servi du mandat biblique d''accueillir les étrangers' pour défier les Églises à entreprendre
une plus vaste action en faveur des migrants. La création, par le COE, du Réseau Œcuménique
Global sur la Migration a réuni des partenaires à un niveau mondial.
18.
Le mercredi 11 novembre 2009, la matinée a commencé par la 5ème Conférence,
tenue par Madame Daniela Pompei de la Communauté de Sant'Egidio (Italie) sur le thème
"Besoins et défis de la coopération œcuménique et interreligieuse dans la situation
actuelle des migrants et des Réfugiés (L'expérience des mouvements ecclésiaux)". Elle
a affirmé que le dialogue et la coopération entre les Églises et les religions sont
devenus une nécessité pour des millions de personnes qui vivent et croient de différentes
manières, les uns à côté des autres. Les mouvements ecclésiaux ont aussi contribué
à l'effort de construire un cadre chrétien pour l'interaction qui est ouvert au dialogue
et à la rencontre des autres.
19. "Coopération entre l'Église et les
institutions civiles pour le bienêtre des migrants et des réfugiés" était le titre
de la 6ème Conférence, tenue par John Klink, Président de la Commission
Internationale Catholique pour les Migrations (CICM). La relation de l'Église avec
la société civile et ses institutions s'est récemment caractérisée par un partage
des responsabilités. Pour l'Église, un des moyens les plus efficaces pour poursuivre
et intensifier sa coopération avec les institutions civiles en faveur des migrants
et des réfugiés est le soutien du Saint-Siège à l'établissement et au renforcement
de ces institutions, y compris les Nations Unies. Les contributions des années récentes
du Saint-Siège aux Nations Unies ainsi que le rôle important de la CICM dans le plaidoyer
pour la migration globale illustrent bien dans les domaines dans lesquels l'Église
peut réaliser, et réalise effectivement, des changements positifs en faveur des réfugiés
et des migrants.
20. La session de l'après-midi a été ouverte par la
troisième présentation culturelle, offerte par un groupe de jeunes migrants philippins
qui représentaient l'Asie et l'Océanie. A suivi une Table Ronde sur
le thème "La pastorale des migrants et des réfugiés dans les prisons et dans les camps
de détention". S.E. Mgr John Charles Wester, évêque de Salt Lake City (USA), a parlé
de la détention des immigrants sans-papiers aux États-Unis et des défis que l'Église
affronte pour prêter son assistance pastorale à une population toujours croissante
et inaccessible. S.E. Mgr Giovanni Innocenzo Martinelli, OFM, Vicaire Apostolique
à Tripoli (Libye), a affirmé qu'aujourd'hui en Libye l'Église est formée entièrement
par des étrangers, tous immigrants. Grâce à l'autorisation des autorités carcérales,
il est possible de visiter les détenus dans les prisons situées dans les différentes
zones de Tripoli et dans ses alentours, ainsi que ceux qui sont emprisonnés dans un
centre à Misurata, environ 650, tous Érythréens, et dont la plupart sont des chrétiens.
Enfin, en parlant la situation italienne, Mgr Giorgio Caniato, Inspecteur général
des Aumôniers des prisons, a affirmé qu'il y a des immigrants dans les prisons italiennes
car ils ont violé des lois du pays et a parlé du rôle actif des l'Inspecteur et des
Aumôniers dans la pastorale pour les migrants emprisonnés.
21. Le 'Festival
des Peuples' s'est déroulé à la fin des différentes sessions de la journée. Il a été
organisé par 'Migrantes', une fondation de la Conférence épiscopale italienne.
22.
Le jeudi 12 novembre 2009, la session conclusive a commencé par une Assemblée générale
et par la présentation du projet de Document Final, avec des conclusions et des suggestions
pour l'avenir. Une discussion animée a suivi, conduite par l’Archevêque Secrétaire
Agostino Marchetto.
23. Les sessions du Congrès ont été présidées respectivement
par : S.E. Mgr Antonio Maria Vegliò (Président du CPPMPD), S. Ém. le Cardinal Gabriel
Zubeir Wako (Archevêque de Khartoum, Soudan), S. Ém. le Cardinal Leonardo Sandri (Préfet
de la Congrégation pour les Églises Orientales), S. Ém. le Cardinal Pedro Rubiano
Sáenz (Archevêque de Bogotá, Colombie), S. Ém. le Cardinal André Vingt-Trois (Archevêque
de Paris) et S. Ém. le Cardinal Elio Antonelli (Président du Conseil Pontifical pour
la Famille). Les sessions du matin ont été modérées par S.E. Mgr Agostino Marchetto
(Secrétaire du CPPMPD) et celles de l'après-midi par Mgr Novatus Rugambwa (Sous-Secrétaire
du CPPMPD).
24. Formés suivant les langues utilisées pendant le Congrès,
quinze groupes se sont réunis chaque jour, en donnant ainsi aux participants l'opportunité
de partager leurs expériences, d'offrir des suggestions pouvant aider le petit groupe
ad hoc à préparer les conclusions et les recommandations pour le Document Final
et à exprimer les espérances et les indications pour des plans d'action futurs.
25.
Le Congrès s'est conclu par les remerciements exprimés par le Président du CPPMPD,
par une réflexion sur les journées à peine passées et, enfin, par la prière de l'Angelus.
II.
CONCLUSIONS
La migration, un phénomène à l'époque de la mondialisation,
un signe des temps
1. Nous nous trouvons à une époque de changements
très rapides et sans précédent. L'actuel degré très élevé d'interactions entre
les personnes et les nations, l'inter-échange rapide d'idées, d'argent et de commerces
ont donné lieu à une époque complètement nouvelle qui a comporté des progrès et des
régressions, des gains mais aussi des pertes, de nouveaux défis et de nouvelles opportunités,
mais aussi de nouvelles souffrances. Les structures et les composantes de la société
traditionnelles semblent ne plus pouvoir offrir les mêmes certitudes qu'auparavant.
Les guerres et la violence n'ont cessé de faire des victimes. Des signaux inquiétants
des changements climatiques détériorés, qui ont commencé à faire déplacer de vastes
groupes de personnes, augmenteront, et la crise économique, l'une des différentes
facettes de notre monde globalisant, a intensifié l'incertitude et la conscience
de nouvelles vulnérabilités et de l'affliction humaine.
2. La migration
est un signe des temps, qui affecte profondément nos sociétés. Sa portée et
ses dimensions n'ont cessé d'augmenter de façon dramatique et, selon les prévisions,
elles continueront de le faire à l'avenir. Son interconnexion avec les différents
facteurs économiques, sociaux, politiques, religieux, culturels et afférents à la
sécurité, qui définissent notre monde globalisé, renforce le sentiment de vulnérabilité
et multiplie les questions concernant les modèles traditionnels de cohésion sociale.
Nous semblons chercher simultanément de meilleurs modèles d'accompagnement des immigrants
et une redéfinition de la société dans laquelle ils devraient s'intégrer. Dans un
tel monde, marqué par des nouveaux signes de peur et par l'absence d'un sens de l'hospitalité,
la centralité de la personne humaine et sa dignité, avec les droits et les devoirs
correspondants, acquièrent une importance toujours croissante. 3. La migration
est donc aussi une invitation à imaginer un avenir différent, visant le développement
de l'humanité dans sa totalité, incluant par conséquent tout être humain, homme ou
femme, avec son potentiel spirituel et culturel et sa contribution à un monde plus
équitable marqué par une solidarité globale et un plein respect de la vie et de la
dignité humaines. Le Pape Benoît XVI a défini la migration "une grande ressource pour
le développement de l'humanité" et, dans son allocution inaugurale à ce Congrès, il
a souligné une fois de plus l'importance du macro-phénomène de la migration comme
appel à indiquer et à mettre en relief l'unité de la famille humaine de même que la
valeur chrétienne de l'accueil de l'étranger.
4. Certes, la migration
est un phénomène qui a toujours existé. Elle fait partie de notre présent,
tout comme de notre passé et de notre avenir. Elle est favorisée par les déséquilibres
démographiques et économiques, par des gouvernements inadéquats, par les conflits,
l'absence de liberté, la pauvreté et les désastres environnementaux, ainsi que par
la conscience croissante de la possibilité de nouvelles et meilleures perspectives
de vie. La migration est souvent décrite comme une réalité dramatique qui, très souvent,
aurait pu être évitée. " Nous sommes tous témoins du poids de souffrances, de malaise
et d’aspirations qui accompagne les flux migratoires", a écrit le Pape Benoît XVI
dans Caritas in veritate (n° 62) et il est maintenant clair que les réponses
de la société sont souvent inadéquates, car le monde est resté sourd à la plainte
demandant une solution aux différents besoins qui sont à la racine de la décision
de migrer et de ses conséquences inévitables.
5. La migration est
un défi aux multiples facettes : elle montre que les thèmes de la sécurité
et de la peur sociale peuvent facilement conduire à une augmentation de la discrimination,
de la xénophobie, du racisme et même à la criminalisation du migrant, ce qui ne fait
qu'aggraver le problème sans toutefois fournir de réponses aux besoins réels de l'humanité
sans offrir d'alternatives valables à notre monde malade. Elle confronte la société
du XXIème siècle au trafic d'êtres humains, à la contrebande, aux enlèvements,
au travail forcé, aux personnes apatrides, aux faux mariages, aux mariées migrantes
commandées « par courrier » et à de nouvelles formes d'esclavage humain qui contraignent
en particulier les femmes et les enfants à la prostitution, ainsi qu'au travail forcé.
6.
La souffrance humaine devient évidente dans un grand nombre de situations dramatiques,
par exemple dans le cas de personnes qui essayent de traverser un désert ou de boat
people qui meurent ou sont jetés par-dessus bord, ou simplement ceux à qui on
refuse le secours et l'accès au territoire national et sont refoulés, ou qui, dans
la meilleure des hypothèses, arrivent dans des conditions lamentables. La détention
arbitraire, parfois même la torture dans les camps de détention, ou simplement la
déportation dans leurs pays d'origine sont probablement leur destin. Toutefois, ces
tragédies n'affectent pas seulement les migrants eux-mêmes mais aussi les pays d'accueil
qui n'ont pas nécessairement la capacité de porter le fardeau d'un nombre d'arrivées
croissant. Fondamentalement, il est clair que les politiques d'immigration caractérisées
par une attitude défensive et restrictive divisent et détruisent les familles, que
les troubles sociaux chez la population locale sont engendrés par la peur du chômage
due à la présence des travailleurs immigrés et que le bouleversement social chez les
migrants est causé par l'injustice sociale. On ne s'occupe pas suffisamment des questions
de bien-être, des systèmes de sécurité sociale et des modèles d'intégration, tandis
que le degré d'intégration dans le marché du travail du pays d'accueil ne correspond
pas à celui de l'intégration sociale. En contradiction évidente avec les attitudes
restrictives, les économies globales ont besoin d'une mobilité humaine accrue et
elles la promeuvent.
7. Tandis qu'aujourd'hui les médias signalent
un progrès dans nos économies, les migrants sont encore en train de se mesurer avec
toute l'étendue du dommage causé par la crise actuelle qui, suivant les estimations
de l'Organisation mondiale du Travail, devrait avoir provoqué la perte d'environ 50
millions d'emplois. La disponibilité de main d'œuvre et le droit au travail sont des
pacificateurs sociaux qui aident au rétablissement de l'espérance et de la confiance
dans les sociétés, mais la crise économique a mis en relief combien les migrants
sont affectés par les licenciements et comment cela se traduit par une diminution
du flux des remises. L'intégration et la cohésion sociales ont, en outre, été affectées
par une diminution du respect des principes fondamentaux de la loi internationale
et des droits des migrants en matière de travail. De plus, nombre de migrants licenciés
ayant choisi de rester dans le pays d'accueil en attendant une amélioration de la
situation économique, il est probable qu'on assistera à une augmentation des séjours
irréguliers. Dans ce cas aussi, la mobilité humaine pose des questions fondamentales
quant à la fraternité et à la solidarité universelles, au développement et à l'interdépendance
globale : "La société toujours plus mondialisée nous rapproche, mais elle ne nous
rend pas frères" (Caritas in veritate, 19).
8. Celles qu'on
vient de citer et les nombreuses autres facettes de l'image kaléidoscopique des causes
et des conséquences des migrations indiquent combien celles-ci dépassent les mécanismes
de réponse nationaux. Il y a un profond besoin d'une vision universelle des relations
internationales et d'une attention renouvelée à la personne humaine créée à
l'image de Dieu. Étant donné le grand nombre de changements dans la société et
les immenses défis engendrés par la mobilité humaine, l'Église n'a pas le choix :
elle doit agir, en adressant ses efforts directement à la proclamation du Royaume
de Dieu (cf. Erga migrantes caritas Christi, 96-97, 101-103).
9.
Pour l'Église, le macro-phénomène de la migration est un thème pastoral prioritaire.
Même si, d'une façon ou d'une autre, une analyse contextuelle sera toujours nécessaire,
l'Église peut aider les migrants à conserver leur foi et leur culture et en même temps
rendre le pays d'accueil ouvert à la culture du pays d'origine des migrants en réunissant
le migrant et les communautés locales. La solidarité est le premier pas vers un partage
des valeurs religieuses entre les communautés locales et celles des migrants. Cela
peut conduire à l'évangélisation ou au renouveau de la foi de ceux d'entre eux qui
ont été sécularisés. La migration est aussi une importante opportunité œcuménique.
10.
L'Instruction Erga Migrantes Caritas Christiest une récente
importante étape dans la pastorale des migrants, remontant à plus de cent ans, qui
confère un nouvel élan et une nouvelle direction à l'élaboration de réponses adéquates
à ce phénomène global. Ce document introduit un nouveau langage théologique et représente
un événement clé en particulier pour ce qui est de la 'catégorisation' des migrants
; il contribue à la construction d'une nouvelle prise de conscience accrue de la nécessité
d'encourager la pastorale des migrants aux niveaux local, national, international,
continental et universel. Il motive le dialogue et la responsabilité partagée entre
les Églises d'origine, de transit et de destination. En outre, l'Instruction contribue
à renforcer les mécanismes de coordination pastorale nationaux et diocésains et encourage
la formation d'agents pastoraux dont la tâche est de développer et de mettre en œuvre
des services pastoraux spécifiques en faveur des migrants. Cinq ans après sa publication,
on peut dire que le document a été bien ‘accueilli’, mais mérite une diffusion encore
plus ample car il pourrait servir, aussi à un niveau politique, à influencer les politiques
sur la migration. Il a semblé que l'organisation de congrès, comme l'actuel VIème
Congrès Mondial et les deux Congrès continentaux sur la pastorale des migrants et
des réfugiés tenus à Bangkok (6-8 novembre 2008) et à Nairobi (2-5 juin 2008), ait
été très utile. De tels efforts doivent être poursuivis et multipliés afin de devenir
des opportunités d'échanges fructueux.
11. On constate également des
signes de partage des responsabilités et de communion entre les Églises d'origine
et celles d'accueil. Des relations constantes entre les Églises
d'origine et celles d'accueil ont permis non seulement une meilleure compréhension
du phénomène mais ont promu des mesures très pratiques telles que l'envoi d'aumôniers
pour les migrants afin de diligenter l'aspect fondamental de cette pastorale spécifique.
De plus, cette collaboration s'est démontrée utile dans l'arène politique internationale
par un poids politique accru, qui a conduit à une plus grande efficacité et à davantage
d'autorité. On perçoit que les nombreux efforts bilatéraux et multilatéraux pour lier
l'Église locale d'origine aux Églises de transit et de destination ont grandement
contribué à engendrer une nouvelle mentalité, à renforcer la coordination, à établir
des formes concrètes de coopération et à créer différentes Commissions ad hoc.
Naturellement l'impact d'une telle collaboration est différent dans les cas où le
migrant est présent seulement pour une période de temps limitée, comme dans la migration
temporaire ou dans celle circulaire. Ce modèle semble être préféré par les pays d'accueil
mais mérite d'être mis en question. Étant donné que ces formes de migration établissent
des identités sociales doubles, l'une dans la patrie d'origine et l'autres dans le
pays d'accueil, sans assurer une continuité entre les deux ou dans l'une des deux,
la collaboration entre les structures diocésaines dans tous les pays impliqués est
encore plus nécessaire.
12. Il est aussi à signaler que, dans plusieurs
instances, l'Église s'est chargée à plusieurs reprises d'assumer la défense
des droits et de la dignité de l'homme. Elle a renforcé son engagement au nom
des migrants vulnérables, en particulier des femmes et des mineurs. Elle a joué un
rôle de médiateur dans des situations de conflit et de promoteur d'un développement
véritable. Elle a aussi exprimé sa préoccupation sur la situation de certains camps
de détention où les conditions de vie sont une question humanitaire et le respect
des droits humains fondamentaux doit être réaffirmé.
13. À travers ses
différentes structures de solidarité spécialisées et ses organisations charitables,
l'Église a développé des actions opératives concrètes pour répondre aux
multiples besoins, blessures et vulnérabilités de ceux qui ont laissé leur famille
derrière eux et/ou sont arrivés dans des situations précaires. Des centres d'assistance
pour les migrants vulnérables, en particulier les femmes et les enfants, les victimes
du trafic d'êtres humains et les mineurs non accompagnés, ont été ouverts. L’assistance
familiale et aux traumatismes psychologiques (guérison des mémoires) a été assurée
et des programmes de protection pour les enfants ont été développés. Dans l'attente
de trouver des solutions durables, l'assistance a été assurée aux demandeurs d'asile,
aux refugiés et aux personnes déplacées à l'intérieur de leur pays. Des manifestations
transnationales ont été organisées, des centres pour promouvoir la sensibilisation
pour la communauté chez les nouveaux arrivants ont été créés et des contacts interrégionaux
ont été établis. Les efforts de l'Église ont largement contribué à la promotion de
mesures d'intégration (qui n'est pas assimilation) et ont fourni des conseils adéquats
dans le cadre des programmes concernant la nationalité/naturalisation. Même les petites
Communautés ecclésiales ont démontré leur utilité dans le processus d'intégration.
Il faut en outre souligner le rôle et l'engagement de nombreuses congrégations religieuses,
ainsi que ceux de différents mouvement ecclésiaux, groupes et associations laïcs dans
l'assistance et le travail avec et en faveur des migrants et des réfugiés.
14.
Les migrants ne sont pas seulement des objets de préoccupation, ils doivent
avoir la possibilité de devenir les protagonistes de leur avenir (Cf. EMCC,
100). Ils doivent être intégrés graduellement dans l'Église locale du pays d'accueil
qui, par l'assomption de responsabilités spécifiques de la part des migrants, pourra
acquérir de nouvelles forces. Les migrants peuvent être des prêtres, ou ils peuvent
exercer les fonctions de lecteurs laïcs, de catéchistes ou de ministres extraordinaires
de la sainte Communion. Quand, dans les pays d'accueil, les migrants sont dispersés,
il est difficile de se mettre en contact avec eux, mais dans les lieux où la densité
de migrants est élevée une action chrétienne suivie intègre les nouveaux arrivants
en étendant ainsi la structure sociale existante. Étant donné que les migrants sont
encouragés à prendre part aux missions sociales, leur Église d'accueil devrait démontrer
son ouverture aux autres cultures et traditions. Leur intégration graduelle doit être
facilitée par les pasteurs provenant de leur pays d'origine pour pourvoir à leurs
besoins. Si cela n'est pas possible par manque de prêtre, EMCC prévoit la présence
d'agents pastoraux qui parlent leur langue et/ou connaissent leur culture. Des anciens
missionnaires dans les pays d'origine des migrants, qui sont des ressortissants du
pays d'accueil et y sont rentrés, peuvent être une ressource précieuse à cet égard.
15.
Une attention particulière est accordée aux jeunes migrants et réfugiés, dont
les questions existentielles sont souvent très sérieuses, car ils formulent leur identité
en des termes de problèmes liés à la signification de la vie, de la justice sociale,
de la sauvegarde de la création et de la relation avec Dieu. Il est fréquent de trouver
des jeunes personnes qui sont sérieusement à la recherche d'un sens religieux de leurs
vies. Cela met en relief le rôle crucial de l'Église pour l'accompagnement dans leur
recherche d'un sens et dans la formation de leurs valeurs. Leur présence constitue
une opportunité privilégiée pour établir des échanges culturels pouvant ouvrir la
perspective d'une action visant la tolérance et la cohabitation pacifique dans la
société de demain. Ils vivent souvent une situation qui présente le risque concret
d'une double marginalisation, car ils expérimentent simultanément un éloignement croissant
de la culture de leurs parents et un rapprochement insuffisant entre eux et la société
d'accueil. Les Organisations catholiques pour la jeunesse donnent aux jeunes migrants
un sentiment d'appartenance et leur offrent une formation qui les aide à rester fidèles
à leur patrimoine religieux. Dans différents pays, des programmes spécifiques ont
été entrepris pour rapprocher les communautés catholiques des jeunes migrants, dans
le but de modifier leur perception de l'Église comme trop distante, renfermée dans
ses positions et non attentive à la diversité culturelle. Ils leurs offrent aussi,
si nécessaire, un environnement sûr qui leur permette d'éviter les activités de délinquance,
telles que le trafic d'êtres humains ou de drogues ou la violence armée, ainsi que
les sectes qui, souvent, offrent de fausses réponses à leurs besoins existentiels.
16.
Les enfants restés dans les pays d'origine payent un prix très élevé pour la
faible amélioration des conditions matérielles que leur offrent leurs parents travaillant
à l'étranger. Leur vision de la société de demain peut être déjà forgée par le concept
matérialiste de migrer pour gagner davantage. C'est pourquoi, les familles séparées
et transnationales, dont l'unité est souvent plus virtuelle que réelle, compromettent
probablement l'éducation de leurs enfants et la société de demain. L'absence des parents
dans le processus de l'éducation des enfants est une forme de « care drain » dont
il faut s'occuper de près et attentivement.
17. Les migrants appartenant
aux Églises orientales catholiques peuvent trouver leur chemin dans les diocèses
d'arrivée mais ils ont besoin de garder leurs liens avec l'Église de leur rite. Certains
diocèses ont établi une relation étroite avec ces Églises. Des efforts sont faits
pour assurer le contact avec leur éparchies d'origine afin de sauvegarder leur spiritualité,
leurs valeurs religieuses et leur liturgie. Dans certains cas, on organise des pèlerinages
vers les pays d'origine pour permettre aux migrants de se réunir avec leurs traditions,
leur patrimoine et leur héritage.
III. RECOMMANDATIONS
A.
Pour encourager la pastorale des migrants et des réfugiés dans l'Église catholique 1.
Les structures de l'Église devraient être renforcées et développées à travers la collaboration
et la création de réseaux entre les évêques des pays d'accueil et de transit et ceux
des pays d'origine, par exemple par l'organisation de rencontres interdiocésaines
destinées aux migrants. Il est important de valoriser l'importante contribution et
l'expérience qu'offrent les instituts de vie consacrée, les sociétés de vie apostolique,
les mouvements ecclésiaux, les groupes, les associations et les agences d'inspiration
ecclésiale, qui s'engagent tous toujours au mieux.
2. Des cours spécifiques
offrant une meilleure connaissance et compréhension du macro-phénomène de la migration
et de ses implications pastorales devraient être inclus dans la formation des prêtres,
des religieux, hommes et femmes, et des membres des mouvements ecclésiaux, ainsi que
des groupes et des associations laïques. Ces cours devraient prévoir l'étude de l'Instruction
Erga migrantes caritas Christi et de la Doctrine sociale de l'Église. Il faudrait
aussi développer une meilleure articulation de la théologie de la migration qui mette
en relief l'universalité de l'Église, qui est itinérante et migrante. Il est également
important d'offrir une formation spécifique aux prêtres et aux agents pastoraux qui
s'occupent des besoins des migrants dans des circonstances particulières.
3.
Pour mieux soutenir les communautés des migrants et les aider à préserver leurs cultures
et leurs traditions religieuses en vue de leur intégration, les agents pastoraux et
les médiateurs culturels devraient recevoir une formation appropriée et les aumôneries
devraient être revitalisées.
4. Il faudrait réserver une attention
particulière aux migrants et aux réfugiés appartenant aux Églises catholiques orientales
qui, tout en tenant compte des droits et des devoirs du diocèse d'accueil, souhaitent
et ont le droit de conserver leurs liens avec l'Église de leur rite.
5.
Les stratégies à long terme, allant au-delà des réponses immédiates d'accueil et de
solidarité, devraient être développés constamment afin d'insérer l'important potentiel
de la catholicité dans des modèles concrets.
6. Il faudrait mettre
en place des Commissions épiscopales nationales pour la pastorale des migrants et
des réfugiés, ou, au moins, désigner un évêque promoteur.
B. Pour les jeunes
migrants 7. L'Église devrait ouvrir ses bras à tous les migrants,
quels que sont leur âge, leur croyance ou leurs convictions. En transformant l'Église
en un point de rencontre surtout pour les jeunes migrants, l'effet négatif de la sécularisation
pourrait être neutralisé, contribuant ainsi à transformer la migration en une opportunité
pour l'évangélisation, dans le plein respect du choix de chacun. Ceci exige une vision
claire, des directives pastorales spécifiques, du dévouement et un amour fraternel
pour atteindre les jeunes migrants.
8. L'Église devrait réaliser de
nouvelles structures qui répondent aux nécessités spécifiques des jeunes migrants
et réfugiés, qui prennent en considération leurs points d'intérêt, et s'adresser en
particulier aux mineurs non accompagnés, qui méritent une attention particulière.
Cela pourrait se faire par exemple par la promotion et le développement de mouvements
sociaux d'inspiration ecclésiale pour l'intégration des jeunes migrants et en promouvant
des actions pastorales et sociales incluant des initiatives éducationnelles.
9.
On devrait encourager les Églises locales à incorporer dans leurs programmes pastoraux
la foi et la formation aux valeurs des enfants dont l'un des deux parents au moins
est étranger, tandis que les Églises d'origine devraient être encouragées à développer
des programmes répondant aux besoins des familles des migrants qui sont restées dans
le pays.
C. Pour la vie en communauté et les différentes formes de collaboration 10.
Les Diocèses devraient chercher à entreprendre des actions concrètes en vue de réduire
la méfiance réciproque croissante entre migrants et réfugiés et leurs communautés
d'accueil. L'Église peut concrètement les encourager tous à vivre ensemble pacifiquement
et à développer une culture de la réciprocité dans le monde. Dans ce contexte, les
associations de migrants et de réfugiés catholiques ne doivent pas être simplement
vues en termes d'identité et de niveaux de protection, mais davantage comme des promoteurs
d'une participation active des migrants et des réfugiés à la vie de la société, en
union avec les membres des communautés locales.
11. Les Églises locales
devraient promouvoir la collaboration entre les associations de migrants et de réfugiés
et les différents acteurs de la société locale, aussi bien religieuse que civile,
pour faciliter l'intégration à travers la création d'espaces de rencontre, de campagnes
pour l'éradication de la discrimination, de la xénophobie et du racisme, et des services
concrets d'intégration socioculturelle. À cet effet, les congrégations religieuses,
les mouvements ecclésiaux et les associations laïques constituent d'excellentes ressources
à prendre en considération.
12. Il faudrait développer la collaboration
entre la pastorale spécifique pour les migrants et la pastorale pour ceux d'entre
eux qui sont privés de leur liberté (en prison ou dans les camps de détention). Pour
ce faire, il ne faudrait pas négliger les contacts, quand cela est nécessaire, avec
les ambassades des pays d'origine des détenus. Les aumôniers des prisons et des camps
de détention pourraient établir un réseau avec le personnel qui s'occupe des plaidoyers
et les missionnaires rentrés dans le pays, afin d'avoir davantage de possibilités
de répondre aux besoins spirituels et juridiques de ceux qui sont emprisonnés, ainsi
qu'aux demandes de contacts avec les familles. Les aumôniers pourraient aussi servir
de point de contact pour les familles restées au pays d'origine à travers les services
de la Commission épiscopale locale pour les migrants et les réfugiés.
D.
Pour les autres Églises et les autres communautés ecclésiales 13. Les
migrants catholiques et tous les migrants chrétiens représentent pour l'Église une
force missionnaire significative. Ils sont donc instamment appelés à être forts dans
leur foi et à garder leur contact avec l'Église locale, où ils se trouvent, pour pouvoir
jouer efficacement leur rôle missionnaire dans leurs pays d'accueil. De fait, la foi
chrétienne a été "semée" dans le monde, en tout temps, surtout à travers des migrants.
14.
L'activité œcuménique « en réseau » dans le domaine de la migration devrait être promue,
car elle peut constituer une importante contribution à la paix et à la réconciliation,
quand la diversité n'est pas considérée une raison d'exclusion, mais une opportunité
d'enrichissement et de croissance. À long terme, l'œcuménisme pourrait représenter
un contexte approprié pour la coopération entre les Catholiques et les représentants
d'autres Églises et Communautés ecclésiales, dans les efforts de plaidoyer qui doivent
être poursuivis et encouragés dans tous les pays et dans toutes les communautés.
E.
Pour les gouvernements, la société civile et les autorités locales 15.
L'Église devrait développer et étendre sa coopération avec les gouvernements, la société
civile et les autorités locales en vue de satisfaire les besoins des migrants et de
défendre leur dignité et leurs droits. On pense que l'Église locale devrait travailler
plus de près avec ceux qui, dans le gouvernement local et dans celui national, élaborent
les politiques concernant les migrants et les réfugiés, même si ceux-ci appartiennent
à des traditions chrétiennes différentes ou à d'autres religions. Toutefois, l'Église
doit conserver son autonomie dans ses efforts pastoraux, et tout accord avec les institutions
civiles ne doit pas saper les obligations afférentes à sa nature.
16.
Dans l'accompagnement des migrants, des réfugiés, des migrants forcés et des personnes
déplacées à l'intérieur de leur pays, l'Église devrait assumer un rôle de médiation
et de plaidoyer entre ceux-ci et les autorités locales, aussi en les soutenant d'un
point de vue juridique, médical ou autre, en luttant contre le trafic d'êtres humain
et l'exploitation, en protégeant les plus vulnérables, en insistant sur une approche
basée sur le respect des droits et en promouvant la réunification familiale. Les évêques
devraient aussi intensifier leur engagement en condamnant les violations des droits
humains des migrants et en plaidant en faveur d'une attitude positive envers les migrants
et les réfugiés dans leurs diocèses, mais aussi en suggérant que les bâtiments inutilisés
servent de refuge temporaires et à satisfaire leurs besoins de base. Disposant d'une
structure extrêmement capillaire, l'Église pourrait établir des réseaux de communication
en vue de recueillir des informations sur les thèmes de la protection et des activités
d'un grand intérêt pour les communautés locales et celles des migrants.
17.
Les efforts de l'Église devraient également inclure le dialogue international en vue
de discuter et de revoir les politiques de renforcement des frontières, la détention
arbitraire et la citoyenneté. Celle-ci devrait en outre déterminer des stratégies
et contribuer à une réforme internationale et complète de l'immigration qui devrait
être mise en œuvre. L'Église devrait également promouvoir et défendre le concept d'un
statut spécifique du migrant, impliquant les droits et les obligations, ayant un caractère
temporaire ou visant une intégration à long terme. Elle devrait en outre faire le
meilleur usage de ses structures et de ses commissions internationales qui interagissent
déjà avec les organes intergouvernementaux.
18. Il faudrait porter l'attention
sur une migration de retour sûre et volontaire. Ceux qui rentrent devraient être réintégrés
dans leur pays d'origine, en veillant à ce que les compétences qu'ils ont acquis soient
reconnues et non gaspillées, afin qu'elles soient fructueuses pour le processus de
développement local.
19. Il est aussi rappelé qu'on célèbrera en 2010
le 20ème anniversaire de la Convention des Nations Unies sur la protection
des droits de travailleurs migrants et des membres de leurs familles. Ce pourrait
être le moment idéal pour que les Conférences épiscopales encouragent sa ratification
de la part des pays qui ne l'ont pas encore fait. Le statut des demandeurs d'asile
devrait lui aussi constituer une préoccupation constante de l'Église et de ses agences.
20.
L'Église devrait ultérieurement promouvoir, au niveau global, le concept d'une "autorité
politique mondiale" qui devrait traiter les thèmes de la migration, en contribuant
ainsi concrètement au processus en cour à cet égard (cf. Caritas in veritate,
67).
F. Pour la promotion de l'action de l'Église dans le domaine de la
migration 21. La visibilité de l'action de l'Église sur la migration
devrait être accrue par les moyens suivants : - Utiliser au mieux les médias
et les moyens de communication modernes ;- Contrebalancer la couverture médiatique
négative à travers des programmes d'éducation visant à faire ressortir la contribution
positive des migrants à la société, en parlant aussi de la richesse qu'ils produisent
en tant que main d'œuvre bien qualifiée, dans le pays d'accueil et, à leur retour,
dans le pays d'origine. - Promouvoir la Journée mondiale catholique des
migrants et des réfugiés, comme l'a demandé le Saint-Père, et en faire une célébration
et un événement global uniques, exprimant l'attention de l'Église envers les migrants,
les réfugiés et les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. -
Mettre en œuvre l'Instruction Erga migrantes caritas Christi à travers : .
La promotion de campagnes internationales pour combattre publiquement la discrimination,
la xénophobie et le racisme ; . La promotion de rencontres interculturelles
et de projets pour neutraliser les craintes raciales et culturelles, ainsi que le
soupçon et la méfiance. . Le soutien aux migrants afin qu'ils puissent devenir
les défenseurs d'eux-mêmes en manifestant des signes concrets de respect des lois,
de la culture et des traditions du pays d'accueil. Cité du Vatican, 18 janvier
2010