DISCOURS DU SAINT-PÈRE JEAN-PAUL II AUX ÉVÊQUES DE LA CONFÉRENCE ÉPISCOPALE DU SÉNÉGAL,
DE LA MAURITANIE, DU CAP-VERT ET DE GUINÉE-BISSAU, EN VISITE « AD LIMINA APOSTOLORUM
»
Vendredi 29 novembre 1996
Cher Monsieur le Cardinal, Chers Frères dans
l'Épiscopat,
1. Alors que vous accomplissez votre visite ad Limina, c'est
avec grande joie que je vous accueille dans cette maison. Pasteurs de l'Église au
Sénégal, en Mauritanie, au Cap-Vert et en Guinée-Bissau, vous êtes venus manifester
votre communion avec le Successeur de Pierre, trouver force et encouragement auprès
du tombeau des Apôtres afin de poursuivre votre ministère épiscopal à la tête du peuple
qui vous a été confié. À travers vos personnes, ce sont tous les habitants de votre
région que je salue affectueusement, me souvenant encore avec plaisir de mes visites
au Cap-Vert et en Guinée-Bissau en 1990, ainsi qu'au Sénégal en 1997. Je remercie
Mgr Théodore-Adrien Saur, Évêque de Kaolack et Président de votre Conférence épiscopale,
pour l'aimable adresse qu'il m'a présentée en votre nom.
Je formule mes encouragements
aux nouveaux Évêques, spécialement à celui de Nouakchott, diocèse dont je connais
la situation particulière, et à celui de Ziguinchor, où, nous l'espérons tous, finira
par prévaloir une large disponibilité au dialogue qui permette, en Casamance, l'avènement
d'une entente juste et définitive.
Uma saudação particular a Dom Paulino Évora
e a Dom Settímio Ferrazzetta, que, pela primeira vez, realizam a visita «ad limina
» como membros desta Conferência Episcopal. Com eles, trazem uma longa historia de
cristianismo: a diocese de Santiago de Cabo Verde foi constituída em 1533, enquanto
a diocese de Bissau, formada apenas em 1977, iniciará, no próximo dia 8 de Dezembro,
um ano jubilar em que se comemoram os quatrocentos anos dos primeiros baptismos, em
Cacheu.
2. La préparation et la célébration de l'Assemblée spéciale pour l'Afrique
du Synode des Évêques ont été, pour chacun de vos diocèses, un temps de grâce en vue
du renouvellement du témoignage rendu au Christ Sauveur dans vos sociétés. Je suis
heureux de rappeler ici l'engagement de premier plan assumé par le cher Cardinal Hyacinthe
Thiandoum au cours des travaux de ce Synode comme Rapporteur général. Par l'exhortation
apostolique Ecclesia in Africa, j'ai voulu affermir les communautés chrétiennes d'Afrique
dans la foi et « les exhorter à persévérer dans l'espérance que donne le Christ ressuscité,
en surmontant toute tentation de se décourager » [1]. Je vous invite donc à approfondir
et à mettre en œuvre dans vos diocèses les grandes orientations de ce document. Vous
y trouverez la meilleure préparation à l'entrée dans le nouveau millénaire et à la
célébration du grand Jubilé.
Au cours de cette assemblée synodale, en effet,
l'Église a voulu chercher les chemins d'une annonce de la Bonne Nouvelle du Christ
en Afrique, en s'interrogeant sur elle-même, sur ce qu'elle est, et ce qu'elle doit
accomplir afin que sa parole soit pertinente et crédible. Elle a voulu appeler les
chrétiens sur votre continent à affermir leur foi et les stimuler à en témoigner clairement.
Alors que nous entrons dans une nouvelle étape de la préparation du grand Jubilé de
l'an 2000, je vous invite à susciter chez tous les fidèles une « réelle aspiration
à la sainteté, un fort désir de conversion et de renouveau personnel, dans un climat
de prière toujours plus intense et de solidarité dans l'accueil du prochain, particulièrement
des plus démunis » [2]. En approfondissant leur relation avec le Christ, les chrétiens
deviendront ces « pierres vivantes » avec lesquelles s'édifie l'Église Famille de
Dieu, signe et moyen de l'union intime avec Dieu et de l'unité de tout le genre humain
[3].
3. De l'appel à la sainteté découle pour les disciples du Christ l'appel
à la mission. Comme l'a souligné le Synode, c'est dans des Communautés ecclésiales
vivantes que l'Église famille pourra donner sa pleine mesure. Elles sont « d'abord
les lieux de leur propre évangélisation, pour porter ensuite la Bonne Nouvelle aux
autres; elles devront donc être des lieux de prière et d'écoute de la Parole de Dieu,
de responsabilisation des membres eux-mêmes, d'apprentissage de la vie en Église,
de réflexion sur les divers problèmes humains à la lumière de l'Évangile » [4]. Dans
ces communautés, il est nécessaire que les laïcs prennent une conscience renouvelée
de leur vocation particulière, par une participation active et responsable à la vie
ecclésiale. Par son baptême et l'œuvre de l'Esprit Saint, chacun est habilité et engagé
à mettre en œuvre les dons reçus du Seigneur pour le service de ses frères. Je vous
encourage vivement à poursuivre le développement de l'apostolat des laïcs, les incitant
à rendre témoignage au milieu de leurs frères d'abord par une vie fondée sur l'Évangile.
Je salue aussi les catéchistes et tous les laïcs qui sont engagés au service de leurs
communautés ainsi que de l'annonce de la Parole de Dieu.
4. Não posso deixar
de congratular-me convosco, amados Irmãos, pelo grande anseio de formação revelado
pelos agentes pastorais das vossas dioceses, a ponto de algumas destas o terem incluído
entre as suas prioridades de acção. Apraz-me pensar que tal anseio se robusteceu com
a caminhada sinodal empreendida pelas comunidades cristãs africanas, que as levou
a reconhecerem-se como a Família de Deus, cujo « antepassado comum » é Deus criador,
e Cristo o « mais velho » de una multidão de irmãos.
O nascimento de um filho
é motivo de alegria e prenúncio de esperança numa família, mas uma tal esperança necessita
de ser realizada e consolidada pelo crescimento. Ora, à semelhança do que sucede com
a geração e mais do que ela, porque formação ou seja urna espécie de geração continuada,
o crescimento humano requer o empenho e entreajuda de todos os membros da família,
sob pena de acabar como elemento de perturbação e estagnação aquilo que é o seu recurso
decisivo: a pessoa. Visto que a cultura africana tende a privilegiar o comunitário
sobre o individual, o clã sobre a pessoa, e, sem negar a liberdade de cada um, prefere
destacar a sua integração na família, isso pode ajudar a grande Família de Deus, que
é a Igreja em África, a desenvolver, no seu seio e em redor, o calor das relações
humanas, a solidariedade e a confiança mútua.
Este é o ambiente eclesial propício
para a acção formativa; mas não basta o ambiente, como evidencia a Exortação Apostólica
pós-sinodal « Christifideles Laici »: « Não se dá formação verdadeira e eficaz, se
cada qual não assumir e não desenvolver por si mesmo a responsabilidade da formação,
pois esta configura-se essencialmente como "autoformação" ». Importante é ainda fixar
que « cada um de nós é o termo e, simultaneamente, o princípio da formação; quanto
mais somos formados, mais sentimos a exigência de continuar a melhorar a formação
e «mais nos tornamos capazes de formar os outros ». Necessária e fecunda é, por fim,
a certeza de que «a acção formativa, ao recorrer com inteligência aos meios e aos
métodos das ciências humanas, é tanto mais eficaz quanto mais for aberta a acção de
Deus » [5].
O Sínodo dos Bispos de 1987, depois de ter descrito « a formação
cristã como um contínuo processo pessoal de maturação na fé e de configuração com
Cristo segundo a vontade do Pai, sob a guia do Espírito Santo », afirma claramente
que « a formação dos fiéis leigos deverá figurar entre as prioridades da diocese e
ser colocada nos programas de acção pastoral, de modo que todos os esforços da comunidade
... possam convergir para esse fim » [6]. Venerados Irmãos no episcopado, vivam sempre
em nossos corações os mesmos sentimentos que o apóstolo Paulo declarara aos Gálatas:
« Filhinhos meus, por quem de novo sinto as dores de parto, até que Cristo seja formado
em vós » [7].
5. Les formes de la présence de l'Église dans les sociétés de
votre région sont multiples. Ainsi, les écoles et les centres de formation catholiques
dispensent, sans distinction de milieux sociaux ni de religion, une solide éducation
humaine, culturelle et religieuse, dans le respect des consciences des élèves et des
options de leurs familles. Ils permettent à des jeunes d'origine différente de faire
l'apprentissage du dialogue de la vie, en vue de participer à l'édification d'une
société accueillante à chacun et respectueuse des différences. Ils sont aussi des
lieux qui les aideront à faire face aux obstacles qui se présentent trop souvent dans
la vie des jeunes aujourd'hui, comme le manque de travail ou le découragement devant
les difficultés.
Depuis plusieurs années, vous avez mis en place des modes
de présence et de service dans le monde culturel et universitaire. Je me réjouis de
l'existence, dans plusieurs de vos diocèses, de Centres culturels catholiques « qui
permettent de faire connaître très largement, dans un dialogue créatif, les convictions
chrétiennes sur l'homme, la femme, la famille, le travail, l'économie, la société,
la politique, la vie internationale, l'environnement. Ils sont ainsi des lieux d'écoute,
de respect et de tolérance » [8]. En ces temps de grandes mutations l'Église souhaite
ainsi participer au développement : intégral de la personne humaine, dans une attitude
de dialogue avec les cultures les différents cou rapts de pensée qui s'expriment dans
la société.
Pour porter le message de l'Évangile plus largement a vos sociétés,
dans certains de vos pays l'Église a le souci de développer de diverses manières ses
interventions à travers les moyens de communication sociale. Je vous encourage dans
cette voie qui permet de travailler à la formation humaine et spirituelle de l'homme,
en le rejoignant au cœur de sa vie quotidienne. Les médias peuvent alors transmettre
à tous le témoignage d'espérance et de lumière dont les chrétiens se veulent porteurs.
6. Pour la plupart de vos fidèles, la rencontre avec les croyants de l'Islam
est le cadre habituel dans lequel ils doivent exprimer leur témoignage de vie évangélique.
Je me réjouis des relations de confiance et d'amitié généralement entretenues dans
votre région par les différentes communautés religieuses. Dans de nombreux domaines,
il vous est possible de travailler ensemble à la promotion des personnes et au développement
de vos peuples, vous rappelant que l'amour fraternel, partagé avec tous, est le signe
distinctif du disciple du Christ. Le dialogue de la vie, qui est si important, trouve
en effet un épanouissement normal dans la recherche du bien commun, faite dans un
esprit de respect réciproque, de concorde et de solidarité. Comme je l'avais souligné
lors de ma rencontre avec les chefs religieux musulmans à Dakar, « afin d'apporter
une contribution spécifiquement religieuse à la société, le dialogue entre chrétiens
et musulmans doit se développer. Nous devons être prêts à nous parler ouvertement
et en toute franchise, et nous devons nous écouter les uns les autres avec beaucoup
d'attention et de respect » [9]. A une époque où les tentations de refus de l'autre
ou de confrontation religieuse menacent la stabilité des collectivités l'équilibre
des personnes, il est urgent que chrétiens et musulmans témoignent du Dieu bon et
miséricordieux, pour construire une société plus fraternelle et plus accueillante,
où chacun pourra être reconnu dans sa diversité.
7. Dans vos rapports, vous
avez souligné les nombreuses formes de pauvreté qui frappent les populations de votre
région. A la suite du Christ venu « annoncer la Bonne Nouvelle aux pauvres », l'Église
s'est largement engagée auprès de ceux qui sont touchés par la pauvreté matérielle,
la souffrance, la maladie, à travers ses services sociaux et sanitaires ou en collaboration
avec des institutions nationales ou internationales. Je vous encourage avec vigueur
à poursuivre ce témoignage de la charité du Christ que vous exercez auprès de tous
sans distinction. La sollicitude pour les pauvres est l'un des critères majeurs de
l'appartenance au Christ. Je salue ici tout particulièrement les religieuses et toutes
les personnes qui travaillent dans les services de santé et qui, de multiples façons,
se donnent généreusement pour soulager les souffrances de leurs frères et de leurs
sœurs malades, handicapés ou prisonniers. Je sais avec quelle abnégation elles portent
témoignage de l'amour de Dieu auprès des plus abandonnés. Je me souviens encore avec
émotion de ma visite au Centre d'accueil et de soin pour les lépreux, à Cumura, près
de Bissau. Je me réjouis aussi des initiatives que vous avez prises, notamment au
Sénégal, pour « apporter aux frères et aux sœurs atteints du SIDA tout le réconfort
possible, du point de vue matériel comme du point de vue moral et spirituel » [10].
Je souhaite que l'on poursuive une éducation en vérité pour faire découvrir aux jeunes
une saine et authentique conception de la vie, et que soit largement entendu l'appel
à l'espérance et à la solidarité, lancé par les Évêques du Sénégal.
8. L'Évangélisation
de la faille est l'une des taches joutes de votre ministère épiscopal. La dignité
de l'homme et de la femme, créés à l'image et à la ressemblance de Dieu, leur donne
à l'un à l'autre des droits inaliénables et des responsabilités propres. Bien que
différents, ils sont essentiellement égaux. Aussi, avec les Pères synodaux, on ne
peut que déplorer les coutumes et les pratiques qui privent les femmes de leurs droits
et du respect qui leur est dû. La promotion et la sauvegarde de leurs droits est une
tache importante pour l'Église en Afrique [11].
La pastorale familiale doit
aussi être soucieuse de préparer les jeunes à envisager le mariage chrétien comme
une vocation qui suppose un amour unique et indissoluble. Je les invite à ne pas avoir
peur de s'engager sur cette voie exigeante, mais qui constitue une expression de l'amour
du Christ pour eux. Ils y trouveront l'épanouissement de leur être et la véritable
réussite de leur vie, selon la volonté de Dieu sur eux.
9. Monsieur le Cardinal,
chers Frères dans l'Épiscopat, avant de terminer, je voudrais encore saluer avec affection
les prêtres de vos diocèses, vos collaborateurs immédiats, qui se donnent avec ardeur
à l'annonce de l'Évangile, dans des conditions souvent difficiles. Je prie le Seigneur
de faire fructifier l'œuvre du salut dont ils sont, avec vous, les serviteurs zélés
dans chacun de vos pays. Qu'Il donne à chacun de vous force et lumière pour conduire
le peuple dont vous êtes les pasteurs, sur les chemins de la foi, de l'espérance et
de la charité! En vous confiant à l'intercession maternelle de la Vierge Marie, je
vous donne de grand cœur la Bénédiction Apostolique, que j'étends volontiers aux prêtres,
aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes et à tous les laïcs de vos diocèses.