DISCOURS DU SAINT-PÈRE AUX ÉVÊQUES DE L'ÉGLISE CATHOLIQUE AU TOGO EN VISITE "AD LIMINA"
Chers Frères dans l'épiscopat,
1. Je suis particulièrement heureux de vous
accueillir, Évêques de l'Église catholique au Togo, alors que vous accomplissez votre
visite ad limina. Votre pèlerinage aux tombeaux des Apôtres est une occasion privilégiée
qui vous est offerte afin d'affermir en vous les dons reçus du Seigneur pour remplir
la charge que vous avez reçue d'enseigner, de sanctifier et de gouverner le peuple
de Dieu (cf. Décret Christus Dominus n. 2). Que vos rencontres avec l'Évêque de Rome
et avec ses collaborateurs soient pour vous des moments forts de communion ecclésiale
qui vous aideront dans votre mission au service du peuple togolais !
Je remercie
vivement le Président de votre Conférence épiscopale, Mgr Philippe Kpodzro, Archevêque
de Lomé, pour les aimables paroles qu'il m'a adressées en votre nom. Elles attestent
l'attachement que portent vos communautés au successeur de Pierre. Lorsque vous rentrerez
dans vos diocèses, transmettez mon salut affectueux aux prêtres, aux religieux, aux
religieuses, aux catéchistes et aux laïcs dont vous êtes les pasteurs. Que Dieu donne
à chacun la force de manifester ardemment la foi reçue au Baptême. À travers vos fidèles,
c'est le peuple togolais tout entier que je rejoins, lui souhaitant de grand cœur
de progresser avec courage et dans l'espérance sur les chemins du véritable progrès
humain et spirituel.
2. Au cours des dernières années, trois diocèses ont
été érigés dans votre pays. Je salue cordialement les nouveaux Évêques, et je me réjouis
de la vitalité de l'Église au Togo dont ces créations sont le signe. Avec vous je
rends grâce à Dieu pour le don de la foi qu'il ne cesse de répandre dans votre peuple.
C'est pour vous et pour tous les catholiques, une exigence de sainteté de vie et de
témoignage encore plus actif à rendre au Christ, afin de poursuivre avec une ardeur
renouvelée une évangélisation en profondeur de la société. En vous appuyant sur l'exhortation
apostolique Ecclesia in Africa, vous saurez trouver les voies nouvelles qui vous permettront,
avec l'aide de l'Esprit Saint, de contribuer à l'édification et à la croissance de
l'Église Famille de Dieu, communauté des disciples du Christ, solidaire, chaleureuse
et ouverte à tous.
Pour s'acquitter de cette lourde charge, les pasteurs sont
appelés à se mettre résolument à la suite du Christ qui a voulu accomplir le dessein
d'amour de son Père pour les hommes en se mettant au service du plus humble de ses
frères. Par leur profonde communion mutuelle, les membres de la Conférence épiscopale
donnent un témoignage éminent de l'unité de la mission de l'Église, et ils y trouvent
une aide efficace dans l'accomplissement de leur ministère pastoral. Je souhaite aussi
qu'une véritable solidarité se manifeste entre les diocèses à travers une répartition
adéquate du personnel apostolique qui permette d'aider généreusement les plus pauvres
d'entre eux. En donnant la première place à votre mission spirituelle au service des
fidèles et des hommes de bonne volonté, soyez pour eux des guides sur les chemins
de la sainteté pour que tous puissent réaliser pleinement la vocation qu'ils ont reçue
de leur Créateur !
Par ailleurs, comme je l'ai écrit dans l'encyclique Sollicitudo
rei socialis, l'accomplissement du ministère de l'évangélisation dans le domaine social
fait partie de la fonction prophétique de l'Église (cf. n. 41). En effet, l'annonce
du message évangélique aux hommes et aux femmes de notre temps nécessite d'être attentif
aux réalités de leur vie quotidienne. Il est du devoir de l'Église de contribuer au
bien commun, avec tous les hommes de bonne volonté, afin que la dignité et les droits
légitimes de toute personne soient toujours mieux respectés. Pour cela, j'engage donc
vivement vos communautés à témoigner toujours et partout des valeurs évangéliques
que le Seigneur nous a laissées. Qu'elles se souviennent que le Christ nous a envoyé
"l'Esprit de vérité qui vient du Père" (Jn 15, 26), nous rappelant par là l'importance
essentielle de la vérité pour construire sa vie personnelle et édifier la société
! Sans elle, rien ne peut subsister durablement, et l'homme ne peut trouver la véritable
liberté. En effet, "en un monde sans vérité, la liberté perd sa consistance et l'homme
est soumis à la violence des passions et à des conditionnements apparents ou occultes"
(encyclique Centesimus annus, n. 46).
3. Voilà plus d'un siècle que la Bonne
Nouvelle du Christ est annoncée sur votre terre. Avec vous, je rends grâce à Dieu
pour le dévouement parfois héroïque de tous les missionnaires, hommes et femmes, qui
ont permis l'implantation et la croissance de l'Église au Togo. À ceux et à celles
qui poursuivent l'œuvre de ces pionniers de l'Évangile, je redis l'estime et les encouragements
du Successeur de Pierre.
À vos prêtres, qui, avec vous, portent aujourd'hui
une grande part du travail d'évangélisation, j'adresse mon cordial salut. Qu'eux aussi
prennent pour modèle de vie apostolique le Christ, venu pour servir et non pour être
servi ! Que leur ministère, dont je connais les joies et les espérances, mais aussi
les fatigues et les difficultés, soit un service généreux et désintéressé de la mission
de l'Église auprès de tous les hommes ! Je les invite avec force à unifier et à vivifier
leur être et leur agir sacerdotal en étant, dans l'intimité de toute leur existence,
attachés au Christ comme ses amis. Ainsi ils seront capables de proposer aux autres
une expérience de vie chrétienne et spirituelle. Je les invite donc à approfondir
particulièrement leur rencontre du Christ par "la méditation fidèle de la Parole de
Dieu, la participation active aux saints mystères de l'Église, le service de la charité
à l'égard des 'petits'" (exhortation apostolique Pastores dabo vobis, n. 46). Aux
moments de tentation et de découragement, c'est grâce à une vie spirituelle solide,
fondée sur cette rencontre personnelle et quotidienne avec le Seigneur, qu'ils trouveront
la force de vivre généreusement les engagements qu'ils ont pris au jour de leur ordination.
Je souhaite aussi qu'ils ravivent le don qu'ils ont reçu de Dieu en accordant la place
qui lui revient à la formation permanente. En effet, elle est indispensable pour discerner
et suivre fidèlement la volonté du Seigneur. Elle est aussi un acte d'amour et de
justice envers le peuple de Dieu dont ils sont les serviteurs (cf. ibid. n. 70).
Chers
frères dans l'Épiscopat, il vous revient de manière particulière d'avoir le souci
des vocations sacerdotales afin que l'Évangile soit annoncé partout. C'est une dimension
essentielle de la pastorale de vos diocèses. La formation et l'accompagnement spirituel
des candidats au sacerdoce demandent souvent d'accepter des sacrifices importants.
Soyez assurés qu'avec la grâce de Dieu ils porteront du fruit ! La situation actuelle
exige un sérieux discernement pour que les séminaristes aient suffisamment conscience
que le chemin sur lequel ils s’engagent exige un renoncement total à eux- mêmes et
à la recherche de toute promotion personnelle, afin de devenir des "ministres fervents
et convaincus pour la 'nouvelle évangélisation', des serviteurs fidèles et généreux
de Jésus Christ et des hommes" (ibid., n 10).
Je salue aussi les religieux
et les religieuses qui dans votre pays coopèrent à la mission de l'Église. En menant
une vie uniquement vouée au Père, saisie par le Christ et animée par l'Esprit, ils
contribuent de manière particulièrement profonde au renouveau du monde (cf. exhortation
apostolique Vita consecrata, n. 25). Pour enraciner solidement leur charisme et le
développer dans la vie ecclésiale, il est nécessaire qu'ils manifestent clairement
la spécificité du don reçu de Dieu pour le bien de toute l'Église. Plus que dans leur
façon de faire, c'est par tout leur être que les religieux et les religieuses doivent
maintenir présente chez les baptisés la conscience de devoir répondre par la sainteté
de leur vie à l'amour que Dieu ne cesse de leur prodiguer. En vivant pleinement leurs
engagements, ils rejoignent aussi les aspirations de leurs contemporains en leur indiquant
les chemins d'une authentique recherche de Dieu.
4. Dans vos rapports quinquennaux,
vous avez souligné la place primordiale des catéchistes pour implanter et faire vivre
les communautés chrétiennes, en relation étroite avec les Évêques et les prêtres.
À tous, transmettez la reconnaissance du Pape pour leur travail généreux au service
de l'Évangile et ses encouragements, afin que par une vie personnelle et familiale
exemplaire ils soient des témoins véridiques du message qu'ils annoncent. Soyez pour
eux des pères attentifs à leurs besoins et apportez-leur le soutien moral et matériel
qui leur est nécessaire. Leur formation spirituelle et doctrinale est une exigence
première pour qu'ils puissent assurer avec compétence et responsabilité le service
qui leur est demandé dans la communauté.
5. La vitalité de l'Église dépend
de la réponse de chaque chrétien à l'appel que Dieu lui adresse à croître et à porter
du fruit. Pour cela, il est nécessaire que les laïcs puissent acquérir une solide
formation qui "a comme objectif fondamental la découverte toujours plus claire de
leur vocation personnelle et la disponibilité toujours plus grande à la vivre dans
l'accomplissement de leur propre mission" (exhortation apostolique Chistifideles laici,
n. 58). Cette formation doit permettre à chacun de réaliser l'unité de sa propre existence,
de vivre et de proclamer sa foi de manière authentique. L'ignorance dans le domaine
religieux est en effet trop souvent mise à profit par des groupes ésotériques ou des
sectes pour attirer des croyants trop peu enracinés dans leur foi.
La formation
intégrale dispensée aux laïcs doit aussi les aider à être des citoyens qui prennent
leurs responsabilités dans la vie de la collectivité. En effet, elle "doit permettre
aux chrétiens d'acquérir non seulement une habileté technique pour mieux transmettre
le contenu de la foi, mais encore une profonde conviction personnelle pour en témoigner
efficacement dans la vie" (Ecclesia in Africa, n. 77). Dans la société, les laïcs
ne peuvent renoncer à l'action multiforme pour promouvoir le bien commun. Cela passe
aussi par le difficile engagement pour la défense et la promotion de la justice et
pour l'affermissement d'une authentique démocratie qui permette à tous de se sentir
effectivement acteurs de leur destinée dans la nation.
6. Les graves questions
qui concernent le mariage chrétien et la vie familiale sont des défis auxquels l'Église
dans votre région se trouve affrontée. C'est donc pour vous une tâche importante d'éduquer
les fidèles aux valeurs fondamentales du mariage et de la famille. L'unité du couple
est une exigence de vie qui respecte le dessein de Dieu tel qu'il a été révélé au
commencement. Elle est aussi une manifestation de l'égale dignité personnelle de la
femme et de l'homme, qui "dans le mariage se donnent dans un amour total qui, de ce
fait même, est unique et exclusif" (exhortation apostolique Familiaris consortio,
n. 19). Aux personnes qui ont déjà accepté d'entrer dans la communauté des disciples
du Christ, mais qui vivent dans des situations matrimoniales qui ne leur permettent
pas de recevoir le sacrement du Baptême, l'Église doit porter une assistance spirituelle
constante. Je vous encourage vivement à accueillir ces personnes avec une grande sollicitude
pastorale et à demeurer attentifs à leurs besoins, pour leur permettre de progresser
sur le difficile chemin de l'accueil intégral du message évangélique, dans la justice
et la charité à l'égard de toutes les personnes concernées. Je souhaite que les fidèles
prennent une vive conscience de la dignité du mariage chrétien et qu'ils reconnaissent
son indissolubilité comme "fruit, signe et exigence de l'amour absolument fidèle que
Dieu a pour l'homme et que le Seigneur Jésus manifeste à l'égard de son Église" (ibid.,
n. 20). Que les familles chrétiennes soient aux yeux de tous des modèles d'unité et
d'amour partagé ! Que dans les difficultés elles ne se découragent pas, mais trouvent
dans leur communion au Christ et dans l'entraide mutuelle au sein de l'Église la force
de rester fidèles !
7. Pour que l'Évangile s'incarne pleinement dans votre
terre, une véritable inculturation est nécessaire. Il est indispensable, en effet,
de donner à tous la possibilité d'accueillir le Christ dans l'intégralité de son être
et de sa culture, pour parvenir à l'union plénière avec Dieu. Aussi, je vous encourage
dans les efforts que vous avez entrepris pour contribuer à transformer les authentiques
valeurs de votre peuple en les intégrant dans le christianisme et à enraciner ainsi
la foi chrétienne dans votre culture.
La mission de l'Église au milieu des
nations appelle aussi l'établissement de relations fraternelles avec tous les hommes.
Dans votre pays, les rapports avec les Musulmans et avec les adeptes de la Religion
traditionnelle sont généralement bons. Je vous invite donc à poursuivre le dialogue
de la vie qui est si nécessaire pour conserver un climat de concorde et de solidarité
entre les différentes communautés et pour travailler ensemble à l'amélioration des
conditions de vie des membres de la nation.
D'ailleurs, les nombreuses formes
de pauvreté qui touchent les populations de votre région vous ont incités à développer
des œuvres sociales au service des personnes les plus défavorisées, sans distinction
d'origine ou de religion. J'apporte mes vifs encouragements aux personnes qui, avec
abnégation, travaillent à soulager les souffrances de leurs frères et de leurs sœurs
ainsi qu'à celles qui contribuent à l'éducation des jeunes. Par leur engagement, l'Église
entend être au milieu de tous le signe efficace de l'amour sans limites que Dieu porte
aux hommes.
8. Chers frères dans l'Épiscopat, alors que se termine cette rencontre
fraternelle, je voudrais vous engager à regarder vers l'avenir avec confiance, dans
une adhésion renouvelée au Christ, qui manifeste pleinement l'homme à lui-même et
lui dévoile sa très haute vocation (cf. Constitution pastorale Gaudium et spes, n.
22). J'invite particulièrement les jeunes Togolais à suivre le chemin que le Seigneur
Jésus leur montre. Ils y trouveront lumière et force pour avancer sur les chemins
de la vie et pour construire avec générosité la civilisation de l'amour où tous se
reconnaîtront comme des frères appelés à une même destinée. Quelques mois nous séparent
maintenant de l'ouverture du grand Jubilé de l'An 2000. Que ce temps de grâce soit
pour l'Église qui est au Togo l'occasion d'un profond renouveau spirituel et d'une
intense prise de conscience de sa responsabilité d'annoncer la Bonne Nouvelle du salut,
particulièrement à travers un ardent témoignage de vie évangélique ! Je confie toutes
vos communautés à la protection maternelle de la Vierge Marie, lui demandant de guider
leurs pas à la rencontre de son Fils. De grand cœur, je vous donne la Bénédiction
apostolique que j'étends aux prêtres, aux religieux, aux religieuses, aux catéchistes
et à tous les fidèles de vos diocèses.