Aujourd’hui, 11 octobre 2009, à
10h00, le Saint-Père Benoît XVI a célébré l’Eucharistie dans la Basilique Saint-Pierre
et a procédé ensuite à la Canonisation des Bienheureux: Zygmunt Szsczęsny Feliński,
Évêque, fondateur de la Congrégation des Sœurs Franciscaines de la Famille de Marie;
Francisco Coll y Guitart, prêtre de l'Ordre des Frères Précheurs (Dominicains), fondateur
de la Congrégation des Sœurs Dominicaines de l'Annonciation de la Bienheureuse Vierge
Marie; Jozef Damiaan de Veuster, Prêtre de la Congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus
et de Marie et de l'Adoration Perpétuelle du Très Saint Sacrement de l'Autel; Rafael
Arnáiz Barón, religieux de l'Ordre Cistercien de la Stricte Observance; Marie de la
Croix (Jeanne) Jugan, vierge, fondatrice de la Congrégation des Petites Sœurs des
Pauvres.
Ont concélébré 7 Cardinaux, 9 Archevêques, 14 Évêques et 20 Prêtres.
Parmi les 50 concélébrants, se trouvaient les 5 Évêques des Causes de canonisation:
S. Ém. le Card. Godfried DANNEELS, Archevêque de Malines-Bruxelles; S.Exc. Mgr Kazimierz
NYCZ, Archevêque de Varsovie; S. Exc. Mgr Pierre D’ORNELLAS, Archevêque de Rennes;
S. Exc. Mgr Román CASANOVA CASANOVA, Évêque de Vic, S. Exc. Mgr Ignacio José MUNILLA
AGUIRRE, Évêque de Palencia.
Les rites d’introduction de la Célébration eucharistique
étaient accompagnés par le chant d’entrée Psaume 97 ("Viderunt omnes termini terrae
salutare Dei nostri" - Tous les lointains de la terre ont vu le salut de notre Dieu).
Après
la Célébration, le Saint-Père a adressé la parole aux fidèles et a récité la prière
de l’Angelus Domini sur la Place Saint-Pierre.
HOMÉLIE DU SAINT-PÈRE:
Au cours de
la célébration, après la proclamation de l’Évangile, le Saint-Père a prononcé l’homélie
suivante:
Chers frères et sœurs! “Que dois-je faire pour avoir en héritage
la vie éternelle?”. C’est par cette question que commence le bref dialogue que nous
avons écouté dans la page de l’Évangile entre un personnage, ailleurs identifié comme
le jeune homme riche, et Jésus (cf. Mc 10, 17-30). Nous n’avons pas beaucoup de détails
concernant ce personnage anonyme; de ces quelques traits, nous parvenons cependant
à percevoir son désir sincère de parvenir à la vie éternelle en conduisant une honnête
et vertueuse existence terrestre. Il connaît en effet les commandements et les observe
fidèlement depuis sa toute jeunesse. Et pourtant, tout ceci, qui est certes important,
ne suffit pas - dit Jésus - une seule chose manque, mais elle est essentielle. En
le voyant alors bien disposé, le divin Maître le fixe avec amour et lui propose le
saut de qualité, l’appelle à l’héroïsme de la sainteté et lui demande de tout abandonner
pour le suivre: “Vends tout ce que tu as, donne-le aux pauvres (...) puis viens et
suis-moi” (v. 21).
“Viens et suis-moi!”. Voilà la vocation chrétienne qui jaillit
d’une proposition d’amour du Seigneur et qui ne peut se réaliser que grâce à notre
réponse d’amour. Jésus invite ses disciples au don total de leur vie, sans calcul
ni intérêt humain, avec une confiance sans réserve en Dieu. Les saints accueillent
cette invitation exigeante et se mettent, avec une humble docilité, à la suite du
Christ crucifié et ressuscité. Leur perfection, dans la logique de la foi parfois
humainement incompréhensible, consiste à ne plus se mettre au centre, mais à choisir
d’aller à contre-courant en vivant selon l’Évangile. C’est ce qu’ont fait les cinq
saints qui sont proposés aujourd’hui, avec grande joie, à la vénération de l’Église
universelle: Zygmunt Szsczęsny Feliński, Francisco Coll y Guitart, Jozef Damiaan de
Veuster, Rafael Arnáiz Barón, et Marie de la Croix (Jeanne) Jugan. En eux, nous contemplons
la réalisation des paroles de l’apôtre Pierre: “Voilà que nous avons tout quitté pour
te suivre” (v. 28) et la consolante promesse de Jésus: “personne n’aura quitté, à
cause de moi et de l’Évangile, une maison, des frères, des soeurs, une mère, un père,
des enfants ou une terre, sans qu’il reçoive, en ce temps déjà, le centuple: ... avec
des persécutions, et, dans le monde à venir, la vie éternelle” (vv 29-30).
Zygmunt
Szsczęsny Feliński, Archevêque de Varsovie, fondateur de la Congrégation des Sœurs
Franciscaines de la Famille de Marie, a été un grand témoin de la foi et de la charité
pastorale à une époque très difficile pour la nation et pour l’Église en Pologne.
Il s’occupait avec ferveur de la croissance spirituelle de ses fidèles, aidait les
pauvres et les orphelins. À l’Académie ecclésiastique de Saint-Pétersbourg, il prit
grand soin de la formation des prêtres. En tant qu’Archevêque de Varsovie, il invita
avec ferveur tous les fidèles à un renouveau intérieur. Avant l’insurrection de 1863
contre l’annexion russe, il mit en garde le peuple contre une inutile effusion de
sang. Quand pourtant l’émeute éclata et que les persécutions s’ensuivirent, il défendit
courageusement les opprimés. Sur ordre du tsar russe, il passa vingt ans en exil à
Jaroslaw sur la Volga, sans jamais pouvoir rentrer dans son diocèse. Il conserva en
toute situation sa foi inébranlable dans la Providence divine et priait ainsi: “Ô,
Dieu, protège-nous des tribulations et des inquiétudes de ce monde... multiplie l’amour
dans nos cœurs et fais que nous conservions avec la plus profonde humilité la confiance
infinie dans Ton aide et dans Ta miséricorde...”. Aujourd’hui, que son don de soi
à Dieu et aux hommes, empli de confiance et d’amour, devienne un exemple éclatant
pour toute l’Église.
Saint Paul nous rappelle dans la deuxième lecture que
“la Parole de Dieu est vivante et énergique” (He 4, 12). En elle, le Père qui est
aux cieux, converse amoureusement avec ses fils de tous les temps (cf. Dei Verbum,
21), leur communiquant son amour infini et, de cette manière, les encourageant, les
consolant et leur offrant son dessein de salut pour l’humanité et pour chaque personne.
Conscient de cela, saint Francisco Coll se consacra avec acharnement à la propager,
accomplissant ainsi fidèlement sa vocation dans l’Ordre des Précheurs, dans lequel
il fit profession. Sa passion était d’aller prêcher, en grande partie de manière itinérante
et suivant la forme des “missions populaires” pour annoncer et raviver la Parole de
Dieu dans les villages et les villes de la Catalogne, aidant ainsi les personnes à
une rencontre profonde avec Lui. Une rencontre qui porte à la conversion du cœur,
à recevoir avec joie la grâce divine et à maintenir un dialogue constant avec Notre
Seigneur par la prière. Pour lui, son activité d’évangélisation comprenait un grand
dévouement au Sacrement de la Réconciliation, une emphase remarquable sur l’Eucharistie
et une insistance constante sur la prière. Francisco Coll atteignait le cœur des autres
parce qu’il transmettait ce que lui-même vivait intérieurement avec passion, ce qui
brûlait ardemment dans son cœur: l’amour du Christ, son dévouement total à Lui. Pour
que la semence de la Parole de Dieu rencontre un terrain fertile, Francisco fonda
la Congrégation des Sœurs Dominicaines de l’Annonciation, dans le but de donner une
éducation intégrale aux enfants et aux jeunes, de façon à ce qu’ils puissent découvrir
la richesse insondable qu’est le Christ, l’ami fidèle qui ne nous abandonne jamais
ni ne se lasse d’être à nos côtés, renforçant notre espérance avec sa Parole de vie.
Jozef
De Veuster, qui reçut le nom de Damiaan dans la Congrégation des Sacrés Cœurs de Jésus
et de Marie, quitta les Flandres, son pays natal, en 1863, à l’âge de 23 ans, pour
annoncer l’Évangile à l’autre bout du monde, sur les îles Hawaï. Son activité missionnaire,
qui l’a tellement rempli de joie, atteint son sommet dans la charité. Non sans peur
et sans répugnance, il fit le choix d’aller sur l’île de Molokai au service des lépreux
qui s’y trouvaient, abandonnés de tous; c’est ainsi qu’il s’exposa à la maladie dont
ils souffraient. Il se sentait chez lui avec eux. Le serviteur de la Parole devint
ainsi un serviteur souffrant, lépreux parmi les lépreux, au cours des quatre dernières
années de sa vie.
Pour suivre le Christ, le Père Damiaan n’a pas seulement
quitté sa patrie, mais a également mis en jeu sa santé: c’est pour cela – comme le
dit la parole de Jésus qui a été annoncée dans l’Évangile d’aujourd’hui – qu’il a
reçu la vie éternelle (cf. Mc 10, 30).
En ce 20e anniversaire de la canonisation
d’un autre saint belge, le Frère Mutien-Marie, l’Église en Belgique est unie une nouvelle
fois pour rendre grâce à Dieu pour l’un de ses fils reconnu comme un authentique serviteur
de Dieu. Nous nous souvenons devant cette noble figure que c’est la charité qui fait
l’unité: elle l’enfante et la rend désirable. À la suite de saint Paul, saint Damien
nous entraîne à choisir les bons combats (cf. 1 Tm 1, 18), non pas ceux qui portent
la division, mais ceux qui rassemblent. Il nous invite à ouvrir les yeux sur les lèpres
qui défigurent l’humanité de nos frères et appellent encore aujourd’hui, plus que
notre générosité, la charité de notre présence servante.
En revenant à l’Évangile
d’aujourd’hui, à la figure du jeune qui présente à Jésus son désir d’être bien plus
qu’un bon exécuteur des devoirs que lui imposent la loi, répond la figure de Frère
Rafael, canonisé aujourd’hui, mort à vingt-sept ans comme Oblat de la Trappe de San
Isidro de Dueñas. Même s’il était de famille aisée et, comme il le disait lui-même,
d’“âme un peu rêveuse”, ses rêves ne se dissipèrent pas devant l’attachement aux biens
matériels et à d’autres buts que la vie du monde propose parfois avec grande insistance.
Il répondit oui à la proposition de suivre Jésus, de manière immédiate et décidée,
sans limites ni conditions. De cette manière, il entreprit un chemin qui, du moment
où il se rendit compte dans le Monastère, qu’il “ne savait pas prier”, le porta en
quelques années au sommet de sa vie spirituelle qu’il relate avec une grande simplicité
et un grand naturel dans de nombreux écrits. Frère Rafael, encore proche de nous,
continue à nous offrir par son exemple et son œuvre un parcours attractif, en particulier
pour les jeunes qui ne se contentent pas facilement, mais aspirent à la plénitude
de la vérité, à la plus indicible joie que l’on atteint pour l’amour de Dieu. “Vie
d’amour... C’est là la seule raison de vivre” dit le nouveau Saint. Et il insiste:
“De l’amour de Dieu provient toute chose”. Que le Seigneur écoute avec bienveillance
l’une des dernières prières de Saint Rafael Arnáiz, lorsqu’il lui remit toute sa vie
en suppliant: “Prends moi et donne-Toi au monde ”. Qui se donne pour ranimer la vie
intérieure des chrétiens d’aujourd’hui. Qui se donne pour que ses frères de la Trappe
et les centres monastiques continuent à être le phare qui permet de découvrir le désir
intime de Dieu qu’il a placé dans tout cœur humain.
Par son œuvre admirable
au service des personnes âgées les plus démunies, Sainte Marie de la Croix est aussi
comme un phare pour guider nos sociétés qui ont toujours à redécouvrir la place et
l’apport unique de cette période de la vie. Née en 1792 à Cancale, en Bretagne, Jeanne
Jugan a eu le souci de la dignité de ses frères et de ses sœurs en humanité, que l’âge
a rendus vulnérables, reconnaissant en eux la personne même du Christ. “Regardez le
pauvre avec compassion, disait-elle, et Jésus vous regardera avec bonté, à votre dernier
jour”. Ce regard de compassion sur les personnes âgées, puisé dans sa profonde communion
avec Dieu, Jeanne Jugan l’a porté à travers son service joyeux et désintéressé, exercé
avec douceur et humilité du cœur, se voulant elle-même pauvre parmi les pauvres. Jeanne
a vécu le mystère d’amour en acceptant, en paix, l’obscurité et le dépouillement jusqu’à
sa mort. Son charisme est toujours d’actualité, alors que tant de personnes âgées
souffrent de multiples pauvretés et de solitude, étant parfois même abandonnées de
leurs familles. L’esprit d’hospitalité et d’amour fraternel, fondé sur une confiance
illimitée dans la Providence, dont Jeanne Jugan trouvait la source dans les Béatitudes,
a illuminé toute son existence. Cet élan évangélique se poursuit aujourd’hui à travers
le monde dans la Congrégation des Petites Sœurs des Pauvres, qu’elle a fondée et qui
témoigne à sa suite de la miséricorde de Dieu et de l’amour compatissant du Cœur de
Jésus pour les plus petits. Que sainte Jeanne Jugan soit pour les personnes âgées
une source vive d’espérance et pour les personnes qui se mettent généreusement à leur
service un puissant stimulant afin de poursuivre et de développer son œuvre!
Chers
frères et sœurs, rendons grâce au Seigneur pour le don de la sainteté qui resplendit
aujourd’hui dans l’Église avec une beauté singulière. Alors que je salue affectueusement
chacun d’entre vous - Cardinaux, Évêques, autorités civiles et militaires, prêtres,
religieux et religieuses, fidèles laïcs de différentes nationalités qui prenez part
à cette solennelle célébration eucharistique -, je voudrais vous adresser à tous l’appel
à se laisser attirer par les lumineux exemples de ces Saints, à se laisser guider
par leurs enseignements pour que toute notre existence devienne un cantique de louange
à l’amour de Dieu. Que leur intercession céleste et surtout la protection maternelle
de Marie, Reine des Saints et Mère de l’humanité, nous obtienne cette grâce. Amen.