2009-10-06 14:06:32

Rapport du Card. Péter ERDO, Archevêque d'Esztergom-Budapest (HONGRIE)


S. Ém. le Card. Péter ERDO, Archevêque d'Esztergom-Budapest, Président du Conseil Conférences Épiscopales d'Europe (C.C.E.E.) (HONGRIE)

1. “Vous êtes le sel de la terre... Vous êtes la lumière du monde” (Mtr 5, 13.14) - ces paroles du Seigneur se réfèrent à tous les chrétiens mais, en cette heure de l’histoire de l’humanité, spécialement à vous, chers Frères et Sœurs en Afrique. Au cours de la préparation de cette assemblée spéciale s’est cristallisé l’accent particulier de cette rencontre synodale: “l’Église en Afrique au service de la réconciliation, de la justice, de la paix”.
2. À vous tous, j’apporte les salutations les plus cordiales et le message de grande proximité des évêques européens - représentés par les Présidents de toutes les Conférences épiscopales - qui se sont rencontrés ces jours-ci à Paris. Nous avons pu rendre compte d’un travail commun désormais consolidé avec les évêques africains dans le cadre des programmes communs du Conseil des Conférences épiscopales d’Europe et du SCEAM. En différentes villes africaines et européennes, ont eu lieu des travaux communs qui avaient pour thème la migration, l’esclavage et d’autres problèmes humains et chrétiens. Comme vous le savez bien, la terre d’Europe est également une terre baignée par le sang. Lorsque, après la chute du mur de Berlin, les habitants, et en particulier les catholiques du côté occidental et ceux du côté oriental de notre continent se sont rencontrés librement, ils devaient prendre acte de toute la complexité de notre histoire commune. Les peuples de l’Est européen se sentaient surtout colonisés et exploités dans leur histoire. Même au cours des premiers siècles de l’époque moderne, des villages entiers du sud-est européen habités par des populations chrétiennes, les ont vu finir leurs habitants sur les marchés aux esclaves d’Orient.

3. L’histoire récente de l’Europe a laissé également de nombreuses blessures qui sont encore loin d’une guérison complète. Si, après la Seconde Guerre mondiale, guerre qui a conduit à la perte du plus grand nombre de vies humaines de toute l’humanité, les peuples d’Occident, par exemple les Allemands et les Français, avec l’aide substantielle de grands hommes catholiques comme Schumann, Adenauer et De Gasperi, ont trouvé la voie non seulement de la coexistence pacifique mais également d’une réconciliation plus profonde, il appartient aujourd’hui à la partie centrale et orientale de l’Europe de rechercher la réconciliation des cœurs, la purification de la mémoire et la fraternité constructive. Ainsi, ce sont très souvent les évêques catholiques qui hissent les premiers le signe de la réconciliation, comme l’ont fait les évêques allemands et polonais (dans) un grand acte de réconciliation, qui, au début, n’a pas été compris par de nombreux groupes de leur société. Certains grands ecclésiastiques et théologiens de ce temps, en particulier Joseph Ratzinger, ont trouvé des mots passionnés pour défendre cet acte prophétique. Au cours de ces dernières années, des actes de réconciliation et de fraternité similaires entre les évêques de Pologne et d’Ukraine, de Slovaquie et de Hongrie et d’autres ont eu lieu. Les médias n’accordent souvent pas grande importance à ces événements. Peut-être ne manque-t-il pas même de groupes qui pensent trouver leur avantage politique et économique en suscitant des tensions et des hostilités entre les peuples, les groupes ethniques ou même religieux. “La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne l'ont pas saisie” ainsi que l’écrit saint Jean (1, 5). Le Christ est la lumière du monde. Il éclaire également les ténèbres de l’histoire humaine et aucune obscurité, aucune haine, aucun mal ne peut le vaincre. En Lui est notre espérance. Même si la voix de l’Église et le témoignage de chaque chrétien semblent faibles, même si elle n’apparaît souvent pas sur la première page des grands moyens de communication, cette voix fine est plus forte que tout bruit, que tout mensonge, toute propagande ou toute manipulation. Nous sommes témoins de la force des martyrs. Actuellement, commencent à être béatifiés et canonisés les témoins de l’Agneau tués pour leur foi au XXe siècle. Ce sont ceux qui “viennent de la grande épreuve : ils ont lavé leurs robes et les ont blanchies dans le sang de l'Agneau” (Ap 7, 14). Au cours des longues persécutions, leur mémoire était couverte par le silence. Et pourtant, elle est restée vivante y compris dans le cœur de la communauté des croyants et maintenant, nous ouvrons les tombeaux. Il est émouvant de voir, ce qu’il est resté des corps des martyrs. Chaque translation des dépouilles de l’un d’entre eux secoue les âmes de tous les participants à ces cérémonies. La grande tension entre la faiblesse extrême d’un être humain qui a été tué et la force sublime de cette même personne illuminée désormais par la gloire des martyrs, donne une forte impulsion spirituelle à nos communautés.
Chers confrères! Nous autres, catholiques d’Europe, avons appris de notre histoire à suivre avec attention également le sort des chrétiens d’Afrique et nous avons également appris à estimer votre fidélité, votre témoignage et les martyrs africains qui donnent leur vie - année après année en nombre préoccupant - pour le Christ et Son Église et aussi pour nous. L’Église en Afrique a mérité notre gratitude et notre profonde estime.
4. Le Serviteur de Dieu Jean-Paul II nous adressait avec force et lucidité son enseignement sur la miséricorde divine. Les cercles du mal qui semblent parfois même diaboliques et peuvent attrister et pousser au désespoir des sociétés humaines entières, en construisant les structures de la haine, de la violence, de la vengeance et de l’injustice entre groupes ethniques, peuples ou classes sociales, ne pourraient être dépassés par la seule force humaine en l’absence de la miséricorde divine qui nous rend aussi capables de suivre le commandement du Christ: “Montrez vous compatissants, comme votre Père est compatissant” (Lc 6, 36). Si notre Seigneur nous a commandé cela, ce commandement est également la garantie de la possibilité de le mettre en pratique. C’est Lui qui nous donnera la force d’être miséricordieux et de rompre toute structure du mal.
5. Nous sommes convaincus que l’échange des dons n’est pas un programme qui vaut seulement entre la partie occidentale et orientale de l’Europe. Elle représente un devoir également entre les fidèles, entre les Églises particulières au niveau continental et universel. Les possibilités de la solidarité et de la détermination à ne pas oublier les frères dans le besoin pas même en temps de crise est ferme parmi les catholiques d’Europe. Dans le même temps, nous désirons mieux étudier vos expériences liturgiques, catéchistiques, la dynamique des vocations sacerdotales, la possibilité de construire ensemble l’Église du Christ en Europe, en Afrique et partout dans le monde.

6. Nous ne nous leurrons certainement pas: les grandes forces économiques et politiques du monde, très souvent, n’agissent pas selon la logique de la charité et de la justice et, parfois, elles semblent oublier jusqu’à la véritable réalité, la nature des choses et de l’être humain. En outre, la dignité humaine ne dépend pas de notre efficacité, elle n’est pas proportionnée au succès de ce monde. Tout être humain, en tant que tel, a la même dignité inaliénable. Parce que créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. La dignité humaine n’est pas incompatible avec la souffrance. Une idéologie qui dirait que, pour sauver notre dignité, il serait préférable de mourir que de souffrir serait fausse. Tel était l’attitude de l’antiquité gréco-romaine, pas encore éclairée par la lumière de l’Évangile. L’exemple du Christ nous enseigne que la plus grande souffrance peut être le moment de la plus grande dignité et de la plus grande gloire. Après que le traître ait abandonné le Cénacle, Jésus dit: “Maintenant le Fils de l’homme a été glorifié et Dieu a été glorifié en lui. Si Dieu a été glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera en lui même et c’est aussitôt qu’il le glorifiera” (Jn 13, 31-32).
Si actuellement, nombreux sont ceux qui, dans notre monde, n’écoutent pas la voix du Créateur et ne sont pas ouverts pour accepter la vérité et pratiquer la charité, la nature de la réalité créée demeure ce qu’elle est. La justice et la miséricorde divine se font valoir de toute façon dans le fonctionnement du monde et dans le déroulement de l’histoire. Ainsi, chers Confrères, nous vous assurons de nos prières et de notre solidarité afin que vous puissiez trouver les chemins pour promouvoir la réconciliation, la justice et la paix et que vous soyez une source de réconfort aussi pour nous, avec vos expériences, votre foi et votre témoignage.







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