Faire connaître ses droits à la population, l’aider à comprendre le langage et les
outils juridiques à sa disposition, pour qu’elle s’en serve et réclame justice quand
elle est victime. C’est l’ambition affichée à l’entrée de la clinique juridique, ouverte
en 2003 à Ngaba, quartier populaire à la périphérie de Kinshasa, en République Démocratique
du Congo. Anne-Marie Mukwayanzo Mpundu est membre de l’ONG Femmes Chrétiennes pour
le Développement et la Démocratie, à l’origine du projet.
Propos recueillis
par Lisa Azorin.
Retranscription
C’était un besoin, qui venait
vraiment de la population elle-même. Maintenant, là où il y a eu des problèmes pour
essayer de gagner la confiance des gens, c’est au niveau des viols. Parce que chez
nous, en Afrique, il y a des problèmes liés à l’impunité sexuelle. Ce sont vraiment
des problèmes tabous, qu’on n’expose pas vraiment sur la place publique. Ce qui fait
que, même quand une fille se fait violer, que ce soit par des personnes extérieures
ou même par des personnes internes à la famille – parce qu’il y a aussi beaucoup de
cas de viols dont on a connaissance et qui sont commis dans la maison même – ces cas-là,
souvent, on n’aime pas les dénoncer. On ne voudrait pas que la fille soit stigmatisée,
alors on préfère le cacher et arranger cela dans le secret de la famille. C’est à
ce niveau-là, pour faire sortir ces faits et commencer à habituer les gens à les dénoncer
comme des méfaits que le processus a nécessité beaucoup de tactique, de méthode et
d’animation, pour que les gens en comprennent le bien-fondé.
Est-ce que
le recours à la justice est plus spontané ?
Ça dépend des cas. Si ce sont
des cas tels que les gens qui se disputent pour de l’argent ou des terres, là ils
vont facilement en justice parce qu’ils ont un intérêt direct. Ils veulent recouvrer
leur argent, ils veulent recouvrer leur parcelle. Là les gens vont facilement en justice.
Mais si ce sont des cas comme ceux que nous venons de citer, des cas de viols par
exemple, ils ne trouvent pas cela grave. Ils ne perçoivent pas la gravité et l’ampleur
du problème. Alors cela réduit cette spontanéité pour que les gens se présentent en
justice. Et il y a aussi un problème d’argent. L’accès à la justice n’est pas donné
à tout le monde, parce que si vous n’avez pas suffisamment de moyens pour pouvoir
commencer un dossier et le poursuivre jusqu’au bout, vous n’arriverez à aucun résultat.
Parfois aussi les gens sont découragés d’aller se présenter à la justice spontanément
parce qu’ils se disent « je n’ai pas d’argent à perdre, je préfère arranger cela à
l’amiable » ou « je préfère aller voir à l’église le pasteur pour qu’il nous aide ».
Il y a donc les deux situations. Mais c’est plutôt notre justice qui n’est pas encore
une justice objective ou fiable. Il y a encore beaucoup de lacunes au niveau de notre
justice qui découragent les gens d’y avoir recours.