On avait coutume de qualifier la radio africaine de « sourde s’adressant à des muets ».
Le paysage médiatique a bien changé, permettant l’instauration d’un véritable dialogue
avec la société. Aujourd’hui, les organes de presse se trouvent aussi bien entre des
mains publiques que privées et même confessionnelles. Une pluralité de propriétés
qui renforce le pouvoir des médias, dont le rôle potentiel en faveur du développement
de l’Afrique n’est pas des moindres. Entretien avec Alymana Bathily, sociologue
spécialiste des médias et coordinateur pour l’Afrique de l’Association mondiale des
radios communautaires.
Propos recueillis
par Lisa Azorin.
Retranscription
Il y a de la place, en général,
dans les médias publics, les médias qui relèvent de l’État donc. C’est une tradition
assez ancienne d’ailleurs de leur faire une place, plus ou moins importante selon
les pays. En général par exemple, il y a toujours le dimanche, dans les pays de tradition
catholique, la retransmission de la messe, des homélies, à Noël. Dans d’autres pays,
il y a même tous les jours un moment qui est dédié aux différentes religions. En dehors
de cela, il est reconnu maintenant, dans la plupart des législations, que les religions,
en tant que communautés spécifiques, ont droit à l’accès aux médias, notamment à l’attribution
de fréquences. C’est le cas dans la plupart des pays.
Quel est l’impact
de ces médias confessionnels ?
L’impact des médias confessionnels est important.
Il y a un public fidélisé, plus ou moins important selon les pays, et un public divers,
qui suit régulièrement ces médias.
Quel genre d’informations ces médias
diffusent-ils ?
Les contenus de ces médias sont assez variés. Il y a un
contenu religieux, qui représente en général la part la plus importante du contenu.
Mais à côté de ce contenu strictement religieux, il y a un contenu que nous avons
appelé de développement, c’est-à-dire qui traite des questions de développement. Développement
au sens large, c’est-à-dire aussi bien les questions d’agriculture que de VIH/sida,
des problèmes de jeunesse…donc des questions de développement en général. Et un autre
contenu important, c’est la musique. La musique religieuse et la musique en général.
Est-ce
que médias et acteurs religieux ont intérêt à travailler ensemble en Afrique ?
Oui.
C’est un partenariat qui peut fonctionner pour différentes raisons. Visiblement pour
répondre au besoin d’informations religieuses ou de complément de la pratique religieuse,
c’est-à-dire que dans certains cas, le média sert un peu de prolongement à l’Église.
C’est un besoin des communautés religieuses aujourd’hui, pas seulement d’aller à l’église,
ou à la mosquée, mais de chez eux de participer, d’écouter ou de voir, afin de participer
au culte même. Donc cela répond à ce besoin-là. Mais cela répond aussi à un besoin
d’informations générales, notamment sur le développement, à une participation citoyenne
des fidèles également, qui est un besoin nouveau, mais réel, auquel ces médias répondent
quelquefois.
De quelle manière les médias peuvent-ils jouer un rôle pour
le développement de l’Afrique ?
En renforçant ce pluralisme, en aidant
au débat. Et les médias religieux peuvent bien le faire cela, et l’ont fait très bien
dans certains cas. Débat pas seulement sur les questions strictement de développement,
mais sur les questions en général, les questions des jeunes, des femmes, débat sur
les maladies, sur le VIH/sida, etc. Aux questions aussi sur la liberté, la liberté
d’informer notamment. Je pense qu’en faisant cela, les médias religieux, comme tous
les autres médias, participent au développement de l’Afrique.