Communiqué de l’Église d’Algérie sur le Synode pour l'Afrique
NOTRE EGLISE D’ALGERIE AU SYNODE AFRICAIN. « L’Eglise en Afrique au
service de la réconciliation, de la justice et de la paix. Vous êtes le sel de la
terre… Vous êtes la lumière du monde (Mt 5,13-14)A TOUS LES MEMBRES DE
NOTRE EGLISE D’ALGERIE. Bien chers Amis
Dans quelques jours va s’ouvrir
à Rome la Seconde Assemblée Synodale des Evêques pour l’Afrique (4-24 octobre 09).
Ce sera un événement marquant pour toute notre Eglise, vu l’actualité du thème abordé,
et aussi vu l’interpellation évangélique qui nous est proposée. Il ne s’agit pas de
s’atteler à ce thème en stratèges sociopolitiques mais bien en disciples du Christ,
conscients de notre vocation au service d’être « sel de la terre » et d’être « lumière
du monde ». Ce synode fera suite au premier Synode pour l’Afrique qui s’était tenu
à Rome en Avril – Mai 1994, et qui avait été suivi d’un document marquant : l’Exhortation
Apostolique du Pape Jean Paul II « L’Eglise en Afrique ». Ce document visait l’entrée
dans le Troisième Millénaire. Nous y sommes, et le sujet retenu est de la plus haute
actualité ! Nous serons quatre évêques de la CERNA à y participer : Mgr Landel,
(Archevêque de Rabat et Président de la CERNA), Mgr Giovanni Martinelli (Evêque de
Tripoli), Mgr Maroun Laham (Evêque de Tunis), et moi-même (Evêque de Laghouat –Ghardaia).
Mgr Teissier y participera comme membre de droit. Mais nous ferons cette démarche
en étroite communion avec vous tous et vous toutes qui formez notre Eglise qui est
au Maghreb. Merci à ceux et celles qui ont apporté leur contribution à la préparation
de ce Synode. Plusieurs préoccupations seront à prendre en compte pour notre
Eglise d’Algérie, tout en demeurant dans le cadre plus large de l’Eglise d’Afrique
du Nord. C’est tout d’abord NOTRE ANCRAGE A L’EGLISE D’AFRIQUE. Notre
situation à la fois politique, géographique, culturelle et ecclésiale nous met de
fait un peu à l’écart des préoccupations de l’Afrique subsaharienne. Il ne s’agit
pas ici d’exprimer une frustration ou quelque revendication d’appartenance. Nous vivons
cette situation, sans nous y résigner, comme le fruit de plusieurs facteurs. Notre
participation au Synode nous permettra de mieux nous resituer au cœur même de l’Eglise
d’Afrique. En effet, nous ne pouvons nous rattacher aux Eglises d’Orient, même
si deux évêques venant du Patriarcat latin de Jérusalem viennent d’être nommés au
Maghreb, même si culturellement nous nous sentons proches des Eglises Arabes. Il
n’est pas non plus envisageable de nous rattacher à l’Europe, même si la culture européenne
et plus spécifiquement française, reste une composante historique des pays du Maghreb.
La Méditerranée, certes, est un lien, mais n’est-elle pas aussi un mur par certains
aspects ? Notre appartenance à l’Eglise d’Afrique doit rester une marque privilégiée.
Ceci pour différentes raisons. -Tout d’abord historiquement, « l’Ifriqiya » (qui
a donné son nom à l’Afrique) était cette région du Maghreb où l’Eglise des premiers
siècles était florissante, et elle a donné naissance à une nuée de témoins qui ont
marqué l’Eglise Universelle : Augustin (et sa mère Monique), Cyprien, Tertullien,
et tant de martyrs, hommes et femmes (notamment les martyres Félicité et Perpétue
pour ne citer qu’elles), qui ont donné leur vie pour le Christ. L’Eglise d’Afrique
puise ses origines historiques au Maghreb. Des familles religieuses, dont le rayonnement
est allé bien au-delà de cette région, ont pris naissance sur cette portion du Continent. -Un
autre facteur qui intervient, notamment depuis ces dernières années, c’est la présence
de plus en plus marquée et active d’étudiants et d’étudiantes de l’Afrique subsaharienne.
Ils constituent la part la plus importante en nombre des chrétiens de nos communautés
notamment dans le Nord du pays. Ils y jouent un rôle actif par leur engagement, prennent
en main des initiatives ecclésiales (journées de Taizé à Tlemcen et à Skikda, universités
d’été…). Comme étudiants ils sont plongés dans la société algérienne et donnent le
témoignage d’une vie chrétienne marquante. Nous devons ajouter que l’Algérie est
une terre de passage d’un certain nombre de migrants vers l’Europe, et que
leur présence ne peut rester marginale dans nos préoccupations pastorales et caritatives. -Pour
continuer les arguments qui nous font pousser vers cet ancrage plus marqué dans l’Eglise
d’Afrique, citons encore le soutien de plus en plus actif de membres de Communautés
Religieuses ou de Prêtres Fidei Donum dans nos Eglise Diocésaines. Ils viennent
prendre le relais d’une présence qui jusqu’ici, pour des raisons historiques, était
surtout originaire d’Europe.
Au cours de notre dernière rencontre de la CERNA,
et suite à certaines suggestions qui nous ont été faites, nous avons retenu QUATRE
DEFIS PRINCIPAUX que nous voulons partager avec notre Pape Benoît et nos confrères
Evêques d’Afrique.
1- Le premier est celui de notre relation avec les
Musulmans. Nous sommes une Eglise aux dimensions restreintes certes, mais bien
présente dans un monde musulman nettement majoritaire. Sur les 300 millions de Musulmans
présents en Afrique, 200 millions vivent dans les pays arabes du Continent. Notre
relation avec le monde de l’Islam fait partie de notre préoccupation quotidienne,
et nous désirons se voir approfondir toujours davantage ce lien pour passer de la
simple coexistence aux échanges plus profonds, mais aussi à un engagement toujours
plus accru pour la réconciliation, la justice et la paix. Le pays vient de sortir
d’une crise sans précédent où la réconciliation nationale a été pendant plusieurs
années une des préoccupations majeures des dirigeants. Dans le contexte d’une Eglise
qui se veut toujours plus proche de la population, nous avons là une expérience assez
unique à partager, mais aussi à éclairer à la lumière ce de vivent les autres pays
d’Afrique.
2- Par ailleurs, nous l’avons signalé, notre Eglise d’Algérie (comme
les autres Eglises du Maghreb) accueille des milliers d’étudiants d’Afrique subsaharienne.
Un bon nombre parmi eux sont des chrétiens qui comptent sur l’Eglise pour les aider
à vivre leur foi et leur témoignage dans leur pays d’accueil. Ils ont besoin de l’appui
de l’Eglise qui les accueille, et aussi de se sentir partie prenante dans le témoignage
de cette Eglise. Ils y jouent un rôle important. Ils se préparent à rejoindre leurs
pays d’origine et ce temps d’étude est pour eux une occasion d’approfondir leur
foi et de se préparer, en chrétiens, à leurs responsabilités futures. Ils apportent
aussi à l’Eglise d’Algérie un dynamisme, une force de renouvellement, une jeunesse
dont elle a besoin !
3- D’autre part, il se trouve que l’Algérie est un lieu
de passage et aussi d’aboutissement forcé de très nombreux migrants subsahariens.
La plupart n’ont pas choisi la migration par désir d’aventure, mais par nécessité
vitale. Le départ de leur pays d’origine est souvent la conséquence d’injustices d’ordre
économique venant de responsables politiques du Continent ou de responsables de l’Economie
mondiale. Nous ne pouvons pas répondre aux nombreuses demandes d’aide matérielle de
ces Migrants, mais ils sont nos frères au même titre que toute autre personne humaine,
et ont le droit à notre attention. Certains parmi eux sont malades, déprimés, et
nous essayons de leur offrir des moyens de se soigner grâce à des liens de solidarité.
D’autres se décident à rejoindre leur pays, grâce à un réseau de solidarité vécu au
sein de notre Eglise, nous les aidons à réaliser ce projet. Comment faire pour que
disparaissent les causes de leur départ, si ce n’est par un sursaut de justice dans
leur pays d’origine ?
4- Enfin, l’Algérie (comme d’ailleurs l’ensemble du Maghreb)
se trouve devant un défi culturel et religieux assez unique. De par sa situation
géographique, l’Algérie est un grand carrefour de cultures : culture arabe
et cultures berbères au sein même du pays, marquées elles aussi par la mondialisation.
Située au Nord de l’Afrique, le pays est aussi influencé par les cultures africaines
(elle vient de vivre avec succès un second Festival Panafricain). Tournée vers les
pays méditerranéens, elle est aussi sous l’influence des cultures occidentales. De
religion musulmane, elle est profondément marquée par la culture arabe et tournée
vers le Proche Orient. Notre Eglise se trouve à ce carrefour et est appelée
à relever le défi de l’inter-culturalité en son sein même. Tributaire d’un passé tourné
vers l’Europe, elle est en train de vivre une mutation qui lui donne une dimension
plus universelle. C’est en son sein même qu’elle est appelée à être ferment de
réconciliation, de justice et de paix ! Elle est aussi interpellée par des mouvements
évangéliques qui ont pris corps dans le pays, qui apportent une autre façon de
vivre la foi chrétienne qui alerte les autorités locales. Ce phénomène tout en étant
planétaire n’est pas sans nous interpeller. Comment allons-nous vivre cette coexistence
avec d’autres chrétiens qui souvent ne partagent pas notre façon de nous situer dans
le pays ?
Ne perdons pas de vue cette visée du Synode qui veut faire de nous
les serviteurs d’un monde de réconciliation, de justice et de paix. Chacun de ces
défis est traversé par cette triple dimension qui rejoint chacun et chacune d’entre
nous dans un quotidien vécu au cœur de ce monde. Résonne à nos yeux la recommandation
de Jésus : « Vous êtes le sel de la terre… vous êtes la lumière du monde ».
Cette parole est une marque de confiance de Jésus pour ses disciples. A travers ces
paroles se dessine notre vocation commune. L’engagement de chacun et de chacune d’entre
nous n’est pas de trop pour répondre à Son attente sur chacun et chacune d’entre nous.
Le Synode sur l’Afrique est un vaste chantier où nous sommes tous convoqués. Merci
pour votre prière active, votre soutien fraternel, et votre engagement de chaque jour. Notre
Dame d’Afrique, notre Mère à tous, nous envoie, et nous montrant son Fils, nous répète
« Tout ce qu’Il vous dira, faites-le ». Puissions-nous être fidèles à cette recommandation !
A
Ghardaia le 8 septembre, fête de la Nativité de Marie. +Claude Rault.Evêque de
Laghouat-Ghardaia. Délégué de la CERNA pour le Synode.