Benoît XVI aux évêques du Vietnam : « Les religions ne sont pas un danger pour l’unité
de la nation »
Les évêques du Vietnam sont à Rome depuis le début de la semaine pour leur visite
ad limina, le Pape les a reçus ce samedi à la mi-journée. Dans son discours, Benoît
XVI a souhaité confier à la sollicitude des évêques tout particulièrement les jeunes,
et notamment les jeunes ruraux qui sont attirés par la ville. Il serait souhaitable
de développer une pastorale appropriée pour ces jeunes migrantsen développant
la collaboration entre les diocèses a dit le Pape, mais Benoît XVI a aussi parlé des
catholiques et de la politique dans ce pays encore tenu par un régime communiste et
où la liberté de croire est souvent mise à mal. Le compte-rendu de Xavier Sartre
Voici
le texte intégral du discours de Benoît XVI : Monsieur le Cardinal, Chers
Frères dans l’Épiscopat, C’est avec grande joie que je vous accueille, pasteurs
de l’Église catholique qui est au Viêt Nam. Notre rencontre prend une signification
particulière en ces jours où l’Église tout entière célèbre la solennité des Apôtres
Pierre et Paul, et elle est pour moi de grand réconfort car je connais les liens profonds
de fidélité et d’amour que les fidèles de votre pays nourrissent pour l’Eglise et
pour le Pape. C’est auprès des tombeaux de ces deux Princes des Apôtres, que vous
êtes venus manifester votre communion avec le Successeur de Pierre et renforcer l’unité
qui doit toujours demeurer entre vous et qui doit grandir encore. Je remercie le Président
de votre Conférence épiscopale, Mgr Pierre Nguyên Van Nhon, Évêque de Đà-Lat, pour
les aimables paroles qu’il m’a adressées en votre nom. Permettez-moi de saluer particulièrement
les Évêques qui ont été nommés depuis votre dernière visite ad limina. Je voudrais
aussi faire mémoire du vénéré Cardinal Paul Joseph Pham Đinh Tung, Archevêque de Hà
Nôi pendant de nombreuses années. Avec vous, je rends grâce à Dieu pour le zèle pastoral
qu’il a déployé avec humilité dans un amour paternel profond pour son peuple et une
grande fraternité pour ses prêtres. Que l’exemple de sainteté, d’humilité, de simplicité
de vie des grands pasteurs de votre pays soient pour vous des stimulants dans votre
ministère épiscopal au service du peuple vietnamien, auquel je voudrais manifester
ma profonde estime. Chers Frères dans l’Episcopat, il y a quelques jours a débuté
l’Année du Sacerdoce. Elle permettra de mettre en lumière la grandeur et la
beauté du ministère des prêtres. Je vous saurais gré de bien vouloir remercier les
prêtres diocésains et religieux de votre cher pays pour leur vie consacrée au Seigneur
et pour leurs efforts pastoraux en vue de la sanctification du Peuple de Dieu. Ayez
souci d’eux, soyez pour eux pleins de compréhension et aidez-les à compléter leur
formation permanente. Pour être un guide authentique et conforme au cœur de Dieu et
à l’enseignement de l’Eglise, le prêtre doit approfondir sa vie intérieure et tendre
à la sainteté comme l’humble curé d’Ars l’a montré. La floraison des vocations sacerdotales
et religieuses, notamment dans la vie consacrée féminine, est un don de la part du
Seigneur pour votre Eglise. Rendons grâce à Dieu pour leurs charismes propres que
vous encouragez en les respectant et en les promouvant. Dans votre Lettre pastorale
de l’année dernière vous avez montré une attention particulière aux fidèles laïcs
en mettant en évidence le rôle de leur vocation dans le domaine familial. Il est souhaitable
que chaque famille catholique, enseignant aux enfants à vivre en accord avec une conscience
droite, dans la loyauté et la vérité, devienne un foyer de valeurs et de vertus humaines,
une école de foi et d’amour pour Dieu. Quant à eux, les laïcs catholiques devraient
démontrer par leur vie basée sur la charité, l’honnêteté, l’amour du bien commun,
qu’un bon catholique est aussi un bon citoyen. Pour cela vous veillez attentivement
à leur bonne formation en promouvant leur vie de foi et leur niveau culturel afin
qu’ils puissent servir efficacement l’Eglise et la société. Je voudrais confier
de manière particulière à votre sollicitude les jeunes, notamment les jeunes ruraux
qui sont attirés par la ville pour y poursuivre des études supérieures et pour y trouver
du travail. Il serait souhaitable de développer une pastorale appropriée pour ces
jeunes migrants internes en commençant par renforcer, là aussi, la collaboration entre
les diocèses d’origine des jeunes et les diocèses d’accueil et en leur prodiguant
des conseils éthiques et des directives pratiques. L’Eglise qui est au Viêt Nam
se prépare actuellement à la célébration du cinquantième anniversaire de l’érection
de la hiérarchie épiscopale vietnamienne. Cette célébration qui sera marquée tout
spécialement par l'Année jubilaire 2010, pourra lui permettre de partager avec enthousiasme
la joie de la foi avec tous les Vietnamiens en renouvelant ses engagements missionnaires.
A cette occasion le peuple de Dieu doit être invité à rendre grâce pour le don de
la foi en Jésus-Christ. Ce don a été accueilli généreusement, vécu et témoigné par
de nombreux martyrs, qui ont voulu proclamer la vérité et l’universalité de la foi
en Dieu. En ce sens, le témoignage rendu au Christ est un service suprême que l’Eglise
peut offrir au Viêt Nam et à tous les peuples d’Asie, parce qu’il répond à la recherche
profonde de la vérité et des valeurs qui garantissent le développement humain intégral
(cf. Ecclesia in Asia). Devant les nombreux défis que ce témoignage rencontre
actuellement, une collaboration plus étroite est nécessaire entre les différents diocèses,
entre les diocèses et les congrégations religieuses, de même qu’entre ces dernières
elles-mêmes. La Lettre Pastoraleque votre Conférence épiscopale a publiée
en 1980, insiste sur « l’Eglise du Christ au milieu de son Peuple ». En apportant
sa spécificité – l’annonce de la Bonne Nouvelle du Christ –, l’Eglise contribue au
développement humain et spirituel des personnes, mais également au développement du
pays. Sa participation à ce processus est un devoir et une contribution importante
surtout au moment où le Viêt Nam connait une progressive ouverture à la communauté
internationale. Vous savez comme moi qu’une saine collaboration entre l’Eglise
et la communauté politique est possible. A ce propos, l’Eglise invite tous ses membres
à s’engager loyalement pour l’édification d’une société juste, solidaire et équitable.
Elle n’entend nullement se substituer aux responsables gouvernementaux, souhaitant
seulement pouvoir, dans un esprit de dialogue et de collaboration respectueuse, prendre
une juste part à la vie de la nation, au service de tout le peuple. En participant
activement, à la place qui lui revient et selon sa vocation spécifique, l’Eglise ne
peut jamais se dispenser de l’exercice de la charité en tant qu’activité organisée
des croyants et, d’autre part, il n’y aura jamais une situation dans laquelle on n’aura
pas besoin de la charité de chaque chrétien, car l’homme, au-delà de la justice, a
et aura toujours besoin de l’amour (Deus caritas est, n. 29). En outre, il
me semble important de souligner que les religions ne présentent pas un danger pour
l’unité de la nation, car elles visent à aider l’individu à se sanctifier et, à travers
leurs institutions, elles désirent se mettre généreusement et de manière désintéressée
au service du prochain. Monsieur le Cardinal, chers Frères dans l’Épiscopat,
à votre retour dans votre pays, transmettez le salut chaleureux du Pape aux prêtres,
aux religieux, aux religieuses, aux séminaristes, aux catéchistes et à tous les fidèles,
surtout aux plus pauvres et à ceux qui souffrent physiquement et spirituellement.
Je les encourage vivement à demeurer fidèles à la foi reçue des Apôtres dont ils sont
les témoins généreux dans des conditions souvent difficiles et à démontrer l’humble
fermeté que l’Exhortation apostolique « Ecclesia in Asia » (n. 9) leur a reconnu
comme une caractéristique. Que l’Esprit du Seigneur soit leur guide et leur force !
Vous confiant à la protection maternelle de Notre-Dame de La-Vang et à l’intercession
des saints Martyrs du Viêt Nam, j’accorde à tous une affectueuse Bénédiction apostolique.