Situation de l’Église au Viêt Nam : le témoignage du président de la Conférence épiscopale
La visite ad limina des évêques vietnamiens se poursuit ces jours-ci à Rome.
Le père Georges Cheung, responsable du Service Documentation de Radio Vatican, s’est
entretenu au sujet de la situation de l’Église au Viêt Nam avec Mgr Pierre Nguyên
Văn Nhon, évêque de Đà Lat et président de la Conférence épiscopale du Viêt Nam. Écoutez
l'intégralité de l’entretien (14 min.).
Transcription
de l’entretien :
Q : Mgr. Pierre Nhon, L'Église vietnamienne a connu
des moments difficiles dans son histoire : Quelle est la situation aujourd’hui ? Les
visites désormais régulières des délégations du Saint-Siège au Vietnam ont-elles contribué
à améliorer les rapports avec l’Etat ?
Mgr. P.N. L'Évangile du Christ
est semé sur le sol du Vietnam depuis 1533, et depuis, comme vous l’avez dit, il y
a (eu) des moments difficiles. Mais, grâce à Dieu, tout s’est bien passé. Il faut
attendre jusqu’en 1960 (pour) que la hiérarchie vietnamienne soit créée, et en 1980,
naît la Conférence épiscopale de tout le Vietnam. Il faut attendre jusqu’en 1989,
la première délégation du Saint-Siège est venue au Vietnam avec le Cardinal Roger
Etchegaray. Et c’est à partir de ce moment que les visites de la délégation du Vatican
régulièrement ont eu lieu au Vietnam. Mais avec la première visite, c’est déjà
le tournant historique parce que, depuis, à chaque fois qu’il y a des visites de la
délégation, nous trouvons qu’il y a quelque chose de nouveau. Par exemple, tout récemment,
la visite de la délégation du 5 au 11 mars 2007, avec en tête Mgr Pietro Parolin,
sous-secrétaire pour les Relations du Saint-Siège avec les États, c’est providentiel,
parce que cette visite suivait de près la rencontre historique du 25 janvier 2007
entre le Premier ministre du Vietnam avec Sa Sainteté Benoît XVI au Vatican. Alors,
à chaque moment comme cela, on parle plus du cheminement positif vers les relations
diplomatiques. Pour nous, nous désirons ardemment la présence permanente du Saint-Siège.
Le représentant Sa Sainteté au Vietnam serait pour nous un signe tangible du Saint
Père et de l'Église. Je crois que, à chaque fois qu’il y a des visites comme ça,
de petites choses se passaient, mais on voit tout de suite qu’il y a beaucoup de progrès.
Concrètement, par exemple, les nominations des évêques, maintenant, c’est beaucoup
plus libre, et je crois que cela dépend du Saint-Siège et de la Conférence seulement.
Ensuite, parfois il y a des difficultés ou bien des tensions ; alors, il y a toujours
le dialogue, on peut toujours se rencontrer, et on peut résoudre le problème mieux
qu’auparavant. Donc, c’est plutôt très positif pour ces visites de la délégation du
Saint-Siège.
Q : Le Vietnam est un pays à majorité bouddhiste : Quels sont
les rapports de l'Église avec les autres religions ?
Mgr. P.N. En général,
il faut dire que l'Église catholique est en bonnes relations avec les autres religions
et les confessions religieuses différentes. Bien que les doctrines soient différentes,
mais on a toujours un certain idéal, le même – la croyance en un être suprême, et
surtout la question de la morale : on est bien proches les uns des autres. Nous partageons
aussi presque les mêmes difficultés et les mêmes espérances. Cela nous (rend) très
proches les uns des autres. Concrètement, nous profitons des différents événements
durant l’année pour rendre des visites, et, au cours de ces visites, on se sent très
à l’aise entre amis. Par exemple, pour les visites chez les bouddhistes, à l’occasion
des fêtes – Vesak – ou, pour nous, les bouddhistes viennent très souvent, de presque
partout, dans les paroisses lors de la fête de Noël. Il y a des rencontres, et on
se respecte mutuellement. Bien sûr, ce n’est pas encore idéal, parce que c’est resté
encore au niveau des visites de courtoisie. Je crois que dans le futur, nous tâcherons
d’aller un peu plus loin au niveau des recherches spirituelles et intellectuelles,
doctrinales pour mieux se faire comprendre et se respecter.
Q : La contribution
de l'Église, et en particulier des ordres religieux, dans les domaines socio-caritatifs,
est-elle appréciée par la population ? Qu’en est-il de la reconnaissance des autorités
?
Mgr. P.N. Quand on parle de la contribution des congrégations religieuses
au Vietnam, c’est toujours quelque chose de très édifiant, de très positif, parce
que, au Vietnam nous avons un nombre considérable de religieux et de religieuses.
Ils sont bien préparés, ils sont compétents, ils sont très actifs, dans les activités
éducatives, pastorales, caritatives, sociales, etc. Du point de vue ecclésial, les
religieux ont une place, une place très marquée. Mais pour la société, pour l’Etat,
certainement, on respecte leur vie, on respecte leurs compétences, on a besoin d’eux.
Mais, pour avoir une place assez officielle, … on (essaie) de mettre au clair, parce
que, …, dans certaines activités, l’on ne voudrait pas qu’ils soient représentés en
tant que religieux, mais seulement en tant que personnes compétentes. Mais les religieux
veulent se présenter à la société en tant qu’hommes de Dieu, et hommes de l'Église
: Pourquoi ils ne sont pas mariés, pourquoi ils se donnent entièrement jour et nuit,
pourquoi ils ne demandent pas de salaire ou bien des positions. C’est seulement à
cause de leur appartenance à Dieu. Et même, après, pour travailler en habit religieux…
Mais, pour ces choses-là, pour le moment, c’est encore difficile. Mais je crois qu’à
un certain moment, cela doit arriver.
Q : Comment s’annonce l’avenir en
ce qui concerne les vocations et le rôle des laïcs dans l’Eglise et la société vietnamienne
?
Mgr. P.N. Vous me posez deux questions : les vocations et le rôle
des laïcs. Parlons d’abord des vocations. En général, on dit les vocations sacerdotales
et la vocation religieuse. Pour les vocations sacerdotales, nous avons sept grands
séminaires. Ce n’est pas le nombre qui compte, parce que, avant 1975, chaque diocèse
avait son propre séminaire. Maintenant, ce sont les grands séminaires régionaux, parce
que un grand séminaire est parfois pour quatre diocèses. Mais chaque séminaire
a beaucoup de séminaristes – ça peut varier de 150 à 250. Donc, en général, on a un
effectif de plus de 1.000 grands séminaristes. Sans compter les propédeutiques. Ce
sont les étudiants qui ont déjà choisi une vocation, mais, avant d’entrer au grand
séminaire, ils font un certain temps dans les paroisses pour la préparation. Ce
que nous avons dit à propos des grands séminaires, il faut le dire aussi, la même
chose, avec les maisons religieuses, avec les instituts masculins et féminins. Je
crois qu’il y a, de plus en plus, des jeunes qui veulent se donner pour la contemplation,
pour la vie religieuse. Donc, en général, nous sommes très heureux d’avoir ces vocations.
La question, c’est la formation, parce que il y a un temps assez long où il n’y
a pas d’ordination. Par exemple, dans mon diocèse, il y a un « trou » de dix ans.
Maintenant il faut récupérer cela. Pour les religieux et religieuses, il y a de
nouveaux instituts religieux qui viennent au Vietnam, mais il faut avoir du temps
pour se faire reconnaître, dans les activités. Nous attachons beaucoup d’importance
sur la formation permanente des prêtres, parce que on le voit très bien, ils sont
devant une société qui varie beaucoup, qui change beaucoup, et très vite. Alors, les
jeunes prêtres, mais les vieux prêtres aussi, doivent (le faire) pour pouvoir servir
proprement. Pour les laïcs, on peut dire en général, les laïcs vietnamiens sont
pieux, ils aiment l'Église et en respectent la hiérarchie. Je crois qu’ils ont beaucoup
de qualités, mais il faut mieux les préparer, parce que, non seulement ils vivent
la foi, mais il (leur) faut exprimer, il faut dire aux autres ce qu’est la foi, ce
qu’est notre foi, dans le catéchisme. Nous comptons beaucoup sur les jeunes, parce
que les jeunes, au Vietnam sont aimés et respectés, et ils forment la base de l’avenir.
Surtout dans toutes les paroisses et dans toutes les activités, les jeunes occupent
une place importante. Par exemple, si nous parlons des catéchistes, ils sont tous
bénévoles, au nombre de plus de 50.000… Vous voyez, on peut dire que c’est une « armée
»… Ils sont avec tout leur cœur et leur désir de servir l’Eglise et de rendre les
autres plus heureux. Aussi les jeunes des chorales. Ils ne sont pas là pour chanter
seulement, mais ils participent à toutes les activités dans les paroisses. Nous aimons
les jeunes et nous avons confiance en eux. Si on parle des jeunes positivement,
on peut aussi parler des vieux, parce que la tradition familiale, la tradition dans
les paroisses, c’est toujours basée sur la vie du passé. (…) Quand on demande, pourquoi
au Vietnam il y a tant de vocations, la seule réponse : c’est grâce à la famille,
parce que la famille vietnamienne, c’est un support, c’est déjà un pré-séminaire,
on a tout dans la famille. Alors, je crois, pour nous, pour le moment, c’est la formation
des jeunes, pour qu’ils puissent avoir une doctrine plus profonde pour la vie.