Les Conférences épiscopales d’Europe publient le résultat de leur rencontre de Zagreb
Au terme de la Rencontre européenne des évêques des Conférences épiscopales d’Europe,
qui avait pour thème : « Réalisme et confiance de l’Église en temps de crise », les
évêques ont publié un communiqué de presse sur la conclusion des travaux qui se sont
déroulés du 8 au 10 juin à Zagreb en Croatie.
Nous reproduisons ci-dessous
l’intégralité du communiqué de presse du CCEE:
À Zagreb, sont conclus les travaux
de la Rencontre européenne des évêques des Conférences épiscopales d’Europe responsables
des questions sociales, à laquelle ont participé 37 délégués représentant 22 Conférences
épiscopales. Cette rencontre était organisée en collaboration avec la Conférence épiscopale
de Croatie, à l’invitation du Cardinal Josip Bozanic, Archevêque de Zagreb et Vice-président
du CCEE, qui en a expliqué le motif dans son salut initial : « L’Église se sent toujours
vivement interpellée là où la vie de l’homme, la dignité de la personne humaine, le
bien commun, le droit au travail et à une vie digne, et la défense des classes les
plus défavorisées sont en jeu ». En réaffirmant la centralité de la personne humaine,
elle défend « le caractère public de la foi », et ne se lasse pas de rappeler à la
société « un certain nombre de valeurs non négociables, car elles n’ont pas été établies
par l’homme ». L’Église s’engage à apporter « sa contribution responsable à l’élaboration
de réponses pertinentes aux problèmes sociaux, basées sur son patrimoine de foi et
sur son expérience sociale ».
La situation mondiale particulière, caractérisée
par une grave crise socioéconomique, incite les Conférences épiscopales d’Europe à
se mettre en réseau afin de mener une réflexion, une étude approfondie de la situation
et un partage d’expériences à la recherche de stratégies communes, d’une collaboration
efficace qui tienne compte de toutes les structures et organismes ecclésiaux engagés
dans le social. La crise actuelle nous apprend que nous ne nous en sortirons pas seuls,
et qu’un effort commun de tous est nécessaire. La rencontre de Zagreb a donc débuté
par une réflexion de Mgr Giampaolo Crepaldi, Secrétaire du Conseil Pontifical pour
la Justice et la Paix, sur les structures ecclésiales de la pastorale sociale.
Les
structures ecclésiales de la pastorale sociale En Europe, les commissions épiscopales
et organisations civiles d’inspiration chrétienne préposées à ce service ne manquent
pas. D’autre part, la « culture sociale », présente dans l’Église depuis ses origines,
trouve son fondement dans l’évangile de Jésus Christ. La pastorale sociale de l’Église
n’a donc pas besoin d’être inventée. C’est déjà aujourd’hui une réalité vaste, consistante
et prometteuse. Une réalité qu’on ne peut pas ignorer. « L’Église ne peut pas ne pas
exprimer sa pastorale sociale, en raison de sa nature de réalité salvifique établie
dans l’Histoire par le Christ Seigneur », a souligné Mgr Crepaldi. Pour exercer ce
service, l’Église a mis en place diverses structures et organisations. En premier
lieu, le Conseil Pontifical pour la Justice et la Paix qui « n’est pas un organe de
pastorale et de coordination opérationnelle, mais plutôt d’orientation et d’incitation
». Ce sont les commissions épiscopales et les bureaux nationaux et/ou diocésains qui
sont chargés de l’orientation organisationnelle et opérationnelle, afin de donner
systématicité et continuité à la pastorale sociale. Dans le cadre de cette action
de l’Église, les Commissions continentales ont également un rôle de guide, puisqu’elles
sont chargées de définir les grandes lignes du travail commun. Dune part, un travail
d’approfondissement intellectuel est nécessaire sur la doctrine sociale de l’Église
: les universités catholiques et les centres de recherche ont le devoir de mettre
leurs connaissances et leurs compétences à la disposition de tous, en manifestant
ainsi leur disponibilité à la charité intellectuelle et leur foi profonde dans la
capacité du Verbe chrétien d’animer les cultures de la modernité, y compris dans le
domaine social. D’autre part, il est nécessaire que se renforce la conscience d’un
engagement commun. On constate en effet chez les fidèles une certaine méconnaissance
de la doctrine sociale de l’Église, trop souvent perçue comme étant distincte de l’action
concrète et immédiate du geste caritatif. Or loin de se limiter aux activités caritatives,
l’activité sociale de l’Église vise à introduire l’évangile dans la physiologie de
la vie sociale. Il est donc nécessaire de trouver des modalités et des méthodes
permettant aux fidèles catholiques de se réapproprier du patrimoine de la doctrine
sociale de l’Église. En ce sens, les Semaines sociales catholiques organisées dans
différents pays, dans lesquelles la hiérarchie ecclésiastique est engagée aux côtés
d’experts laïques, sont utiles. « Il est souhaitable que non seulement cette tradition
ne se perde pas, mais qu’elle soit poursuivie, renouvelée, et introduite dans les
nations qui n’ont jamais fait cette expérience dans le passé », a dit encore Mgr Crepaldi. Pour
sa part, le Cardinal Peter Erdő, Archevêque d’Esztergom-Budapest et Président du CCEE,
a souligné la nécessité d’apporter une « réponse globale » au niveau ecclésial au
« problème global » que pose la crise financière actuelle. La collaboration entre
les Conférences épiscopales est donc fondamentale. Si, après le Concile Vatican II,
on a vu proliférer les commissions épiscopales, bureaux des Conférences épiscopales
et organisations civiles diverses d’inspiration chrétienne, l’expérience de ces dernières
décennies nous montre combien il est nécessaire de trouver de nouvelles formes de
collaboration entre les diverses instances ecclésiales. La complémentarité des ministères
et des charismes s’inscrit en effet dans la nature même de l’Église. À ceux qui
considèrent que les questions sociales ne sont pas du ressort de l’Église, le Président
du CCEE a répondu que « l’Église considère la politique et tout ce qui a trait à la
vie sociale comme faisant partie intégrante de son service à Dieu et, au nom de Dieu,
à l’homme, parce qu’elle est animée par l’amour et qu’elle s’intéresse au vrai bien
de la personne, dont les diverses capacités humaines font partie d’une unique réalité
organique ». Il est donc évident que les questions qui touchent à la Justice et à
la Paix font partie intégrante de la mission de l’Église. Toute tentative de séparer
la mission pastorale ou l’évangélisation des problématiques sociales serait une grave
erreur et pourraient donner l’impression que la justice sociale n’a rien à voir avec
la foi, et que Dieu n’est pas le Seigneur de l’Histoire ». C’est pourquoi le Président
du CCEE a invité les Commissions européennes « Justice et Paix » à porter « au monde
une parole prophétique » et de confiance, surtout « pour la défense des plus défavorisés
». Le Cardinal a manifesté en outre son intention de proposer la création d’une Commission
épiscopale spécifique au sein du CCEE sur ces questions.
La crise économique
et financière La deuxième partie des travaux a été centrée sur la crise économique
et financière actuelle. Ce thème a été développé également par Mgr Crepaldi, Secrétaire
du Dicastère du Vatican, qui a présenté le contenu d’un document du Conseil Pontifical
intitulé Un nouveau pacte financier international. La crise montre que l’économie
est incapable de se gouverner seule, sans le soutien d’un système de valeurs de référence
qui la transcende. La doctrine sociale de l’Église n’est ni une forme de moralisme,
ni l’expression de vœux éthiques ou d’attentes édifiantes projetées sur la réalité
sociale ou économique, comme beaucoup sembleraient le croire. Pour Mgr Crepaldi, «
la doctrine sociale de l’Église est le fruit de la rencontre entre la lumière de la
foi chrétienne et les actes de la raison ». Aucun pessimisme anthropologique, donc,
même en ce temps de crise, « mais un réalisme de l’espérance qui doit nous guider
». Une espérance qui peut devenir une occasion pour nous réapproprier de la croissance
de façon responsable. « La crise nous oblige à repenser et à projeter, à nous donner
de nouvelles règles, à trouver de nouvelles formes d’engagement, à miser sur les expériences
positives et à rejeter les expériences négatives. La crise est donc une occasion pour
faire un discernement et formuler de nouveaux projets », a souligné le Secrétaire
du Dicastère du Vatican. En ce temps propice à l’élaboration d’une nouvelle vision
de l’économie, il faut aussi tenir compte des besoins des pauvres. La crise rend plus
concret le risque que ne s’interrompent les financements pour le développement qui
étaient déjà précaires. Nombre de pays ne respectent pas l’engagement qu’ils avaient
pris d’y affecter 0,7% de leur PIB. Pour Mgr Crepaldi, il faut « tenir les engagements
pris avec honnêteté et intelligence et injecter dans le moteur du développement la
confiance dont les pays les plus pauvres, en majorité africains, ont absolument besoin
». De son côté, Bernard Scholz, Président de la Compagnie des Œuvres, a souligné
que « cette crise ne pourra être résolue ni par le pessimisme, ni par l’optimisme,
ni par l’indifférence, ni par le ressentiment, mais par un réalisme qui s’efforce
de comprendre ce qui s’est passé réellement, ce que nous pouvons apprendre et ce qu’il
faut changer pour que soient mises en place de nouvelles conditions économiques et
sociales qui favorisent la bonne vie. Ce réalisme engagé est aussi une forme de solidarité
avec ceux qui, en ce moment, souffrent de cette crise ». Trois pistes ont été indiquées
par Scholz, dans lesquelles l’Église pourrait s’engager : la redécouverte de la valeur
du travail ; la promotion de la fonction sociale de l’entreprise ; et la défense du
principe de subsidiarité.
Après ces interventions, les participants ont examiné
certains thèmes spécifiques liés à l’actualité, comme l’accroissement du chômage en
Europe, les agitations sociales, la « crise » des systèmes de retraites et les migrations.
Le
chômage est une des conséquences les plus visibles et graves de la crise. C’est un
problème qui, dans certains pays, est de plus en plus dramatique, touchant un nombre
très élevé de personnes. Il nécessite donc une attention spéciale de la part de l’Église
à cause des graves répercussions qu’il a sur les individus, les familles et la société
tout entière. Pour Mgr Juan José Omella Omella, « la crise actuelle a mis en évidence
de la fracture anthropologique qui se produit lorsque le profit économique se substitue
à l’homme comme référence fondamentale du travail et de l’entreprise » À l’aide
d’une série de témoignages, les participants ont été informés d’un certain nombre
de situations particulières en Europe : la préoccupation du représentant roumain,
Mgr Jenö Schönberger, au sujet des enfants « socialement abandonnés » à la suite de
la forte émigration des parents vers d’autres pays d’Europe ; celle de l’évêque hongrois
Mihály Mayer, inquiet face au nombre croissant de personnes qui vivent uniquement
des subsides de l’État. En Hongrie, comme dans beaucoup d’autres pays de l’ancien
bloc soviétique, les systèmes de retraite, de sécurité sociale et de santé doivent
faire face à de graves difficultés. Enfin Mgr Michel Dubost a cité l’exemple du quartier
populaire de la banlieue de Grigny, particulièrement pauvre, multiethnique (des personnes
de 63 nationalités différentes y cohabitent), qui a vu récemment des flambées d’agitation
sociale, et où l’Église a compris que son rôle consistait à être présente, à accompagner
et avoir besoin des pauvres, à travers un engagement culturel.
La rencontre
a été rythmée par des temps de prière et des célébrations eucharistique qui, avec
le climat d’amitié et de partage fraternel, sont un motif d’espérance pour la collaboration
future à la pastorale sociale en Europe.