2009-06-11 15:16:10

Les Conférences épiscopales d’Europe publient le résultat de leur rencontre de Zagreb


Au terme de la Rencontre européenne des évêques des Conférences épiscopales d’Europe, qui avait pour thème : « Réalisme et confiance de l’Église en temps de crise », les évêques ont publié un communiqué de presse sur la conclusion des travaux qui se sont déroulés du 8 au 10 juin à Zagreb en Croatie.

Nous reproduisons ci-dessous l’intégralité du communiqué de presse du CCEE:

À Zagreb, sont conclus les travaux de la Rencontre européenne des évêques des Conférences épiscopales d’Europe responsables des questions sociales, à laquelle ont participé 37 délégués représentant 22 Conférences épiscopales. Cette rencontre était organisée en collaboration avec la Conférence épiscopale de Croatie, à l’invitation du Cardinal Josip Bozanic, Archevêque de Zagreb et Vice-président du CCEE, qui en a expliqué le motif dans son salut initial : « L’Église se sent toujours vivement interpellée là où la vie de l’homme, la dignité de la personne humaine, le bien commun, le droit au travail et à une vie digne, et la défense des classes les plus défavorisées sont en jeu ». En réaffirmant la centralité de la personne humaine, elle défend « le caractère public de la foi », et ne se lasse pas de rappeler à la société « un certain nombre de valeurs non négociables, car elles n’ont pas été établies par l’homme ». L’Église s’engage à apporter « sa contribution responsable à l’élaboration de réponses pertinentes aux problèmes sociaux, basées sur son patrimoine de foi et sur son expérience sociale ».

La situation mondiale particulière, caractérisée par une grave crise socioéconomique, incite les Conférences épiscopales d’Europe à se mettre en réseau afin de mener une réflexion, une étude approfondie de la situation et un partage d’expériences à la recherche de stratégies communes, d’une collaboration efficace qui tienne compte de toutes les structures et organismes ecclésiaux engagés dans le social. La crise actuelle nous apprend que nous ne nous en sortirons pas seuls, et qu’un effort commun de tous est nécessaire. La rencontre de Zagreb a donc débuté par une réflexion de Mgr Giampaolo Crepaldi, Secrétaire du Conseil Pontifical pour la Justice et la Paix, sur les structures ecclésiales de la pastorale sociale.

Les structures ecclésiales de la pastorale sociale
En Europe, les commissions épiscopales et organisations civiles d’inspiration chrétienne préposées à ce service ne manquent pas. D’autre part, la « culture sociale », présente dans l’Église depuis ses origines, trouve son fondement dans l’évangile de Jésus Christ. La pastorale sociale de l’Église n’a donc pas besoin d’être inventée. C’est déjà aujourd’hui une réalité vaste, consistante et prometteuse. Une réalité qu’on ne peut pas ignorer. « L’Église ne peut pas ne pas exprimer sa pastorale sociale, en raison de sa nature de réalité salvifique établie dans l’Histoire par le Christ Seigneur », a souligné Mgr Crepaldi. Pour exercer ce service, l’Église a mis en place diverses structures et organisations. En premier lieu, le Conseil Pontifical pour la Justice et la Paix qui « n’est pas un organe de pastorale et de coordination opérationnelle, mais plutôt d’orientation et d’incitation ». Ce sont les commissions épiscopales et les bureaux nationaux et/ou diocésains qui sont chargés de l’orientation organisationnelle et opérationnelle, afin de donner systématicité et continuité à la pastorale sociale.
Dans le cadre de cette action de l’Église, les Commissions continentales ont également un rôle de guide, puisqu’elles sont chargées de définir les grandes lignes du travail commun. Dune part, un travail d’approfondissement intellectuel est nécessaire sur la doctrine sociale de l’Église : les universités catholiques et les centres de recherche ont le devoir de mettre leurs connaissances et leurs compétences à la disposition de tous, en manifestant ainsi leur disponibilité à la charité intellectuelle et leur foi profonde dans la capacité du Verbe chrétien d’animer les cultures de la modernité, y compris dans le domaine social. D’autre part, il est nécessaire que se renforce la conscience d’un engagement commun. On constate en effet chez les fidèles une certaine méconnaissance de la doctrine sociale de l’Église, trop souvent perçue comme étant distincte de l’action concrète et immédiate du geste caritatif. Or loin de se limiter aux activités caritatives, l’activité sociale de l’Église vise à introduire l’évangile dans la physiologie de la vie sociale.
Il est donc nécessaire de trouver des modalités et des méthodes permettant aux fidèles catholiques de se réapproprier du patrimoine de la doctrine sociale de l’Église. En ce sens, les Semaines sociales catholiques organisées dans différents pays, dans lesquelles la hiérarchie ecclésiastique est engagée aux côtés d’experts laïques, sont utiles. « Il est souhaitable que non seulement cette tradition ne se perde pas, mais qu’elle soit poursuivie, renouvelée, et introduite dans les nations qui n’ont jamais fait cette expérience dans le passé », a dit encore Mgr Crepaldi.
Pour sa part, le Cardinal Peter Erdő, Archevêque d’Esztergom-Budapest et Président du CCEE, a souligné la nécessité d’apporter une « réponse globale » au niveau ecclésial au « problème global » que pose la crise financière actuelle. La collaboration entre les Conférences épiscopales est donc fondamentale. Si, après le Concile Vatican II, on a vu proliférer les commissions épiscopales, bureaux des Conférences épiscopales et organisations civiles diverses d’inspiration chrétienne, l’expérience de ces dernières décennies nous montre combien il est nécessaire de trouver de nouvelles formes de collaboration entre les diverses instances ecclésiales. La complémentarité des ministères et des charismes s’inscrit en effet dans la nature même de l’Église.
À ceux qui considèrent que les questions sociales ne sont pas du ressort de l’Église, le Président du CCEE a répondu que « l’Église considère la politique et tout ce qui a trait à la vie sociale comme faisant partie intégrante de son service à Dieu et, au nom de Dieu, à l’homme, parce qu’elle est animée par l’amour et qu’elle s’intéresse au vrai bien de la personne, dont les diverses capacités humaines font partie d’une unique réalité organique ». Il est donc évident que les questions qui touchent à la Justice et à la Paix font partie intégrante de la mission de l’Église. Toute tentative de séparer la mission pastorale ou l’évangélisation des problématiques sociales serait une grave erreur et pourraient donner l’impression que la justice sociale n’a rien à voir avec la foi, et que Dieu n’est pas le Seigneur de l’Histoire ».
C’est pourquoi le Président du CCEE a invité les Commissions européennes « Justice et Paix » à porter « au monde une parole prophétique » et de confiance, surtout « pour la défense des plus défavorisés ». Le Cardinal a manifesté en outre son intention de proposer la création d’une Commission épiscopale spécifique au sein du CCEE sur ces questions.

La crise économique et financière
La deuxième partie des travaux a été centrée sur la crise économique et financière actuelle. Ce thème a été développé également par Mgr Crepaldi, Secrétaire du Dicastère du Vatican, qui a présenté le contenu d’un document du Conseil Pontifical intitulé Un nouveau pacte financier international.
La crise montre que l’économie est incapable de se gouverner seule, sans le soutien d’un système de valeurs de référence qui la transcende. La doctrine sociale de l’Église n’est ni une forme de moralisme, ni l’expression de vœux éthiques ou d’attentes édifiantes projetées sur la réalité sociale ou économique, comme beaucoup sembleraient le croire. Pour Mgr Crepaldi, « la doctrine sociale de l’Église est le fruit de la rencontre entre la lumière de la foi chrétienne et les actes de la raison ». Aucun pessimisme anthropologique, donc, même en ce temps de crise, « mais un réalisme de l’espérance qui doit nous guider ».
Une espérance qui peut devenir une occasion pour nous réapproprier de la croissance de façon responsable. « La crise nous oblige à repenser et à projeter, à nous donner de nouvelles règles, à trouver de nouvelles formes d’engagement, à miser sur les expériences positives et à rejeter les expériences négatives. La crise est donc une occasion pour faire un discernement et formuler de nouveaux projets », a souligné le Secrétaire du Dicastère du Vatican.
En ce temps propice à l’élaboration d’une nouvelle vision de l’économie, il faut aussi tenir compte des besoins des pauvres. La crise rend plus concret le risque que ne s’interrompent les financements pour le développement qui étaient déjà précaires. Nombre de pays ne respectent pas l’engagement qu’ils avaient pris d’y affecter 0,7% de leur PIB. Pour Mgr Crepaldi, il faut « tenir les engagements pris avec honnêteté et intelligence et injecter dans le moteur du développement la confiance dont les pays les plus pauvres, en majorité africains, ont absolument besoin ».
De son côté, Bernard Scholz, Président de la Compagnie des Œuvres, a souligné que « cette crise ne pourra être résolue ni par le pessimisme, ni par l’optimisme, ni par l’indifférence, ni par le ressentiment, mais par un réalisme qui s’efforce de comprendre ce qui s’est passé réellement, ce que nous pouvons apprendre et ce qu’il faut changer pour que soient mises en place de nouvelles conditions économiques et sociales qui favorisent la bonne vie. Ce réalisme engagé est aussi une forme de solidarité avec ceux qui, en ce moment, souffrent de cette crise ». Trois pistes ont été indiquées par Scholz, dans lesquelles l’Église pourrait s’engager : la redécouverte de la valeur du travail ; la promotion de la fonction sociale de l’entreprise ; et la défense du principe de subsidiarité.

Après ces interventions, les participants ont examiné certains thèmes spécifiques liés à l’actualité, comme l’accroissement du chômage en Europe, les agitations sociales, la « crise » des systèmes de retraites et les migrations.

Le chômage est une des conséquences les plus visibles et graves de la crise. C’est un problème qui, dans certains pays, est de plus en plus dramatique, touchant un nombre très élevé de personnes. Il nécessite donc une attention spéciale de la part de l’Église à cause des graves répercussions qu’il a sur les individus, les familles et la société tout entière.
Pour Mgr Juan José Omella Omella, « la crise actuelle a mis en évidence de la fracture anthropologique qui se produit lorsque le profit économique se substitue à l’homme comme référence fondamentale du travail et de l’entreprise »
À l’aide d’une série de témoignages, les participants ont été informés d’un certain nombre de situations particulières en Europe : la préoccupation du représentant roumain, Mgr Jenö Schönberger, au sujet des enfants « socialement abandonnés » à la suite de la forte émigration des parents vers d’autres pays d’Europe ; celle de l’évêque hongrois Mihály Mayer, inquiet face au nombre croissant de personnes qui vivent uniquement des subsides de l’État. En Hongrie, comme dans beaucoup d’autres pays de l’ancien bloc soviétique, les systèmes de retraite, de sécurité sociale et de santé doivent faire face à de graves difficultés. Enfin Mgr Michel Dubost a cité l’exemple du quartier populaire de la banlieue de Grigny, particulièrement pauvre, multiethnique (des personnes de 63 nationalités différentes y cohabitent), qui a vu récemment des flambées d’agitation sociale, et où l’Église a compris que son rôle consistait à être présente, à accompagner et avoir besoin des pauvres, à travers un engagement culturel.

La rencontre a été rythmée par des temps de prière et des célébrations eucharistique qui, avec le climat d’amitié et de partage fraternel, sont un motif d’espérance pour la collaboration future à la pastorale sociale en Europe.

Zagreb, le 9 juin 2009







All the contents on this site are copyrighted ©.