Homélie de Benoît XVI lors de la Messe à l'International Stadium d'Amman
Chers Frères et Sœurs dans le Christ,
Je me réjouis que nous puissions célébrer
cette Eucharistie ensemble au début de mon pèlerinage en Terre Sainte. Hier, depuis
les hauteurs du Mont Nébo où je me tenais, je regardais avec attention cette terre
magnifique, la terre de Moïse, d’Élie et de Jean le Baptiste, la terre où les antiques
promesses de Dieu ont été accomplies par la venue du Messie, Jésus Notre Seigneur.
Cette terre a été le témoin de sa prédication et de ses miracles, de sa mort et de
sa résurrection, et de l’effusion de l’Esprit Saint sur l’Église, sacrement d’une
humanité réconciliée et renouvelée. Alors que je considérais le mystère de la fidélité
de Dieu, je priais pour que l’Église sur ces terres soit confirmée dans l’espérance
et fortifiée dans son témoignage au Christ ressuscité, le Sauveur du genre humain.
Vraiment, comme saint Pierre nous le dit dans la première lecture de ce jour, « son
nom, donné aux hommes, est le seul qui puisse nous sauver » (Ac 4, 12).
La
joyeuse célébration du sacrifice eucharistique de ce jour exprime la riche diversité
de l’Église catholique en Terre Sainte. Je vous salue tous avec affection dans le
Seigneur. Je remercie Sa Béatitude Fouad Twal, Patriarche latin de Jérusalem, pour
ses aimables paroles d’accueil. Avec respect et gratitude, je salue aussi Son Altesse
Royale le Prince Ghazi Ben Mohammed, qui représente le Roi de Jordanie, et je La remercie
pour sa présence au milieu de nous. Mes salutations s’adressent aussi aux nombreux
jeunes des écoles catholiques qui apportent aujourd’hui tout leur enthousiasme à cette
célébration eucharistique.
Dans l’Évangile que nous venons d’entendre, Jésus
proclame : « Je suis le bon pasteur… qui donne sa vie pour ses brebis » (Jn 10, 11).
En tant que Successeur de Pierre, à qui le Seigneur a confié le soin de son troupeau
(cf. Jn 21, 15-17), j’ai longtemps attendu cette opportunité de me tenir devant vous
comme un témoin du Sauveur ressuscité, et de vous encourager à persévérer dans la
foi, l’espérance et la charité, dans la fidélité aux traditions antiques et à l’histoire
édifiante du témoignage chrétien qui remonte au temps apostolique. La communauté catholique,
ici, est profondément touchée par les difficultés et les incertitudes qui affectent
tous les peuples du Moyen-Orient. Puissiez-vous ne jamais oublier la grande dignité
qui vient de votre héritage chrétien, ou manquer de sentir la solidarité affectueuse
de tous vos frères et sœurs de l’Église à travers le monde entier !
« Je suis
le bon pasteur », nous dit le Seigneur, « je connais mes brebis, et mes brebis me
connaissent » (Jn 10, 14). Aujourd’hui, en Jordanie, nous célébrons la Journée mondiale
de Prière pour les Vocations. Alors que nous méditons sur l’Évangile du Bon Pasteur,
demandons au Seigneur d’ouvrir nos cœurs et nos esprits toujours plus pleinement pour
entendre son appel. Véritablement, Jésus « nous connaît », plus profondément que nous
ne nous connaissons nous-mêmes, et il a un dessein pour chacun de nous. Nous savons
aussi que, quelque soit son appel, nous trouverons le bonheur et l’épanouissement ;
en effet, nous nous trouverons véritablement nous-mêmes (cf. Mt 10, 39). Aujourd’hui,
j’invite les nombreux jeunes présents ici à considérer comment le Seigneur les appelle
à le suivre et à construire son Église. Que ce soit dans le ministère sacerdotal,
dans la vie consacrée ou dans le sacrement de mariage, Jésus a besoin de vous pour
faire entendre sa voix et travailler à la croissance de son Royaume.
Dans la
seconde lecture de ce jour, saint Jean nous invite à « penser à l’amour dont le Père
nous a comblés » en faisant de nous ses enfants d’adoption dans le Christ. Entendre
ces paroles devrait nous rendre reconnaissants pour l’expérience de l’amour du Père
que nous avons faite dans nos familles, à travers l’amour de notre père et de notre
mère, de nos grands-parents, de nos frères et sœurs. Pendant la célébration de l’Année
de la Famille, l’Église en Terre Sainte a réfléchi sur la famille comme un mystère
d’amour qui donne la vie, doué dans le dessein divin d’un appel et d’une mission propre
: rayonner l’amour divin qui est la source et l’ultime accomplissement de tous les
autres amours de nos vies. Que chaque famille chrétienne grandisse dans la fidélité
à sa haute vocation pour être une véritable école de prière, où les enfants apprennent
l’amour sincère de Dieu, où ils murissent par la maîtrise de soi et le souci du bien
des autres, et où, modelés par la sagesse née de la foi, ils contribuent à construire
une société toujours plus juste et fraternelle. Les fortes familles chrétiennes de
ces contrées sont un legs précieux laissé par les générations précédentes. Puissent
les familles d’aujourd’hui être fidèles à cet impressionnant héritage, et ne jamais
manquer de l’assistance matérielle et morale dont elles ont besoin pour remplir leur
rôle irremplaçable dans le service de la société !
Un aspect important de votre
réflexion durant cette Année de la Famille a été consacré à la dignité particulière,
à la vocation et à la mission des femmes dans le dessein de Dieu. Qui peut dire ce
que l’Église ici présente doit au patient, aimant et fidèle témoignage d’innombrables
mères chrétiennes, religieuses, enseignantes, médecins ou infirmières ! Qui peut dire
ce que votre société doit à toutes ces femmes qui, de différentes et parfois de très
courageuses manières, ont consacré leurs vies à construire la paix et à promouvoir
l’amour ! Dès les premières pages de la Bible, nous voyons comment l’homme et la femme,
crées à l’image de Dieu, sont destinés à se compléter l’un l’autre en tant qu’intendants
des dons de Dieu et partenaires dans la communication du don qu’il fait de sa vie
au monde, à la fois sur le plan biologique et spirituel. Malheureusement, cette dignité
reçue de Dieu et ce rôle des femmes n’ont pas toujours été suffisamment compris et
estimés. L’Église, et la société dans son ensemble, a commencé à saisir combien nous
avons besoin de façon urgente de ce que le Pape Jean-Paul II appelait le « charisme
prophétique » des femmes (cf. Mulieris Dignitatem, n.29) comme porteuses d’amour,
enseignantes de la miséricorde et artisans de paix, apportant chaleur et humanité
à un monde qui trop souvent juge la valeur des personnes d’après les froids critères
de l’utilité et du profit. Par son témoignage public de respect vis-à-vis de la femme,
et sa défense de la dignité innée de toute personne humaine, l’Église en Terre Sainte
peut apporter une importante contribution au progrès d’une vraie culture humaniste
et à la construction de la civilisation de l’amour.
Chers amis, revenons aux
mots de Jésus dans l’Évangile d’aujourd’hui. Je crois qu’ils contiennent un message
qui vous est particulièrement destiné, vous son fidèle troupeau sur ces terres où
il vécut. « Le bon pasteur », nous dit-il, « donne sa vie pour ses brebis ». Au commencement
de cette messe, nous avons demandé au Père de « nous donner part à la force du courage
du Christ notre berger », qui est demeuré ferme dans la fidélité à son Père (cf. Prière
d’ouverture, Messe du quatrième dimanche de Pâques). Puisse le courage du Christ notre
berger vous inspirer et vous soutenir chaque jour dans vos efforts pour rendre témoignage
de la foi chrétienne et pour maintenir la présence de l’Église dans l’évolution du
tissu social de ces terres si anciennes.
La fidélité à vos racines chrétiennes,
la fidélité à la mission de l’Église en Terre Sainte réclament à chacun de vous un
courage singulier : le courage de la conviction, née d’une foi personnelle, qui ne
soit pas seulement une convention sociale ou une tradition familiale ; le courage
de dialoguer et de travailler aux côtés des autres chrétiens au service de l’Évangile
et de la solidarité avec les pauvres, les personnes déplacées et les victimes des
grandes tragédies humaines ; le courage de construire de nouveaux ponts pour rendre
possible la rencontre fructueuse des personnes de religions et de cultures différentes,
et donc d’enrichir le tissu de la société. Cela signifie également rendre témoignage
à l’amour qui nous porte à donner nos vies au service des autres, et ainsi à contrecarrer
des manières de penser qui justifient qu’on puisse « prendre » des vies innocentes.
« Je
suis le bon berger ; je connais mes brebis, et mes brebis me connaissent » (Jn 10,
14). Réjouissez-vous que le Seigneur vous ait appelés par votre nom et ait fait de
vous les membres de son troupeau. Suivez-le avec joie et laissez-le vous guider sur
tous vos chemins en toute chose ! Jésus sait à quels défis vous faites face, quelles
épreuves vous endurez et le bien que vous faites en son nom. Faites-lui confiance,
faites confiance à son amour inlassable pour chacun de ses membres de son troupeau,
et persévérez dans le témoignage rendu au triomphe de cet amour. Puissent saint Jean-Baptiste,
le patron de la Jordanie, et Marie, Vierge et Mère, vous encourager par leur exemple
et leur prière, et vous conduire à la plénitude de la joie dans les pâturages éternels
où nous ferons pour toujours l’expérience de la présence du Bon Pasteur et où nous
connaître pour toujours les profondeurs de son amour. Amen.