Luxembourg : Benoît XVI très préoccupé par le texte de loi sur l'euthanasie
Dans le discours remis à l’Ambassadeur du Luxembourg ce matin, Benoît XVI exprime
sa très vive préoccupation au sujet du texte de loi sur l’euthanasie et le suicide
assisté débattu aujourd’hui au Parlement. Au début du mois, le Grand Duc Henri avait
prévenu les députés qu’il ne promulguerait pas cette loi pour des raisons de conscience.
Quelques jours plus tard, les députés ont voté à la quasi unanimité un projet de loi
réduisant ses pouvoirs.
Lisez le texte intégral du discours :
Monsieur
l'Ambassadeur,
Je suis heureux d'accueillir Votre Excellence en cette circonstance
solennelle de la présentation des Lettres qui l'accréditent en qualité d'Ambassadeur
extraordinaire et plénipotentiaire du Grand-Duché de Luxembourg près le Saint-Siège.
Je vous remercie, Monsieur l’Ambassadeur, pour les paroles cordiales que vous m’avez
adressées. Je vous saurais gré de bien vouloir exprimer à Son Altesse Royale le Grand-Duc
Henri mes vœux cordiaux pour sa personne et pour la famille grand-ducale ainsi que
pour le bonheur et la réussite du peuple luxembourgeois. Je prie Dieu d’accompagner
les efforts et les initiatives de toutes les personnes qui portent le souci du bien
commun.
En cette fin d’année, s’achèvent les festivités qui ont marqué la célébration
du 1350ème anniversaire de la naissance de saint Willibrord, le patron
secondaire de votre nation. Infatigable missionnaire au milieu des plus grandes vicissitudes
politiques, c’est, en particulier, grâce à lui que la semence de l’Évangile a été
déposée dans votre terre, qu’elle a grandi et porté du fruit et qu’elle a laissé une
empreinte profonde sur l’histoire de votre pays. Aujourd’hui encore, la communauté
catholique participe activement à la vie sociale et politique de votre nation cherchant
à apporter une contribution utile au bien-être de toute la population et à participer
efficacement à la résolution des problèmes qui affectent la vie des hommes.
C’est
notamment un pressant devoir commun à tous de protéger la dignité de l’homme des agressions
que lui font subir les situations de pauvreté qui existent même au sein des nations
les plus développées comme la vôtre. Cette attention doit se déployer à divers niveaux :
à travers des actions de proximité, mais aussi à l’échelle nationale, sans oublier
la coopération internationale. Que la crise financière actuelle qui suscite tant d’inquiétudes
ne détourne cependant pas votre pays des efforts qu’il consent pour la solidarité
et l’aide au développement. Je souhaite que votre pays sache également réaffirmer
auprès des autres nations développées avec lesquelles il entretient des relations
étroites, que les pays riches ne peuvent oublier leurs responsabilités, en premier
lieu, en faveur du sort des populations les plus pauvres. La prospérité dont jouit
heureusement votre nation lui donne un devoir d’exemplarité.
Le contexte économique
invite paradoxalement à rechercher le vrai trésor de l’existence et à être attentif
aux équilibres qui permettent une vie sociale harmonieuse. Parmi tous les éléments
qui y contribuent, figure à n’en pas douter le respect du dimanche. Au-delà de sa
signification religieuse, la singularité de ce jour rappelle à chaque citoyen sa haute
dignité et que son labeur n’est pas servile. Ce jour est offert à tous pour que l’homme
ne soit pas réduit à n’être qu’une force de travail ou un consommateur mais qu’il
puisse se reposer et consacrer du temps aux réalités les plus hautes de la vie humaine :
la vie familiale, la rencontre gratuite avec les autres, les activités de l’esprit
et le culte rendu à Dieu. Il est important de ne pas perdre, dans une vaine et dangereuse
course au profit, ce qui est, non seulement un acquis social, mais surtout le trait
d’une sagesse humaniste profonde.
Je voudrais, Monsieur l’Ambassadeur, saisir
aussi l’occasion de notre rencontre pour exprimer ma très vive préoccupation au sujet
du texte de loi sur l’euthanasie et le suicide assisté, actuellement en débat au Parlement.
Ce texte, accompagné par ailleurs et d’une manière contradictoire, d’un autre projet
qui contient d’heureuses dispositions législatives pour développer les soins palliatifs
afin de rendre la souffrance plus supportable dans la phase finale de la maladie et
favoriser pour le patient un accompagnement humain approprié, légitime concrètement
la possibilité de mettre fin à la vie. Les responsables politiques, dont le devoir
grave est de servir le bien de l’homme, tout comme les médecins et les familles,
doivent se rappeler que « la décision délibérée de priver un être humain innocent
de sa vie est toujours mauvaise du point de vue moral et ne peut jamais être licite »
(Encyc. Evangelium vitae, n.57). En vérité, l’amour et la vraie compassion
empruntent une autre voie. La demande qui monte du cœur de l’homme dans sa suprême
confrontation avec la souffrance et la mort, spécialement quand il est tenté de se
livrer au désespoir et qu’il est égaré au point de souhaiter disparaître, est surtout
une demande d’accompagnement et un appel à plus de solidarité et de soutien dans l’épreuve.
Cet appel peut apparaître exigeant, mais il est seul digne de l’être humain et il
ouvre à des solidarités nouvelles et plus profondes qui viennent, en définitive, enrichir
et fortifier les liens familiaux et sociaux. Sur ce chemin d’humanisation, tous les
hommes de bonne volonté sont invités à coopérer et l’Église, pour sa part, veut résolument
y engager toutes ses ressources d’attention et de service. Fidèle aux racines chrétiennes
et humanistes de sa nation et au constant souci de promouvoir le bien commun, que
le peuple luxembourgeois, dans toutes ses composantes, ait toujours à cœur deréaffirmer
la grandeur et le caractère inviolable de la vie humaine !
Par votre intermédiaire,
Monsieur l'Ambassadeur, je suis heureux en conclusion de saluer Mgr Fernand Franck,
Archevêque de Luxembourg, les prêtres, les diacres et tous les fidèles qui forment
la communauté catholique du Grand-Duché. Comme je l’ai souligné, je sais qu'ils ont
à cœur le souci de construire, avec les autres citoyens, une vie sociale où chacun
puisse trouver les voies d’un épanouissement personnel et collectif. Que Dieu confirme
ces bonnes dispositions !
Au moment où Votre Excellence inaugure officiellement
ses fonctions auprès du Saint-Siège, je forme les souhaits les meilleurs pour l’heureux
accomplissement de sa mission. Soyez sûr, Monsieur l'Ambassadeur, de toujours trouver
auprès de mes collaborateurs attention et compréhension cordiales. En invoquant l’intercession
de la Vierge Marie et de saint Willibrord, je prie le Seigneur de répandre de généreuses
bénédictions sur vous-même, sur votre famille et sur vos collaborateurs, ainsi que
sur les dirigeants et le peuple luxembourgeois.