2008-01-04 18:28:43

Entretien du Père Peter-Hans Kolvenbach à Radio Vatican


Une nouvelle page se tourne pour la Compagnie de Jésus, qui compte 19 000 membres à travers le monde. Le Pape a en effet accepté la démission du père Peter-Hans Kolvenbach, 80 ans, supérieur général des jésuites, et lundi 7 janvier, 225 jésuites du monde entier se réunissent à Rome pour élire leur nouveau supérieur général.


Entretien du Père Kolvenbach à Radio Vatican


1ère question :
Lors de la congrégation précédente, en 95, vous aviez qualifié d’ « étincelle » le lien entre foi et Justice. Quelle pourrait être l’étincelle de la congrégation qui s’ouvre le 7 janvier ?

Réponse :
L’étincelle de cette congrégation générale sera fatalement le choix du nouveau supérieur général. En choisissant parmi des milliers de jésuites capables de le devenir, tel ou tel, la compagnie dit ce qu’elle attend pour son avenir : un prophète sage, un innovateur ou un modérateur, un contemplatif ou un actif, un homme de pointe ou un homme d’union ? En effet la congrégation générale commence par une évaluation de sa situation présente, par un discernement présent de ce qui est lumière dans la compagnie ou plutôt ombre, dans son service à l’Eglise et au monde. C’est de cette évaluation de sa situation que doit surgir l’étincelle : voila le jésuite dont nous avons besoin pour avancer sur le chemin de Dieu.


2ème question :
Après le concile Vatican II l’histoire de la Compagnie de Jésus a été caractérisée par l’engagement social. Est-il encore aujourd’hui une priorité ?

Réponse :
La priorité demeure mais, mais plus intégrée dans la mission de la compagnie de Jésus. Pastoral et social ne s’opposent plus : c’est la foi qui nous pousse au nom du Seigneur vers l’autre vivant dans une condition de misère et d’injustice. Le Seigneur Lui-même s’est rendu proche de l’homme demi-mort, gisant au bord de la route, vivant ainsi le commandement toujours vivant de l’amour. Si seulement quelques jésuites accomplissent leur mission dans le travail social, tous les jésuites sont appelés à vivre pleinement la dimension sociale inévitablement présente dans tout travail pastoral ou scolaire, dans tout accompagnement spirituel et en toute évangélisation. Déjà pour les premiers jésuites, il n’était pas possible de s’appeler compagnon de Jésus sans être ami de ces compagnons de Jésus que sont les pauvres.

3° question :
Certains théologiens catholiques se plaignent du manque d’autonomie de leur tache vis-à-vis du magistère. Quel regard portez-vous sur ce rapport ?

Réponse :
Le théologien catholique ne s’étonne pas de ne pas être autonome dans sa recherche et dans sa pensée car l’Eglise elle non plus n’est pas autonome dans sa foi. Les pères de l’Eglise appelèrent volontiers l’Eglise : le mystère de la Lune, car toute la lumière dont elle dispose pour éclairer notre nuit lui vient du soleil. Saint Paul le disait autrement en soulignant qu’il transmettait ce que lui-même avait reçu. N’empêche, cette tradition de la foi ne condamne nullement le théologien à copier textuellement la doctrine de l’Eglise. L’Eglise attend du théologien qu’il transmette la foi comme une réponse vive et vitale aux hommes en quête de Dieu, à la recherche des solutions aux problèmes que la vie leur pose. C’est un vrai don de l’Esprit lorsqu’un théologien en pleine fidélité au magistère, sait illuminer d’une manière personnelle et créatrice les ténèbres de nos tâtonnements et doutes. Saint Paul demande déjà à l’Eglise d’assurer la foi dans toute son intégrité sans éteindre l’esprit qui anime le théologien.


4° question :
Quelle inspiration avez-vous pris de votre prédécesseur le Père Arrupe (dont nous avons commémoré au mois de novembre le centenaire de la naissance) pour guider la Compagnie de Jésus au cours de ce dernier quart de siècle ?

Réponse :
Nous avons appris du Père Pedro Arrupe un retour aux sources dans la lumière du Concile Vatican II. Si, selon les pères de ce Concile, une famille religieuse est un don de l’Esprit à l’Eglise, qu’est ce que le Seigneur à voulu pour son Eglise en suscitant sa compagnie ? A une époque où l’Eglise était prise par les divisions des chrétiens, et risquait d’oublier qu’elle était fondée pour annoncer la Bonne Nouvelle aux peuples, saint Ignace et ses compagnons sont appelés pour continuer la mission du Christ, surtout là où il n’est pas connu ou mal connu. Dans le Concile, le père Arrupe puisait la force de questionner tous ses confrères et toutes leurs œuvres pour savoir si tout ce travail impressionnant était vraiment et clairement de continuer la mission du Christ. Une mission qui géographiquement parlant n’est nullement achevée et qui, au contraire, est à recommencer dans des pays de chrétienté. Une mission aussi qui se passe aux frontières entre foi et culture moderne, foi et science, foi et justice sociale, où il faut porter la présence de l’Eglise. Pour pouvoir accomplir cette annonce du Christ, le compagnon de Jésus doit être et vivre en fonction de cette mission, ce qui déjà au temps de saint Ignace comportait une rupture avec la vie consacrée monastique, et qui exige encore aujourd’hui une vie qui contemple les mystères de la vie du Christ en mission et y conforme l’action missionnaire de tous les jours. Voilà ce que le père Arrupe, comme un véritable prophète du renouveau conciliaire, a essayé de réaliser par une vie qui demeure une source d’inspiration.

 5° question :
Le Père Arrupe a été un prophète du renouveau conciliaire, mais que reste-t-il à faire aujourd’hui pour mettre en pratique les indications du Concile Vatican II ?

Réponse :
La tâche de mettre en oeuvre les lignes tracées par le Concile Vatican II ne sera jamais achevée. Elle est sans cesse à reprendre à nouveau, car il ne s’agit pas de changer ici ou là quelques pratiques dans l’Eglise, mais de faire du neuf en se convertissant, en changeant son cœur pour se laisser saisir par le cœur de Dieu. Par exemple la reconnaissance des laïcs dans l’Eglise ne peut pas s’arrêter à la désignation de quelques postes dans l’organigramme de l’Eglise, mais elle appelle les laïcs fidèles du Christ à assumer leur mission spécifique dans l’Eglise et pour l’Eglise dans le monde. Cette prise de responsabilité dans la communion en l’Esprit qu’est l’Eglise, exige une conversion du cœur. Concrètement les nombreux mouvements ecclésiaux qui sont le fruit du concile, ne demandent pas une simple inscription, mais le don de soi-même. En choisissant pour le développement post-conciliaire l’expression : l’herméneutique de la continuité, le Saint Père dit que la rénovation puisera toujours dans le passé de la vie de l’Eglise avec son Seigneur qui fait sans cesse toute chose neuve. Nous n’aurons jamais le dernier mot : il est à Lui qui construit avec nous une terre nouvelle et un Ciel nouveau.


6° question :
Après 24 ans vous aurez à nouveau un supérieur religieux : vous serez le premier général des jésuites à se trouver dans cette situation (mise à part la maladie du P. Arrupe). Comment vous préparez-vous à ce changement dans votre vie ?

Réponse :
Saint Benoît savait déjà qu’il devait être à l’écoute de ses confrères, parce que Dieu pouvait Lui parler par la bouche du plus jeune moine. Après 25 ans d’écoute d’à peu près 20 000 jésuites, l’obéissance à uniquement un seul parmi eux devrait être plutôt un temps de paix. Au moins j’espère ne pas être pour lui un fardeau à porter et à supporter.
 










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