Le père Grégory Woimbée commente l'évangile du 24ème dimanche du temps ordinaire.
(RV-15septembre) Le commentaire de l'évangile de ce 24ème dimanche du temps ordinaire
(Marc 8,27-35), vous est proposé par le Père Grégory Woimbée.
« Tu es le messie ».
Dire cela, penser cela, croire en cela et vivre cela, sont des actes différents.
Il faut à chaque étape entrer un peu plus dans la vérité du Christ. « Dire cela »
est encore indéterminé. « Penser cela » c’est admettre la vérité selon laquelle Jésus
est le Christ, le Messie, l’oint du Seigneur, l’envoyé de Dieu. « Croire en cela »,
c’est aller bien au-delà de la simple adéquation, de la simple vérité de la proposition,
c’est fonder sa vie sur la messianité de l’homme Jésus, c’est croire qu’il est sauveur.
« Vivre cela » vient dans le prolongement : s’il est mon sauveur, qui est-il pour
moi ? Que fait-il pour moi ? Que dois-je faire pour lui ? C’est à ce niveau de profondeur
qu’il faut mettre la confession de foi de Pierre : celle de la vie et du salut. La
confession ne s’arrête pas à la vérité sur Jésus, elle porte sur ma propre liberté.
La confession de foi engage notre liberté, ce n’est pas simplement une adhésion à
la vérité, c’est un engagement total et libre. Le Christ explique à Pierre la
profondeur de ce qu’il vient de dire. Tu dis cela, mais tu dois savoir ce que tu dis
en le disant. Tu parles du salut, tu parles du fils de l’homme, tu parles de ma passion,
de la haine des hommes, de ma déréliction, mais aussi de ma résurrection. La liberté
du croyant s’engage sur un chemin qui va de la croix à la gloire. Pierre ne comprend
pas encore ce paradoxe, il rechigne à saisir, il veut un triomphe qui ait l’apparence
d’un triomphe, il veut un Dieu qui ressemble à l’idée que l’on est capable de se faire
de Dieu, une idole. C’est ainsi que Satan lui-même se voit : en triomphe qui a l’apparence
d’un triomphe, en gloire sans croix. Le dieu de Satan est une gloire sans croix, une
gloire sans amour. L’envoyé du Seigneur révèle qui est Dieu, tel qu’il ne soit pas
possible de l’imaginer ou d’en produire l’idée à vue humaine. L’homme ne peut imaginer
ou produire l’idée du Dieu que révèle Jésus-Christ, le Dieu qui est amour et dont
l’amour se révèle dans la croix. D’où cette liberté fondamentale du Chrétien engagée
dans sa confession de foi et l’impératif du disciple d’un tel Dieu qui est de renoncer
à lui-même et de prendre sa croix, autrement dit l’exigence pour le chrétien de ressembler
au Christ. Mais cette imitation du Christ qui consiste à admettre la croix, c’est-à-dire
l’amour révélé dans le don de soi, se vit elle-même dans l’offrande du Christ. Il
ne s’agit pas d’être à côté du Christ, de se tenir en parallèle, de répéter, il s’agit
d’être avec le Christ, de se tenir en lui, de le suivre. C’est une imitation fondée
sur une ressemblance et sur une communion. C’est une imitation vivante. C’est bien
pour nous, que le Christ a donné sa vie et c’est fait bonne nouvelle, évangile, c’est
bien pour nous que Dieu a parlé, c’est aussi à cause de lui et à cause de son Evangile
que nous devons donner notre vie. Notre offrande a une raison d’être. Elle a un passé :
la Pâque du Seigneur, elle a un présent : la Pentecôte, l’envoi de son Esprit, elle
a un futur, la parousie, son retour en gloire et notre propre exaltation. Notre
présent, le temps de l’Eglise, contient en lui cette tension entre l’événement sur
lequel il est fondé et l’autre événement dont il fonde la promesse. Et ce présent
du disciple n’est pas toujours facile et simple, il faut accepter l’insécurité et
l’inconfort, suivre avec créativité, inventer des formes de fidélité toujours plus
hautes, inventer ne signifie pas créer de toutes pièces, mais signifie étymologiquement
découvrir ce qui est déjà ; il nous faut constamment chercher des voies par lesquelles
nous renouvellerons notre fidélité au Christ, sur lesquelles nous porteront les croix
et les choix de l’existence. Faire d’un apparent destin, où tout semble écrit pour
notre perte, la conquête d’une liberté plus haute, c’est accepter les rigueurs de
la conversion personnelle, car cette croix que l’on porte, c’est la réalité de ce
que l’on est. Porter sa croix, c’est admettre sa propre vulnérabilité, ses angoisses
sans toutefois renoncer à avancer, à suivre le chemin. Lorsque le Christ dit : « qu’il
prenne sa croix et qu’il me suive », il dit l’essentiel : il ne s’agit pas de s’enfermer
dans la culpabilité ou le désespoir, de tomber dans l’immobilisme de la dépression,
il s’agit de suivre, d’avancer, de vivre une transfiguration, car lorsqu’on vit pour
un autre, le fardeau de ce que l’on est devient plus léger, car lorsqu’on a une raison
d’exister, l’existence devient comme l’évidence de ce qui n’aurait pu être autrement.