DISCOURS DU SAINT-PÈRE - RENCONTRE AVEC LES REPRÉSENTANTS DE QUELQUES COMMUNAUTÉS
MUSULMANES.
Chers amis musulmans,
C’est pour moi un motif de grande joie de vous accueillir
et de vous adresser mon salut cordial. Je suis ici pour rencontrer les jeunes de toutes
les parties de l’Europe et du monde. Les jeunes sont l’avenir de l’humanité et l’espérance
des nations. Mon bien-aimé prédécesseur, le Pape Jean-Paul II, disait un jour aux
jeunes musulmans réunis dans le stade de Casablanca, au Maroc: «Les jeunes peuvent
construire un avenir meilleur s’ils mettent d’abord leur foi en Dieu et s’ils s’engagent
à édifier ce monde nouveau selon le plan de Dieu, avec sagesse et confiance» (n. 4:
La Documentation catholique 82 [1985], p 943). C’est dans cet esprit que je
m’adresse à vous, chers amis musulmans, pour partager avec vous mes espérances et
aussi pour vous faire part de mes préoccupations en ces jours particulièrement difficiles
de l’histoire de notre temps. Je suis sûr d’interpréter aussi votre pensée en
mettant en évidence, parmi les préoccupations, celle qui naît du constat de l’expansion
du phénomène du terrorisme. Des actions terroristes continuent à se produire dans
diverses parties du monde, semant mort et destruction, jetant beaucoup de nos frères
et sœurs dans les larmes et le désespoir. Ceux qui ont pensé et programmé ces attentats
démontrent leur désir de vouloir envenimer nos relations, se servant de tous les moyens,
même de la religion, pour s’opposer à tous les efforts de convivialité pacifique,
loyale et sereine. Le terrorisme, quelle qu’en soit l’origine, est un choix pervers
et cruel, qui bafoue le droit sacro-saint à la vie et qui sape les fondements mêmes
de toute convivialité sociale. Si nous réussissons ensemble à extirper de nos cœurs
le sentiment de rancœur, à nous opposer à toute forme d’intolérance et à toute manifestation
de violence, nous freinerons la vague du fanatisme cruel qui met en danger la vie
de nombreuses personnes, faisant obstacle à la progression de la paix dans le monde.
La tâche est ardue, mais elle n’est pas impossible. Le croyant sait en effet qu’il
peut compter, malgré sa fragilité, sur la force spirituelle de la prière. Chers
amis, je suis profondément convaincu que nous devons proclamer, sans céder aux pressions
négatives du moment, les valeurs de respect réciproque, de solidarité et de paix.
La vie de tout être humain est sacrée, que ce soit pour les chrétiens ou pour les
musulmans. Nous avons un grand champ d’action dans lequel nous nous sentons unis pour
le service des valeurs morales fondamentales. La dignité de la personne et la défense
des droits qui découlent de cette dignité doivent être le but de tout projet social
et de tout effort mis en œuvre dans ce sens. Il s’agit d’un message rappelé sans équivoque
par la voix ténue mais claire de la conscience. Il s’agit d’un message qu’il faut
écouter et faire écouter: si l’écho s’en éteignait dans les cœurs, le monde serait
exposé aux ténèbres d’une nouvelle barbarie. C’est uniquement sur la reconnaissance
du caractère central de la personne que l’on peut trouver un terrain commun d’entente,
dépassant les éventuelles oppositions culturelles et neutralisant la force explosive
des idéologies. Dans la rencontre que j’ai eue au mois d’avril avec les Délégués
des Églises et Communautés ecclésiales, et avec les représentants des diverses Traditions
religieuses, j’ai déclaré: «Je vous assure que l’Église souhaite continuer d’établir
des ponts d’amitié avec les membres de toutes les religions, dans la recherche du
bien véritable de toute personne et de la société dans son ensemble» (La Documentation
catholique, 102 [2005], p. 550). L’expérience du passé nous enseigne que le respect
mutuel et la compréhension n’ont pas toujours marqué les relations entre chrétiens
et musulmans. Combien de pages de l’histoire évoquent les batailles et aussi les guerres
qui se sont produites, en invoquant, de part et d’autre, le nom de Dieu, en laissant
presque penser que combattre l’ennemi et tuer l’adversaire pouvaient lui être agréables.
Le souvenir de ces tristes événements devrait nous remplir de honte, connaissant bien
les atrocités qui ont été commises au nom de la religion. Les leçons du passé doivent
nous servir à éviter de répéter les mêmes erreurs. Nous voulons rechercher les voies
de la réconciliation et apprendre à vivre en respectant chacun l’identité de l’autre.
En ce sens, la défense de la liberté religieuse est un impératif constant, et le respect
des minorités est un signe indiscutable d’une véritable civilisation. À ce propos,
il est toujours opportun de se rappeler ce que les Pères du Concile Vatican II ont
dit concernant les relations avec les musulmans: «L’Église regarde aussi avec estime
les musulmans, qui adorent le Dieu unique, vivant et subsistant, miséricordieux et
tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, qui a parlé aux hommes, et aux décrets
duquel, même s’ils sont cachés, ils s’efforcent de se soumettre de toute leur âme,
comme s’est soumis à Dieu Abraham, à qui la foi islamique se réfère volontiers [...].
Même si, au cours des siècles, de nombreuses dissensions et inimitiés sont nées entre
chrétiens et musulmans, le saint Concile les exhorte tous à oublier le passé, à pratiquer
sincèrement la compréhension mutuelle, ainsi qu’à protéger et à promouvoir ensemble,
pour tous les hommes, la justice sociale, les biens de la morale, la paix et la liberté»
(Déclaration Nostra ætate, n. 3). Chers amis, vous représentez certaines
Communautés musulmanes qui existent dans le pays dans lequel je suis né, dans lequel
j’ai étudié et vécu une bonne partie de ma vie. C’est précisément pour cela que j’avais
le désir de vous rencontrer. Vous guidez les croyants de l’Islam et vous les éduquez
dans la foi musulmane. L’enseignement est le moyen par lequel se communiquent idées
et convictions. La parole est la voie royale de l’éducation des esprits. Vous avez
donc une grande responsabilité dans la formation des nouvelles générations. Ensemble,
chrétiens et musulmans, nous devons faire face aux nombreux défis qui se posent en
notre temps. Il n’y a pas de place pour l’apathie, ni pour le désengagement, et encore
moins pour la partialité et le sectarisme. Nous ne pouvons pas céder à la peur, ni
au pessimisme. Nous devons plutôt cultiver l’optimisme et l’espérance. Le dialogue
interreligieux et interculturel entre chrétiens et musulmans ne peut pas se réduire
à un choix passager. C’est en effet une nécessité vitale, dont dépend en grande partie
notre avenir. Les jeunes, provenant de nombreuses parties du monde, sont ici à Cologne
comme des témoins vivants de la solidarité, de la fraternité et de l’amour. Je souhaite
de tout mon cœur, chers amis musulmans, que le Dieu miséricordieux et plein de compassion
vous protège, vous bénisse et vous éclaire toujours. Que le Dieu de la paix soutienne
nos cœurs, nourrisse notre espérance et guide nos pas sur les chemins du monde !